Army of the Dead : million dollar zombies
Mélange de film de braquage et de zombies, Army of the Dead manque de folie et de rigueur pour faire oublier ses nombreux défauts.
Une chose est sûre avec la plupart des films de Zack Snyder : mieux vaut ne pas manquer le début des hostilités. Rappelez-vous l’ouverture sous très haute tension de L’Armée des morts (titre français de Dawn of the Dead, inutilisable désormais pour traduire cet Army of the dead – c’est rigolo), les premières minutes dantesques de Watchmen, ou même le prologue multicolore de Man of Steel. Le réalisateur américain aime démarrer ses films pied au plancher et sa nouvelle production à 90 millions de dollars, sa première pour Netflix, ne déroge pas à la règle. Sitôt évacué l’inévitable prologue expliquant les origines de l’épidémie zombiesque à l’œuvre dans le milieu du Nevada (un mutant aux origines inexpliquées s’échappe d’un convoi quittant la zone 51 et décime tous les soldats qui lui barrent le chemin), Army of the Dead dévoile un générique débordant de couleurs, de barbaque, de paillettes et de destructions numériques.
En deux minutes d’explosions pop vermillon, pendant lesquels l’essentiel des personnages est présenté en accéléré, Zack Snyder semble condenser l’équivalent d’une saison de The Walking Dead (coïncidence ou pas, tout ce qui est alors raconté sera au centre du spin-off animé Lost Vegas), avec une accumulation de ses ralentis chéris qui en rajoute dans le kitsch rigolard (un Elvis zombie écrasé pour une fausse tour Eiffel ! Des strippeuses zombies qui poursuivent un gros lard dans un jacuzzi !). Une orgie d’infos et de money shots qui désarçonne d’emblée… avant de laisser la place à une looongue exposition. Vous avait-on dit qu’Army of the Dead était long ? 150 minutes au total, soit une heure de plus qu’un film de morts-vivants italien exploitant le même genre de pitch contre-nature. Zack Snyder a sans doute pris des mauvaises habitudes après avoir fait culminer son director’s cut de Justice League à 4 heures de métrage…
Las Vegas Inferno
L’histoire ? Une bande de mercenaires emmenés par Scott (Dave Bautista, qui veut jouer la mélancolie derrière ses yeux plissés et sa carrure de videur) se reconstitue cinq ans après l’invasion de Las Vegas dans la perspective d’un braquage à haut risque. 200 millions de dollars dorment dans la chambre forte souterraine d’un casino, au cœur de la capitale du vice désormais transformée en champ de ruines ceinturé de toutes parts pour éviter les zombies ne s’en échappent. Une zone de quarantaine que le président des USA s’apprête à raser avec une mini-bombe nucléaire. Scott et sa troupe n’ont plus beaucoup de temps pour réussir leur opération, qui va les faire croiser une horde de zombies commandée par des « boîteux » plus intelligents que la moyenne : des Alphas qui vont leur en donner pour leur argent…
« Ocean’s Eleven revisité à la sauce Romero, avec une louche de Triple Frontière : le mariage bisseux sur lequel repose Army of the Dead. »
Ocean’s Eleven revisité à la sauce Romero (plus précisément Land of the Dead – Le territoire des morts), avec une louche de Triple Frontière : voilà le mariage bisseux sur lequel repose Army of the Dead pendant ses 2h30. Snyder avait cette idée en tête depuis le tournage de L’Armée des morts, et le fait est que le projet a longtemps figuré dans la liste des projets non-aboutis du réalisateur, qui a obtenu des montagnes de cash et une totale liberté en signant chez Netflix – le studio étant apparemment assez confiant dans le potentiel de franchise du titre pour créer une catégorie « Univers Army of the Dead » sur son application. Snyder, en plus de piloter la chose, a activement participé à l’écriture du script, et cela se voit, pour le meilleur comme pour le pire. D’un côté, il est impossible de ne pas voir dans la relation centrale entre Scott et sa fille une catharsis fictionnelle de la propre tragédie personnelle du cinéaste : si l’on ne sait pas grand-chose du background de notre héros musculeux (c’est le cas pour toutes les personnages du film, qui sont plus des silhouettes de jeu vidéo stylées que des êtres humains dotés de personnalité), on comprend qu’il regrette d’avoir négligé et vu sa fille s’éloigner de lui.
