Come Play : un croquemitaine dans la tablette
À mi-chemin entre Mister Babadook et Mama, Come Play introduit avec application un monstre numérique efficace.
Vous vous souvenez de Ghost in the Machine ? Dans ce film fantastique de 1993, signé de la réalisatrice du plus mauvais des Freddy, Rachel Talalay, le grand méchant était un tueur en série décédé qui revivait en terrorisant ses victimes par le biais… des ordinateurs, tentant ainsi de vous faire croire que Windows abritait le mal pur et simple. Trente ans plus tard ou presque, Come Play nous avertit que les smartphones, tablettes et autres écrans miniatures de notre vie quotidienne peuvent à leur tour être les réceptacles de créatures bien mal intentionnées. Le film de Jacob Chase, qui adapte ici en long-métrage son court à succès Larry, n’est heureusement pas tourné vers une métaphore pontifiante sur les dangers des écrans – le procédé est ici un outil narratif servant de base ludique à un film d’angoisse plus convaincant et soigné que la moyenne.
Le héros de Come Play, Oliver (excellent Azhy Robertson), est un petit garçon solitaire présentant les symptômes d’une sorte d’autisme, qui le rend incapable de communiquer avec ses camarades. Flanqué d’une assistante de vie en classe, l’enfant ne peut jamais se séparer de son téléphone spécial, qui lui permet de dialoguer via des phrases enregistrées avec sa mère divorcée, Sarah (Gillian « Community » Jacobs, très investie), désespérée de ne jamais entendre parler son rejeton. Le smartphone, puis sa tablette, devient une menace lorsqu’une créature, qui se surnomme « Larry », investit l’écran, invitant Oliver à suivre une page à l’autre son histoire parce qu’il « cherche un ami », tandis que des phénomènes troublants puis franchement effrayants interviennent dans la maison. Petit à petit, la relation virtuelle entre Oliver et « Larry » donne du pouvoir à la créature, dont l’objectif n’est définitivement pas d’être son copain pour la vie…
Larry, un ami qui vous veut du bien (non)
Si le défi premier de Jacob Chase avec Come Play était de trouver une matière narrative suffisante pour justifier l’étirement de son concept de croquemitaine virtuel à une heure et demi de métrage, le résultat s’avère plutôt réussi. Au contraire d’un Lights Out qui brodait sans fin sur une idée unique, Come Play trouve une richesse et une raison d’être dans la description de son cocon familial, cette relation contrariée entre Sarah et Oliver, où l’amour maternel, presque fusionnel, et l’incompréhension mutuelle facilitent malgré eux l’isolement d’un garçon influençable. Il rappelle, inévitablement, Mister Babadook, qui explorait en partie ces thèmes, mais Come Play colle malgré tout plutôt aux codes rythmiques et familiers du scary movie fantomatique à la Mama. Il ne subsiste rapidement aucun doute sur l’existence de « Larry », ce monstre squelettique, au look plus ou moins original, qui s’infiltre en mode story dans l’univers de Oliver et joue les poltergeists bruyants, y compris pendant une soirée pyjama qui part en vrille.
« Le film aurait peut-être gagné à se détacher plus franchement des recettes éprouvées du genre. »
Jacob Chase marque des points dans les scènes de tension (de cache-cache pourrait-on dire) où Larry apparaît, mais aussi dans la manière de construire le suspense autour de son arrivée, en faisant interagir son entité avec l’électricité (on pense à ces scènes dans la guérite du père d’Oliver, petit exercice de minimalisme creepy étonnant) ou en suggérant un pan de réalité différent (« Larry » est à la fois invisible et physiquement bien présent, comme un Invisible Man). Come Play se conclut sur un moment d’émotion bienvenu, qui rappelle que le film aurait peut-être gagné à se détacher plus franchement des recettes éprouvées du genre. En l’état, l’exercice est prometteur pour la suite de la carrière de son auteur. Come Play s’extirpe sans peine de la masse des titres du même style pour nous laisser un bon et stressant souvenir.