AKA : infiltration et avalanche de gnons
Intronisé star sur Netflix, Alban Lenoir remplit une mission à sa mesure dans AKA, un polar soigné, mais sans surprise.
C’est une évidence qui ne mérite presque plus d’être soulignée : Alban Lenoir est désormais une star bankable comme le cinéma français en possède peu dans son domaine. Ce domaine, c’est celui des rôles physiques intimidants, taillés (ciselés, même) pour les scènes d’action sans doublure et pour des films laissant la part belle aux fusillades et bastons qui font mal, plutôt qu’à l’introspection douloureuse. Après les deux Balle Perdue (et en attendant le troisième) et avant l’arrivée sur Prime Video d’un inattendu Antigang 2, l’acteur dijonnais, dont le rêve avoué serait d’être le Jon Bernthal français, concrétise avec AKA un vieux rêve aux côtés de son ami réalisateur et directeur de la photo Morgan S. Dalibert : un polar sérieux et brutal qui en appelle autant à l’intensité des Jason Bourne qu’à l’esthétisme poisseux des thrillers coréens façon A Bittersweet life (qui a manifestement traumatisé le duo). Honnêtement,nous cherchons encore la trace de ces références dans le résultat final, même si cette production netflixienne n’est pas à balayer d’un revers de main.
Quand Adam y va Franco (pardon)
Son nom est seulement connu des plus hautes sphères du renseignement français et il est facile de comprendre pourquoi : en une scène d’intervention en Lybie, tournée pour partie en plan-séquence, Dalibert montre le danger létal que représente Adam Franco (Lenoir, bien sûr), agent secret capable d’éradiquer un groupe de terroristes et d’abattre ses cibles sans aucun scrupule. Un barbouze sans identité, spécialiste des missions clandestines, que ses supérieurs font revenir en France pour déjouer un attentat à venir. Un terroriste court les rues et pour le coincer, il faut approcher l’une de ses connaissances, le mafieux Victor Pastore (Eric Cantona, en mode boule à zéro et costume trois-pièces) qui règne sur un gang de Seine Saint-Denis. Ancien légionnaire bâti comme un frigo, Franco se fait rapidement une place dans les troupes du boss et se voit même confier la mission de protéger ses enfants. Un job qui trouble l’agent d’élite, dont le passé douloureux lui revient en mémoire et fait entrer les sentiments dans l’équation…
« Dalibert fait un d’Alban Lenoir un bulldozer à l’américaine, éliminant
des ennemis sans cerveau dans un déluge de sang numérique. »
Les fans convertis au charisme brut et à la gouaille de l’ami Lenoir (qui a définitivement quelque chose d’un Belmondo reprogrammé pour la génération Netflix) risquent de ronger un poil leur frein devant cet AKA en gestation depuis une quinzaine d’années, et qui a failli voir le jour sous forme de série avant le succès de Balle Perdue. Dalibert et Lenoir, qui cosignent le script, avaient beaucoup d’intrigues à caser dans cette histoire d’infiltré, de braquages à haut risque et de complot terroriste. Deux heures de métrage n’étaient pas de trop et cette ambition est méritante, même si les articulations entre tous ces éléments grincent sévèrement. Après une mise en place réussie, car inattendue et choquante, AKA fait retomber la tension en introduisant une trame principale sans relief particulier, explorant encore une fois le monde interlope des gangsters du 9-3, empilant des éléments et figures de style qui évoquent Man on fire, John Wick, Braqueurs ou même Domino de Brian de Palma. Les décors sont multiples, mais génériques au possible, les personnages nombreux, mais réduits à leur simple fonction (Cantona en particulier est cantonné au registre attendu du boss classieux piquant des colères noires)…
Dalibert se rattrape grâce à la nervosité de ses scènes d’action, précisément chorégraphiées (l’inamovible Manu Lanzi est de la partie pour la partie combats), qui se signalent par leur point de vue décalé (un passage à tabac vu par le prisme d’une caméra de surveillance) ou leur crescendo de violence (le sauvetage d’un enfant dans un squat de drogués, qui en appelle, inévitablement, au souvenir de The Raid). Lenoir est de tous les moments de bravoure : le visage presque plissé par sa prise de poids – et de muscles – voulue pour le rôle, le comédien passe en mode taiseux bouillonnant de rage. Dalibert en fait un bulldozer à l’américaine, éliminant des ennemis sans cerveau dans un déluge de sang numérique. AKA fait le job de ce point de vue, mais cela ne sauve pas cette série B de son impression tenace de déjà-vu, de film de genre générique aux clichés depuis longtemps dépassés. Lenoir fait beaucoup pour l’attrait du film – comme le confirme l’arrivée immédiate du long-métrage au sommet des tops 10 de la plateforme – mais il mériterait encore mieux.