Code 8 : supers pouvoirs, petit polar
Production canadienne, Code 8 mélange malgré un budget serré des éléments de SF, de polar et de film de super-héros. Basique, certes, mais soigné.
Les voies du succès sont décidément impénétrables. Après une mini-carrière en salles aux USA, et une distribution discrète en vidéo en France, quelques jours seulement avant le confinement, Code 8 n’avait pas exactement fait la une des médias. Il aura fallu une sortie inattendue sur Netflix dans la foulée, dans une période où la moindre nouveauté mise en avant sur la plateforme se retrouve potentiellement dans la liste de millions de nouveaux abonnés, pour que cette production de SF canadienne fasse un joli carton d’audience. Un succès inespéré qui doit faire chaud au coeur de son réalisateur Jeff Chan (Grace : the possession), qui développait depuis plusieurs années ce projet tiré de son court-métrage, avec l’aide de deux cousins devenus les acteurs principaux du film : Robbie Amell (Flash, The Tomorrow People) et Stephen Amell (Arrow). Code 8 a également la particularité d’avoir été en grande partie (plus de 2 millions de dollars) financé par les internautes, remerciés longuement dans le générique de fin. Le moins que l’on puisse dire, malgré le caractère assez modeste du projet, c’est que leur argent n’a pas été jeté par les fenêtres.
Des codes un peu trop bien respectés…
Le générique épileptique se charge de nous projeter dans le futur alternatif de Code 8, un monde dans lequel 4 % de la population mondiale est doté de pouvoirs, comme la pyrokinésie, la télépathie, la télékynésie, une force surhumaine ou la capacité de générer de l’électricité. Connor (Robbie Arnell, appliqué mais limité), est l’un de ces « Electriques », qui comme ses congénères est mis à l’écart par une société qui a fini par craindre et fliquer ces humains aux pouvoirs effrayants, à l’aide de drones et de robots-flics intimidants. Vivant tel un sans-papier de boulots clandestins, Connor tente de gagner de quoi payer les frais d’hôpital de sa mère gravement malade. Il accepte par désespoir la proposition d’un groupe de braqueurs emmené par Garrett (Stephen Amell, au charisme sans effort), tous dotés comme lui de pouvoirs variés. Après plusieurs missions plus ou moins réussies, qui suscitent l’intérêt de deux flics pugnaces (dont Sung Kang, vu dans les Fast and Furious), Connor, Garrett et leurs acolytes s’embarquent dans une attaque à très haut risque, pour le compte d’un caïd souhaitant récupérer une cargaison de « psyke », une drogue puissante extirpée du corps des « dotés »…
« Le résultat se place au-dessus de la masse des petites productions similaires inondant le marché du DTV. »
Même s’il en a pas l’ampleur ou le budget, Code 8 ne peut éviter le rapprochement avec nombre de blockbusters américains, des plus évidents (les X-Men, évidemment, mais aussi Minority Report) aux plus inattendus (The Town, Chappie pour le look de ses flics métalliques). L’originalité du film, Jeff Chan et son coscénariste Chris Pare ne la trouve pas dans ses ingrédients épars, qui pris séparément ne dépassent jamais le stade du cliché (la manipulation émotionnelle liée à la mère du héros est particulièrement gratinée) et du déjà-vu, mais dans le résultat de l’assemblage de ces éléments. En somme, une série B policière comme on en a vu des centaines, mais dynamisée par l’introduction de super-pouvoirs. Chan a beau se la jouer modeste en terme d’action (une contrainte au vu du budget, mais qui cadre aussi avec le côté terre-à-terre et trivial de son uchronie), Code 8 se révèle pourtant assez soigné, avec des idées de production design convaincantes, et une intégration des effets spéciaux numériques sans fausse note, ce qui place mine de rien le résultat au-dessus de la masse des petites productions similaires inondant le marché du DTV. On en dira pas autant de l’interprétation, inégale, ou de l’intrigue, cousue de fil blanc et pratiquement incapable de générer une véritable excitation malgré la patience avec laquelle le cinéaste construit ses scènes d’exposition. Le film survole une bonne partie de ses intrigues et éléments de « mythologie » au profit d’un parcours de bleu-bite trop familier pour être mémorable, se dirigeant à un rythme pépère vers une résolution sans relief.
Une fin assez ouverte, au demeurant, pour laisser penser que Chan et sa fidèle équipe n’en resteront pas là. Succès en streaming aidant, il est déjà question que Connor et les autres survivants de cet univers reviennent sur le petit écran au format série. Un prolongement qui irait dans le sens de l’impression laissée par Code 8 : celui d’un pilote TV de luxe, qui ébauche de manière superficielle de multiples personnages et pistes narratives, en attendant d’avoir les moyens de vraiment les exploiter sur le long terme.