Dead Shot : une chasse à l’homme cafardeuse

par | 21 février 2024 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

Dead Shot : une chasse à l’homme cafardeuse

Un ex-terroriste de l’IRA veut venger sa femme en traquant un militaire anglais. Un pitch basique, pour un thriller qui l’est tout autant.

La longue et tragique période des « Troubles » qui a ensanglanté, pendant une bonne partie de la deuxième partie du 20e siècle, l’Irlande du Nord et par extension le Royaume-Uni, a été le moteur d’innombrables longs-métrages et séries télévisées. Peu ont toutefois abordé le sujet de manière aussi fonctionnelle, voire détachée, que Dead Shot, le nouveau film des frères Guard (auteurs en 2009 de l’inutile et médiocre remake de Deux Sœurs, Les Intrus), présenté notamment au dernier festival de Dinard. S’il se déroule en 1975, au plus fort de l’action terroriste et de la lutte armée entre l’IRA irlandaise et « l’occupant » britannique, Dead Shot délaisse tout discours politique ou dissertation sur les causes et conséquences du conflit. Ce qui intéresse la fratrie Guard dans le script rédigé par Ronan Bennett (Top Boy), c’est une quête de vengeance aveugle, qui aurait pu se dérouler dans n’importe quel coin troublé de la planète.

Un tueur pour cible

Dead Shot : une chasse à l’homme cafardeuse

Cette vengeance, c’est la seule raison de vivre de Michael (Colin Morgan, qui ressemble tellement à Benedict Cumberbatch ici que c’en est douloureux), un paramilitaire de l’IRA qui a juré de raccrocher les armes, mais voit sa femme enceinte abattue par erreur par un soldat anglais du SAS, lors de leur fuite en pleine campagne. Blessé et ivre de douleur, le tueur traverse la mer pour partir à la poursuite de l’auteur du tir, Tempest (Aml Ameen, vu dans Run Sweetheart, Run), qui a accepté pour éviter la prison de devenir une fine gâchette (un « dead shot ») dans une brigade londonienne anti-terroriste. Entre les deux assassins expérimentés, c’est un jeu du chat et de la souris qui commence au cœur de la capitale – même si le film a en fait été tourné en Écosse -, sur fond d’attentat à la bombe et d’exécutions en pleine rue…

« Le film repose lourdement sur son atmosphère poisseuse, cafardeuse, attendue dans une reconstitution des années 70. »

Le motif de la vengeance n’est pas un prétexte honteux pour monter un scénario linéaire, allant droit à l’essentiel. L’une des qualités de Dead Shot réside certainement dans sa courte durée, chaque scène du film rapprochant inexorablement Michael et Tempest de leur confrontation finale. La morale du long-métrage est clairement que le sang appelle le sang, et que le cycle de violence qui caractérise l’époque des « Troubles » a quelque chose de tragiquement inévitable. C’est ce feeling, plus qu’un discours, qui ressort d’un film reposant lourdement sur son atmosphère poisseuse, cafardeuse, attendue dans une reconstitution des années 70 et d’autant plus dans cette Angleterre pluvieuse, bouillonnante et grisâtre à la fois. Dead Shot a une gueule des mauvais jours, blafarde, presque hideuse, trafiquée sans doute en post-production, mais une gueule quand même.

Il faut au moins ça pour donner du cachet à une histoire qui ne distingue en dehors de cela par aucune once d’originalité, aucune véritable surprise. En plus d’avoir une opposition de personnages antipathiques guère rehaussés par des comédiens monolithiques, Dead Shot réduit aussi à l’état de rouages fonctionnels des protagonistes secondaires potentiellement plus intrigants quand ils ne sont pas eux aussi exécrables, joués par exemple par Mark Strong et Felicity Jones. Dénué de profondeur, répétitif dans ses accès de violence, qui se résument à voir des types patibulaires sortir de voiture ou entrer dans un immeuble pour abattre leurs cibles sans sommation, Dead Shot patine aussi dans ses dialogues. Pourquoi le destin de ces hommes violents vaguement ébranlés par le remords devrait nous émouvoir ? Que symbolise leur duel dans ce conflit sans morale ? Le film n’offre aucune ébauche de réponse, ni de réflexion, préférant se repaître des codes du revenge movie âpre et réaliste (la caméra à l’épaule, vous aimez ?). Anecdotique, et donc dispensable.