Baghead : l’horreur est dans le sac
Une créature cagoulée dans une cave fait revivre les morts dans Baghead, série B aux idées intrigantes, mais laborieusement exploitées.
En 2023, l’une des sensations horrifiques de l’année s’appelait La Main : l’histoire d’un groupe de jeunes attirés par une main momifiée qui permettait de communiquer avec les morts en la serrant — 90 secondes, pas plus. Hasard des plus artistiques, le pitch de la coproduction européenne Baghead est pratiquement identique au petit hit australien des frères Philippou, à ceci près que son réalisateur Alberto Corredor adapte ici au format long son court-métrage du même nom sorti en 2017. Tourné aux studios Babeslberg à Berlin (ce qui explique que l’action s’y déroule, même si tout le casting parle et est anglais), Baghead troque un bout de corps inanimé contre une créature masquée bien plus causante, coincée dans une cave ô combien cinématographique.
Fous ta cagoule
La pas très aimable héroïne de Baghead s’appelle Iris (Freya Allan, vue dans The Witcher). Une simili-artiste en panne d’argent qui apprend la mort de son père (Peter Mullan), qu’elle n’avait pas vu depuis des décennies. Le paternel est mort dans son pub berlinois, une bâtisse gothico-industrielle qu’un étrange notaire propose de racheter à Iris. En quête de stabilité et contre l’avis de son amie Katie (Ruby Baker, La chronique des Bridgerton), Iris décide de rester sur place. Une nuit, un inconnu nommé Neil (Jeremy Irvine, Cheval de Guerre) tape à sa porte et lui propose une liasse de billets en échange d’une entrevue avec la « femme » dans la cave. La quoi ? Iris et Katie sont bientôt confrontés à cette réalité incroyable : une créature ancestrale avec un sac sur la tête vit dans une grotte derrière la cave. Elle peut littéralement faire revivre les morts à la demande — mais 2 minutes pas plus, sinon c’est elle qui prend le contrôle. Plutôt que de fuir à toutes jambes comme n’importe quelle personne raisonnée après avoir vu un monstre métamorphe cavaler au plafond, Iris veut tirer profit de la situation : à 2 000 € la session de 120 secondes, son avenir est tout tracé. Son père aurait pourtant dû lui servir de leçon…
« Baghead discute trop avec notre cerveau plutôt que de livrer le train fantôme viscéral attendu. »
Si vous vous dites que cette idée de court, à la fois saugrenue et excitante, méritait bien un film de 90 minutes, dites-vous que ses auteurs ont également décidé de l’exploiter pleinement — voire même un peu trop. Bien que renouant avec le plaisir simple et angoissant de nous plonger dans les ténèbres d’un sous-sol hanté par un mal inexplicable (un plaisir ravivé avec savoir-faire par le récent Barbare, par exemple), sous-sol au superbe design soit dit en passant, Baghead est l’exemple type de la série B qui aurait dû faire confiance à son potentiel évocateur et à l’imagination du spectateur, plutôt que de l’écraser sous des tonnes de dialogues surexplicatifs. La créature, comme on le comprend dès les premières minutes où Peter Mullan enregistre (sur VHS !) une vidéo intitulée « Instructions », est accompagnée à chaque apparition d’un véritable livret de règles à suivre et d’une histoire séculaire qu’une séquence entière se chargera de nous raconter comme à un enfant avant le dodo. Plutôt que l’effroi et le mystère qui devrait naître d’une telle idée, d’un tel décor, Corredor reporte son attention, et la nôtre, sur le pragmatisme de ces règles rappelées à longueur de scènes par ses protagonistes — qui n’ont comme seul objectif que de trouver comment les contourner, bien sûr.
En d’autres termes, Baghead discute trop avec notre cerveau plutôt que de livrer le train fantôme viscéral attendu. Les effets visuels numériques approximatifs, le jeu pas vraiment stellaire de Freya Allan (qui incarne un personnage montrant certes peu d’empathie) et l’écriture scolaire en général des personnages, réduits à des fonctions narratives basiques, ne plaident pas non plus en faveur de ce sac de nœuds fantastique. Le film a au moins la décence de se clôturer de façon maligne et logique, mais encore une fois, ce ne sont pas des twists à base de « qui a le droit de faire ça ? » que l’on s’attendait à démêler en descendant dans cette cave interdite.