The Rule of Jenny Pen : un huis clos dérangeant et brillant

L’excellent John Lithgow harcèle Geoffrey Rush à l’Ehpad dans The Rule of Jenny Pen, thriller glaçant qui confirme le talent de James Ashcroft.
Pour son deuxième long-métrage après Coming home in the dark (sorti en VOD sous le titre Balade Meurtrière), le réalisateur néo-zélandais James Ashcroft signe avec The Rule of Jenny Penn une œuvre aussi glaçante qu’incisive, confirmant une trajectoire déjà marquée par la violence sourde et le réalisme brut de son précédent film. Souhaitant ancrer des récits de genre dans un terreau social tangible, Ashcroft adapte ici une nouvelle de W. Marshall, et livre un huis clos oppressant au cœur d’une maison de retraite néo-zélandaise. Un ancien juge victime d’un AVC, Stefan Mortensen (Geoffrey Rush, Pirates des Caraïbes, Le discours d’un roi), arrivé à reculons dans cet Ehpad local, y subit bientôt la loi et le harcèlement d’un pensionnaire psychopathe, Dave (John Lithgow, Blow Out, Dexter, Cliffhanger), qui manipule et abuse des résidents à l’aide d’une marionnette qu’il surnomme Jenny Pen…
Tourné dans ce décor réaliste, The Rule of Jenny Pen déploie une tension croissante grâce à des cadrages de plus en plus étranges et des mouvements de caméra qui épousent la psyché des personnages. Le travail sur la lumière accentue le malaise : tout semble filtré par le regard de l’Oscarisé Geoffrey Rush, bouleversant en vieil homme qui perd peu à peu ses repères temporels et mentaux. Sa dégradation, rendue avec pudeur, mais sans détour, est l’un des cœurs battants du film. On se perd avec lui dans une temporalité fracturée, où les transitions mentales deviennent des failles visuelles et narratives.
La guerre des seniors

En face, John Lithgow livre sans doute l’une des performances les plus glaçantes de sa longue et faste carrière. Son personnage avance masqué, pervers, jubilatoire, tour à tour charmeur, paternaliste, puis sadique : il transforme l’espace commun en terrain de domination. Lithgow, habitué aux « salopards » de prestige depuis ses premières collaborations avec Brian de Palma, pousse ici son art de la menace jusqu’à l’insupportable, tout cela sous le nez des infirmières qui ne verront en lui qu’un petit vieux un peu fou qui refuse de se séparer de sa poupée « Jenny Penn ». Le personnage de Geoffrey Rush va logiquement devenir la cible principale de cette improbable et pourtant impitoyable menace : le combat entre une personne faisant respecter la loi et un autre dictant sa propre loi.
« Avec The Rule of Jenny Penn, James Ashcroft
entre dans une nouvelle dimension. »
Ashcroft ne cherche pas à rassurer. Il dissèque, lentement, avec une précision quasi chirurgicale, les mécanismes du pouvoir abusif, tout en nous enfonçant dans un malaise progressif. Pas de twist final rocambolesque ici. Ashcroft parvient à garder intacte la tension au fur et à mesure que l’état du juge Mortensen se dégrade, face au règne grandissant de l’ami Dave. Pas étonnant que Stephen King ait déclaré qu’il s’agissait de « l’un des meilleurs films qu’il ait vus cette année ». Séduit, le maître de l’horreur a même cédé à Ashcroft, pour une somme dérisoire, les droits d’une nouvelle qu’il refusait jusqu’ici d’adapter. Un gage de confiance, mais aussi une confirmation : avec The Rule of Jenny Penn, James Ashcroft entre dans une nouvelle dimension en livrant un film fort, dérangeant et brillant, que cela soit dans l’interprétation ou la réalisation.