Jusqu’à la sortie du film de Nicolas Boukhrief, en 2004, le métier à haut risque de convoyeur n’avait vraiment pas eu l’occasion d’être mis en avant dans le cadre d’une fiction. La réalité est en fait souvent plus impressionnante que n’importe quel scénario : ces dix dernières années, les attaques à main (lourdement) armée contre des fourgons se sont multipliés, dans le Sud comme en région parisienne, et les attaques se terminent souvent de manière dramatique. [quote_right] »Cluzet, semblant constamment au bord de la crise de nerfs, semble avoir saisi dans son attitude toute la solitude et la rage de réussite qui caractérisent le personnage. »[/quote_right]Toutefois, le plus célèbre fait divers dans ce domaine reste l’affaire Musulin : en 2009, Toni Musulin, convoyeur de fonds à Lyon démarre son fourgon en laissant derrière lui ses collègues, s’évaporant dans la nature avec 11,6 millions d’euros en poche. Pas de bruit, pas d’arme, rien que le hold-up le plus audacieux et le mieux exécuté jamais enregistré en France. L’enquête puis l’arrestation du braqueur-convoyeur permettent de prouver que le plan de Toni était mûrement réfléchi. Condamné et emprisonné, Musulin a redonné une grande partie de l’argent, mais 2,5 millions d’euros restent encore aujourd’hui introuvables.
Cette histoire incroyable, qui a passionné pendant quelques jours un pays choqué par la crise financière, garde un écho puissant en ces temps de récession tous azimuts, et de méfiance généralisée envers les banques et leur gestion opaque de notre argent. L’histoire de Tony Musulin a, presque logiquement, trouvé le chemin des écrans avec 11,6, deuxième film de Philippe Godeau (Un dernier pour la route), qui retrouve ici le versatile François Cluzet, choisi malgré le peu de ressemblance avec son modèle pour incarner Musulin. Un premier trailer, qui vient de tomber sur la toile, révèle toute l’ambition d’un film construit comme un mélange de drame psychologique et de thriller au suspense étouffant.
Tourné dans la région Rhône-Alpes, 11,6 s’inspire en partie du livre Toni 11,6 – histoire d’un convoyeur, qui contient plusieurs entretiens avec le Musulin, fils d’immigré yougoslave, fana de grosses cylindrées, homme sans histoire qui avait progressivement coupé les ponts avec son entourage pour s’enfuir, seul, avec son magot. Cluzet, semblant constamment au bord de la crise de nerfs, semble avoir saisi dans son attitude toute la solitude et la rage de réussite qui caractérisent le personnage, qui s’était rendu fin 2009 à la police sans plus d’explication. Le film de Godeau, s’il rappelle forcément dans ses décors et ses thèmes l’excellent Convoyeur, peut se reposer sur ce personnage fascinant pour convaincre, d’autant que la photo et le casting (Bouli Lanners, Corinne « Louise Wimmer » Masiero, Lionnel Astier) s’avèrent particulièrement inspirés. 11,6 sort en salles le 3 avril prochain.
