C’est le lot de tous les festivals marathons tels que le Bifff : au bout d’une semaine de projections non-stop, de Cuvée des Trolls ingérée en moyenne toute les 3 heures et de repas frugaux, la fatigue commence inexorablement à se faire sentir. Raison pour laquelle, sans doute, seuls quatre films figurent dans cette sélection en deux jours pourtant bien remplis. Impasse est donc faite sur le « Belgian film day », ses workshops et ses courts-métrages, sur l’aventure non pas en plein espace, mais en banlieue d’Extraterrestre et sur Retreat, déjà croisés au Pifff et chroniqués dans ces pages, ainsi que sur les deux films de minuit, Zenitram et Panic Button, respectivement film de super-héros argentin et huis-clos en plein air sur fond de social networking sadique. Il faut savoir se ménager pour faire avancer la monture, qu’ils disent. Enfin, quelque chose comme ça…
La journée du vendredi a d’abord été l’occasion de rencontrer en tête-à-tête le président du jury international de ce Bifff 2012, Mick Garris. Un réalisateur affable, lucide et passionné, pour un entretien intéressant que vous pourrez bientôt découvrir sur www.iletaitunefoislecinema.com. Rendez-vous est ensuite pris en fin d’après-midi pour The Incident, production franco-belge tournée intégralement à Bruxelles, et signée par le clippeur frenchy Alexandre Courtès (que nous avons également rencontré, mais vous connaissez l’adresse, maintenant). La particularité de The Incident, déjà présenté à Gérardmer, est qu’il se déroule aux USA, le casting étant intégralement anglais, et l’action se situant majoritairement dans un seul lieu, un asile plongé dans l’obscurité à cause d’un court-circuit, mais malgré tout sous haute tension. Autant dire qu’on est bluffé par le travail des décorateurs du film, qui réussissent à faire passer la capitale et ses environs campagnards pour le sud des Etats-Unis avec trois bouts de ficelles. Les trois malheureux héros de ce survival empruntant son style léché, sa science de l’exposition et ses cadres larges à Carpenter, sont trois musiciens gagnant leur croûte dans la cuisine de l’asile. Ils n’ont plus d’autre choix que d’échapper à la révolte des locataires du lieu, tous sérieusement dérangés du bulbe… Courtès livre là un premier long vraiment impressionnant, dont la montée en puissance inexorable, la violence sèche et choquante, et l’assurance graphique font plaisir à voir. Il ose même un twist final qui peut prêter à controverse, le réalisateur avouant lui-même à demi-mots regretter qu’il ne soit pas plus clair. Malgré tout, la réussite de cet Incident chez les fous est indéniable.
L’excitation est malheureusement, une fois encore, retombée par la suite avec un nouveau représentant de la sélection thriller, Hindsight. Malgré un pédigrée plus qu’engageant (la star Song Kang-Ho, le réalisateur du mélodrame Il Mare qui fait son retour après dix ans de silence), ce mélange de mélodrame romantique et de film de gangs ne prend pas, la faute à une recette assez indigeste. Song Kang-Ho y joue un ex-ponte de la mafia qui prend sa retraite pour aller apprendre à cuisiner, et tombe durant ses cours sur une jolie jeune femme qui s’avère être une tueuse engagée pour le faire disparaître. Si l’on apprécie les romances platoniques autour d’un découpage de poisson, ou les questionnements existentialistes sur la mort sur fond de marais salants, Hindsight peut plaire. Mais à force de faire des aller-retours frustrants et hétérogènes entre des séquences de pure action aussi efficaces que brèves, et des atermoiements à bailler aux corneilles de la (trop) vaste galerie de personnages du film, Hindsight nous perd en route. Un tel pitch aurait été efficace en court-métrage, ou en intrigue secondaire. Sur deux heures, ce concept dilué dans un scénario « à la coréenne » (c’est-à-dire inutilement complexe) est aussi passionnant qu’un best of de Top Chef.
Là, le trailer :
Cela méritera une critique complète, mais l’une des avant-premières les plus attendues, celle d’Iron Sky, a répondu à la plupart de nos espoirs. En projet depuis six ans, le film aura mis du temps à trouver des investisseurs capables d’injecter assez d’argent sur la base d’une idée folle, propice à délivrer un nanar de premier ordre : imaginez un peu que les Nazis aient atteint la Lune en 1945, et qu’une partie d’entre eux s’y soit installée pour y construire une base sur sa face cachée, histoire de revenir faire une petite blitzkrieg sur Terre en 2018 ? Un tel pitch charrie forcément son lot de concepts, de designs et d’idées de scénario complètement cintrées. Le réalisateur Timo Vuorensola gagne son pari en jouant la seule carte possible : celle de la farce intergalactique, façon Mel Brooks, mais en plus rigoureuse. Iron Sky pullule donc à la fois de visions SF démentes, tels ces zeppelins de l’espace attaquant la Terre avec une myriade de soucoupes à svastikas sortant de ces flancs, ou cette armada de satellites internationaux s’avérant être des vaisseaux de guerre déguisés, dont l’un (l’américain, of course), est baptisé le « Georges W.Bush ». Mais il est également riche en gags potaches, plus ou moins réussis, et réduisant souvent les personnages, pas si mal campés entre autres par Gotz Otto (mais si, le mastard de Demain ne meurt jamais !), à des caricatures dignes d’un show comique télévisé. Qu’importe toutefois les maladresses et facilités inhérentes à une production de petite envergure – 7,5 millions d’euros, soit 25 moins que Transformers 3 -, issue d’un si long processus développement : Iron Sky donne la banane, et impressionne sacrément sur écran large. Bonne nouvelle, le film serait prévu pour sortir en salles en France en mai.
Là, le trailer :
Fin de soirée en ce samedi bondé (la projection d’Iron Sky était tout simplement complète, certains spectateurs devant même trouver des chaises pour compléter les rangées), avec un huis-clos bien plus statique, appelé Elevator. Soit neuf personnes qui se retrouvent coincées dans un ascenseur durant une soirée de gala, et dont l’une révèle porter une bombe à retardement. Si le pitch évoque le piteux Devil, Elevator réussit l’exploit de proposer un suspense encore plus artificiel, quasi-entièrement dénué de rebondissements – sauf si vous avez l’habitude de sursauter à la révélation d’un adultère. Etirant artificiellement une histoire particulièrement redondante et plate, Stig Svendsen échoue malgré ses références affichées (Lifeboat est ouvertement cité dans le dialogue) à instaurer une dynamique entre ses personnages, et décide enfin de passer aux choses sérieuses dix minutes avant la réouverture des portes. Un bilan bien maigre qui prouve que les bons pitchs ne sont pas toujours synonymes de réussite, surtout si l’on joue à marabout-de ficelle pour combler les trous.
Le trailer :
C’est ici que se termine le périple belge de Born to Watch au 30e Bifff. Pourtant, il y a encore des choses à dire ! Rendez-vous en début de semaine pour un full report des derniers films projetés à Bruxelles que nous avons pu découvrir en « vision presse », parmi lesquels l’hilarant Ronal the barbarian. A suivre… again !