Cette dimension personnelle est émouvante, mais n’a pas non plus grand-chose à faire dans un film de ce genre. Army of the Dead, avec son univers proche des jeux vidéo Dead Rising, se devait d’être un spectacle nerveux, non-sensique, invraisemblable dans le bon sens du terme. Le script cosigné par Snyder patauge au contraire dans sa propre absence de rythme, entre tunnels affreusement dialogués, rebondissements prévisibles à 100 km (rarement a-t-on pu comprendre aussi vite qu’un personnage secondaire était un traître en puissance) et petites blagues politico-sociétales assénées avec la finesse d’un haltérophile dans un club de bridge. Et pour ne rien arranger, le film ne se dérange pas pour rendre hommage, pardon, pour piller sans ménagement l’Aliens de James Cameron du début à la fin, y compris dans les dialogues.
Braquage à la tronçonneuse
Avait-on besoin d’une sous-intrigue relative au mauvais traitement des migrants coincés à la sortie de Las Vegas dans un improbable camp de réfugiés « potentiellement contaminés » (alors qu’un innocent mordu se transforme en quelques minutes) ? Ou d’une autre sur un salopard de garde transformé en offrande pour les Alphas ? Et passons sous silence l’intermède romantique qui arrive en plein milieu du braquage, offrant à un des personnages les plus transparents l’occasion d’avoir au moins une raison de mourir… Army of the Dead est rempli de ces scories irritantes, qui donnent l’impression derrière le soin apporté à la création d’un véritable monde alternatif (des zombies enceintes, un beau tigre décharné et vindicatif, une armée de morts / primitifs conduite par un chef plutôt charismatique juché… sur un cheval ressuscité) que le script est resté à l’état de vague note d’intention. Un moyen de relier entre elles des morceaux de bravoure qui se font longtemps attendre, avant que le film ne s’énerve vraiment dans son dernier quart.
C’est dans sa dernière ligne droite qu’Army of the Dead fait – un peu – oublier sa facture télévisuelle inattendue, ses choix ses couleurs délavées en post-production (un classique chez Snyder, qui ne doit pas être fan du Technicolor), ses contre-jours incessants, ses choix musicaux paresseux (« Zombie », sérieux ?), ses réductions foireuses de profondeur de champ et ses flous numériques (la photo est assurée par Snyder lui-même, qui s’est amusé avec des objectifs expérimentaux pour mieux bousiller le travail de ses décorateurs et maquilleurs). Terne et disons-le tout net dégueulasse visuellement, Army of the Dead se réanime en trouvant des moyens imaginatifs et radicaux d’exterminer son casting sorti d’un Fast & Furious, au milieu duquel ne surnage guère que la française Nora Arnezeder (Angélique marquise des anges !), dont on comprend au moins le comportement et les motivations. La mise à mort de Garrett Dillahunt, bien qu’attendue, restera notamment dans les mémoires par son extrême violence – surtout pour une production Netflix. Encore une fois, tout est classique dans ce dernier compte à rebours qui fait parler la poudre et les artificiers. Rien ne surprend vraiment, y compris l’épilogue facile qui servira de porte ouverte pour les séquelles à venir. Mais l’ennuie en moins. Rêvons alors au film, plus rigoureux et donc plus fun, mieux tenu et plus mémorable, que nous promettait depuis des années ce pitch un peu barge et déraisonnable. Libéré du carcan de la Warner, Zack Snyder semble paradoxalement être rentré dans le rang en délivrant ce divertissement gore tout juste potable, qui ne surpasse à aucun moment son précédent film de zombies, qui lui avait su surpasser ses attentes.
Grand amateur des films et séries de Zombies et nous savons tous qu’ils y en a beaucoup de bons et de très très bons… je n’ai pas réussi à regarder ce film plus de dix minutes…
No comment !
Dane