Alors que chaque production Marvel surpasse à chaque sortie son prédécesseur, monopolisant l’attention d’un public fidèle et avide de spectacle, et attise l’envie des concurrents (Sony, Warner et 20th Century Fox en tête) à tel point qu’eux aussi augmentent la cadence des adaptations de comic books, il était inévitable que le phénomène fasse l’objet d’expositions en bonne et due forme. Pour la première fois, la « Maison aux idées » a ainsi accepté d’ouvrir une – petite – partie de ses archives, à la fois cinématographiques et dessinées, pour les besoins d’une exposition se tenant à Paris, au musée Art Ludique, intitulée « L’Art des super-héros Marvel ».
Le bâtiment récemment rénové accueillant le musée, en bord de Seine, s’était déjà fait remarquer avec son expo Pixar. Il persévère en proposant depuis le 22 mars et jusqu’au 31 août ce parcours consacré à la maison Marvel, à ses créateurs, dessinateurs et grandes franchises. C’est la première fois, tout du moins en France, qu’une telle installation est créée autour du monde du comic-book, qui a toujours eu plus mauvaise presse que son cousin franco-belge, jusqu’à la récente « invasion Avengers ». L’initiative, saluée dans une vidéo touchante par le pape du genre Stan Lee, est donc assez exceptionnelle, d’autant que, très intelligemment, l’expo mélange à la fois des centaines de planches originales issues des publications de la firme depuis 70 ans, et des objets et costumes issus des films du studio, de Thor 2 à Iron Man en passant par le petit dernier, Captain America : le soldat de l’hiver.
Une visite enrichissante… et frustrante à la fois
Le parcours du visiteur est organisé en fonction, non pas des grands noms de Marvel, qui se révèlent un peu au petit bonheur la chance, mais de ses plus grands super-héros. Actualité oblige, le soldat Steve Rogers a les honneurs de la première salle, qui comme les autres laisse découvrir de nombreuses planches du mythique dessinateur Jack Kirby, une présentation de nombreux accessoires issus du film (dont le fameux bouclier), des textes servant d’introduction générale aux néophytes… Les panneaux les plus impressionnants demeurent ceux consacrés aux fameux « concepts arts » utilisés aux premiers stades de la production, qui font généralement le tour du Net lors de leur publication. Leurs auteurs, qui se nomment Adi Granov ou (surtout) Ryan Meinerding, qui signe l’affiche de l’expo, sont sans doute les vraies stars du show, la qualité et la finition exceptionnelle de leurs œuvres éclatant au grand jour dans ce type d’environnement.
[quote_left] »L’expo mélange à la fois des centaines de planches originales issues des publications de la firme depuis 70 ans, et des objets et costumes issus des films du studio. »[/quote_left]Bien qu’assez exhaustive et sérieuse, l’expo d’Art Ludique s’avère au fil des salles et des super-héros qui défilent scolairement (les moins connus ont droit à de tous petits espaces, surtout s’ils n’ont pas – encore – été adaptés au cinéma) assez frustrante : au-delà du plaisir de voir encadrées comme des œuvres d’art des planches de BD parfois naïves, parfois drôles, parfois incroyablement complexes, l’exposition ne propose pas de regard rétroactif sur l’héritage de ces personnages cultes, ou sur leur popularité, qui n’a cessé de croître malgré le ballet des scénaristes et dessinateurs qui ont succédé aux fondateurs du genre – des artistes comme Franck Miller ou John Romita mériteraient soit dit en passant leur propre exposition (ndlr : c’est désormais le cas pour Alex Ross, le « Norman Rockwell du comic-book », qui est jusqu’au 15 juin 2014 à l’honneur au Mona Bismarck American Center de Paris… une autre expo « super-héroïque » là aussi à découvrir !). Agréable à découvrir, en tout cas si l’endroit n’est pas submergé de monde, l’exposition ne fait qu’effleurer la surface d’un univers difficile à résumer. C’est tout le problème des « premières fois »…
L’art des super-photos
Plus modeste, certainement moins spectaculaire, mais beaucoup plus décalée, « La super Expo ! ou le côté obscur des super-héros », qui se tient à la galerie d’art Sakura du côté de Bercy Village, à quelques encablures d’Art Ludique, met en avant jusqu’au 2 juin, non pas des dessinateurs ou scénaristes, mais des photographes de grand talent, qui se sont piqués d’intérêt pour la figure du super-héros. Travaillant leur sujet pour le replacer dans un contexte de pop culture américaine, ces artistes tentent, avec une mise en scène à chaque fois bien particulière, de donner un aspect plus sombre, plus loufoque ou plus tangible, à ces figures de papier et de celluloïd.
Agan Harahap insère par exemple au moyen de photomontages anachroniques Batman, le Cap’ ou Spider-Man dans des clichés historiques de la Seconde Guerre Mondiale ; Ian Pool, lui, créé des situations photoréalistes utilisant des figurines en plastique de Hulk et ses amis, dans un cadre tout ce qu’il y a de plus familier ; plus classique, mais très parlantes, les photos de Rob Murray isolent enfin des figures comme Superman ou le Dark Knight dans des paysages urbains solaires et désertés, tels des symboles de la solitude moderne écrasant même les surhommes qu’ils sont. Sakura étant une galerie d’art, l’avantage de cette expo est que vous pouvez acheter toutes les reproductions qui vous plaisent. Si vous en avez les super-moyens, bien sûr…
- Galerie Sakura – Bercy Village – 50 cour Saint-Emilion – entrée libre
- Musée Art Ludique – 34 quai d’Austerlitz – de 10 à 16 € l’entrée