Coronavirus : le cinéma français confiné en VOD

par | 2 avril 2020

La fermeture des cinémas due au coronavirus pousse le CNC à autoriser l’arrivée massive de films français inédits en VOD. Une situation sans précédent.

Depuis le 14 mars, les salles de cinéma ont fermé leurs portes partout en France, en raison de la pandémie de coronavirus. Du’ jamais vu. Cet événement imprévu est d’autant plus inquiétant pour la santé du 7e art qu’il s’accompagne d’une durable incertitude sur la date de fin du confinement, et sur la manière dont l’activité des multiplexes, comme des salles de quartier, pourra reprendre. Cette crise inédite amène le CNC (Centre national du cinéma) à prendre des décisions elles aussi inédites. Réunie pour un conseil d’administration le 1er avril en présence de représentants officiels, dont le Ministère de la culture, l’instance a décidé de voter une modification temporaire de la loi régissant la sacro-sainte chronologie des médias. 

La « chrono des médias », pour rappel, c’est cette fameuse exception culturelle française qui impose des délais de diffusion entre la sortie salles d’un film, puis son exploitation en VOD et DVD, puis sur les chaînes à péage comme Canal+ et OCS, puis loin, beaucoup plus loin dans le temps (genre trois ans), sur les plateformes de streaming comme Netflix, Prime Video et consorts. Cette chronologie vient de voler en partie, pour l’instant, en éclats, dans le but de soutenir les investissements des sociétés de production et de distribution qui ont vu la carrière de leurs films stoppée net, ou mise en veilleuse pour une durée indéterminée.

Séances de rattrapage ou DTV ?

La loi d’urgence ainsi votée permet concrètement aux films qui étaient encore à l’affiche mi-mars de bénéficier, soit d’une ressortie sur les écrans dès que ceux-ci seront réouverts (ce sera le cas par exemple pour De Gaulle et La Bonne épouse, deux grosses sorties hexagonales de cette période, ou du dernier Pixar En Avant), soit d’une distribution anticipée en VOD sans attendre les quatre mois réglementaires, comme c’est le cas pour Papi Sitter, Notre Dame, L’esprit de famille, Lucky, ou niveau films étrangers, Monos, Invisible Man, Le cas Richard Jewell ou Sonic (la liste complète de ces titres vient tout juste d’être révélée par le CNC). 

« 25 films français inédits en salles vont être transformés, de facto, en direct-to-video. »

La plus grande inconnue concerne les films non encore sortis au moment du confinement, et désormais dans les limbes de la distribution. Quelle solution économique privilégier pour leurs producteurs ? Décaler à une date lointaine, comme c’est le cas du 007 Mourir Peut Attendre (novembre) ou d’Effacer l’historique de Delepine et Kervern (août) ? Plus optimiste (début mai), comme le Police d’Anne Fontaine ? Attendre de voir comment la situation évolue, comme le fait Disney pour ses blockbusters ? Ou abandonner pour de bon la sortie salles, comme Sony l’a fait pour Bloodshot et Universal pour Emma et The Hunt ?  En France, certains ont opté pour une distribution directement en VOD : ils n’auront exceptionnellement pas à rembourser les avances sur recettes octroyées par le CNC. Le Figaro nous apprend qu’à ce jour, 25 demandes d’autorisation ont été déposées auprès de l’instance nationale pour autant de longs-métrages transformés de facto en direct-to-video.

Pas de précisions sur les titres concernés (les demandes seront traitées dans les jours qui viennent), mais il ne fait aucun doute que de nombreuses sorties prévues en mars et avril sont concernées. Il pourrait s’agir de films comme Divorce Club, avec Michael Youn, ou la comédie de Jan Kounen Mon cousin, pratiquement la seule sortie nationale à être encore courageusement annoncée en avril au cinéma. Rien n’est certain, à part le fait que cette avalanche de titres inédits va avoir bien du mal à se faire une place sur des portails VOD actuellement en plein boom (+ 86 % de locations depuis le début du confinement), et où les hits récents ne manquent pas. Bien sûr, tout ça ne concerne pas les plateformes SVOD : pandémie ou pas, ce n’est pas demain la veille que la règle des 36 mois changera pour elles…