The Man from Nowhere : arrête ou mon Coréen va te planter

par | 28 septembre 2011 | À LA UNE, BLURAY/DVD, Critiques, VOD/SVOD

The Man from Nowhere : arrête ou mon Coréen va te planter

The Man from Nowhere se révèle être un avatar commercial de Taken, certes, mais qui prend la forme d’un divertissement racé et efficace.

À force, on va finir par croire que l’extermination de son prochain est une tradition ancestrale en Corée du Sud. Bien qu’il soit sorti il y a déjà un moment dans son pays (avec 6 millions de spectateurs à la clé), The Man from nowhere nous parvient (en DVD et Blu-Ray seulement pour la France, pas de chance) la même année que d’autres perles d’ultra-violence stylisée et décomplexée, comme I saw the devil ou Murderer. Inutile de refaire l’historique du sous-genre dit du « thriller sanglant coréen », né d’un big bang (Old Boy) et décliné depuis sous toutes les formes possibles par des artisans plus ou moins consciencieux et inspirés.

Sans être révolutionnaire, The Man from Nowhere tire son épingle du jeu, compensant un manque de profondeur certain par son esthétique bleu acier toujours aussi agréable à l’écran, des chorégraphies brutales mais inspirées, et une tête d’affiche qui a le bon goût de ne pas être… une tête à claques, malgré son passif visible de popstar locale. Won Bin, puisque c’est de lui qu’il s’agit, joue ici l’homme inconnu du titre, après avoir prouvé ses qualités d’acteur « sérieux » dans le Mother de Bong Joon-Ho.

C’est un peu compliqué

The Man from Nowhere : arrête ou mon Coréen va te planter

 Tae-Sik (il a quand même un nom, ce petit) est donc un prêteur sur gages timide vivant à Séoul, dans un immeuble quelque peu décrépi. Sa seule amie est une petite fille vivant à côté de chez lui, So-mi. Pas de chance, la mère de la petite transporte régulièrement de la drogue pour un gang mafieux, et en vient un jour à cacher quelque sacs qu’elle a volés dans l’échoppe de Tae-Sik. La suite est prévisible : attaqué par des homme de main mécontents, Tae-Sik se révèle être un type redoutable, et va se mettre en tête de sauver So-Mi. Ce faisant, il tombe en plein milieu d’une guerre des gangs qui inclut notamment… du trafic d’organes, d’enfants en particulier.

« The Man from nowhere excelle à maintenir une tension permanente autour de son héros. »

Faut-il encore le répéter ? C’est dans ses excès, son refus du second degré, sa froide précision et l’originalité de ses rebondissements que le thriller coréen marque à chaque fois des points. Tel quel, The Man from nowhere a tout du Taken bis, voire d’un remake asiatique de Man on fire. Un ancien agent secret traumatisé par la mort de sa femme, des hommes de main prêts à se faire dessouder à la chaine, un bras droit comme par hasard aussi fort que le héros, des forces de police dépassées par les événements… Pris séparément, ces éléments de l’intrigue sont d’une banalité à crever. Mais c’est sans compter sur la volonté des scénaristes de compliquer ce schéma de base : pour retarder l’échéance du combat final, ils font intervenir dès l’ouverture une brigade de policiers surmotivés, un gang rival tout droit sorti d’un film de triades… Au lieu de privilégier la linéarité propre à ce type de récit, ils construisent ainsi un réseau de connexions entre de multiples personnages, plus ou moins nécessaires, certes, mais qui font passer l’illusion d’une nouveauté dans une histoire par ailleurs rabâchée (même dans Commando, tiens !).

La tignasse contre-attaque

The Man from Nowhere : arrête ou mon Coréen va te planter

Forcément trop long (les Coréens semblent contractuellement obligés d’atteindre les 120 minutes à chaque film), surréaliste dans la façon dont est présenté l’invincible Tae-Sik – un agent spécial aussi létal n’aurait jamais été lâché ainsi dans le civil sans un suivi du gouvernement, surtout avec le trauma qu’il se trimballe -, The Man from nowhere excelle pourtant à maintenir une tension permanente autour de son héros. Masqué par sa tignasse, Tae-Sik l’est aussi par le montage, qui se plaît à différer le moment où on le verra passer à l’action (la première confrontation joue sur l’ellipse, la deuxième sur le différé, l’action étant montrée à travers un enregistrement de surveillance). Tiré à quatre épingles – les prêteurs sur gages ont la classe à Séoul, apparemment -, avare en paroles mais pas de coups de canifs, il est le prototype de la machine à tuer autour duquel s’agitent en vain des méchants eux aussi peu nuancés.

Le film frise le chantage émotionnel en opposant cette figure lisse, « pure » et férocement iconique à des tueurs d’enfants et des trafiquants de drogue sans foi ni loi. Heureusement, on est pas chez Besson, et ce côté glauque du scénario ne sert pas de soupape pour laisser exploser une vulgarité crasse à tendance xénophobe (l’un des méchants les plus sadiques du gang est vietnamien, mais cela n’est jamais utilisé comme une excuse pour en faire une brute inculte, bien au contraire). The Man from nowhere triche in fine sur ses promesses de polar hard-boiled dopé à la tragédie intime : il ose un happy end dénué de toute demi-mesure, sans effusion ridicule (quoique), en contradiction avec le ton volontiers désespéré qui précédait. Une concession commerciale, on peut l’imaginer, mais qui n’entame pas trop le capital sympathie indéniable de ce divertissement racé et efficace.