Dans les hautes herbes : du King en rase-mottes
Avec son décor champêtre presque désert, Dans les hautes herbes tente d’instiller la terreur avec trois fois rien. Une adaptation mineure d’un Stephen King mineur.
La fièvre des adaptations de Stephen King ne semble pas retomber chez Netflix. Dans la foulée des sorties de Jessie et 1922 sur la plateforme (et du succès des Ça au cinéma), la production de Dans les hautes herbes a été lancée avec Vincenzo Natali (Cube, Splice et Haunter, son dernier film sorti en DTV en 2014) aux commandes. Le réalisateur a dû développer en long-métrage un court roman écrit à quatre mains par le maître du Maine et son fils, Joe Hill. Un récit brutal qui plante, c’est le cas de le dire, rapidement le décor : celui d’un champ perdu au milieu de l’Arkansas, dans lequel vont se perdre une poignée de passants imprudents. Comme Cal et Becky, un frère et sa sœur enceinte, qui en entendant la voix d’un enfant perdu, décident de descendre de voiture pour aller le secourir. Comment imaginer que ce décor des plus banals puisse se transformer en un piège étouffant, où les repères de temps et d’espace se brouillent jusqu’à la folie ?
Dans les champs, personne ne vous entend crier… ou presque
Si la menace, dans Dans les hautes herbes, garde presque jusqu’au bout du voyage un caractère abstrait, le film de Natali n’est en rien un film fantastique psychologique. C’est avant une série B macabre et occasionnellement très graphique, évoquant aussi bien le bis chamanique à la Les enfants du maïs (déjà une adaptation kingienne) qu’un survival naturaliste comme Les Ruines. Au bout d’une demi-heure, le cinéaste a épuisé toutes les possibilités étranges que peut offrir un tel pitch, digne de la La quatrième dimension : décalage impossible entre le son et l’espace, labyrinthe de tiges en mouvement invoquant un monstre informe, personnages mourant et renaissant dans une inlassable boucle temporelle macabre… Le mystère s’épaissit à mesure que le décor, à la fois horizontal de l’extérieur et furieusement vertical une fois dans le champ, déploie ses dangers sans pour autant dévoiler son visage. Et l’incongruité de cette situation, qui serait comique si elle ne se révélait pas aussi violente et impitoyable, contribue à donner une dimension fascinante à Dans les hautes herbes.
» Les possibilités offertes, en terme de mise en scène, par un décor uniforme et sans profondeur, sont aussi limitées. »
Mais tout comme les héros du film, piégés tour à tour par une force diabolique, le film finit par tourner en rond, dans son propos comme ses situations. Patrick Wilson, en agent immobilier moustachu à la bonne volonté immédiatement suspicieuse, a beau dominer avec gourmandise un casting globalement transparent et à la ramasse, il ne peut faire oublier la monotonie qui s’installe dans un récit linéaire et bizarrement prévisible. La cohérence interne de chaque personnage s’estompe selon les besoins du script, et la résolution laisse un goût de facilité prononcé. Les possibilités offertes, en terme de mise en scène, par un décor uniforme et sans profondeur, sont aussi limitées. Et il faut toute l’expérience et le sens esthétique d’un réalisateur comme Natali pour dépasser, au moins l’espace d’une scène dantesque, ces limitations graphiques. Une vision infernale d’une noirceur à réveiller les morts, qui justifie presque à elle seule (avec un générique de fin lui aussi inspiré) de mettre un pied dans cette adaptation anecdotique, qui aurait décuplé son pouvoir d’attraction en se cantonnant à un format épisodique d’une heure.