Dolemite is my name : le délirant come-back d’Eddie Murphy
Eddie Murphy ne pouvait rêver meilleur projet pour son retour à l’écran que Dolemite is my name, biopic soigné rendant hommage à un cinéma d’artisans nanardeux et attachants.
Retour dans les années 70 à Los Angeles. Malgré sa gouaille et son infatigable énergie, Rudy Ray Moore (Eddie Murphy) galère à vivre de sa musique. Il décide de se lancer dans la comédie et improvise des sketches sur scène en s’inventant un personnage de proxénète obscène et haut en couleur nommé Dolemite. Le succès frappe à sa porte, et Moore part en tournée aidé par ses amis Ben Taylor (Craig Robinson) et Jimmy Lynch (Mike Epps). Obsédé par l’idée de percer au cinéma, il développe une adaptation de Dolemite, et offre à l’acteur D’Urville Martin (Wesley Snipes) l’opportunité de réaliser ce film de blaxploitation qui va définitivement inscrire le nom de Rudy Ray Moore dans l’Histoire…
Ancien roi de la comédie américaine des années 80 et 90 avec des hits certifiés comme Un Fauteuil pour Deux, la série des Flic de Beverly Hills ou Le Professeur Foldingue, Eddie Murphy s’était par la suite bien fourvoyé dans le tout-venant de production hollywoodiennes avec des titres aussi navrants que Appelez-moi Dave ou Mille Mots. On pensait même l’étoile de la vedette révélée par le Saturday Night Live éteinte. Son retour dans le domaine de la comédie plus adulte et bien plus ambitieuse avec cette biographie du phénomène de la blaxpoitation Rudy Ray Moore n’en est que plus salutaire, puisque Dolemite is my name est une franche réussite.
Un rôle à sa mesure
Cette seconde chance pour Eddie Murphy n’est pas venue toute seule : pour ce come-back inespéré, la star a pu compter sur une équipe créatrice qui s’appuie sur des talents solides comme le réalisateur Craig Brewer (Hustle & Flow) et la paire de scénaristes Scott Alexander et Larry Karaszewski (Ed Wood, The People vs O.J. Simpson). L’adéquation entre l’acteur et le personnage qu’il est censé incarner est qui plus est parfaite. Car, à bien y regarder, Eddie Murphy a beaucoup en commun avec Rudy Ray Moore : la vulgarité assumée de son humour, le côté haut en couleur et show-off, l’absence de recul sur certains points et la présence d’un entourage qui va le suivre et le soutenir de bout en bout.
« Dolemite is my name réussit à convaincre par sa mise en lumière du caractère sociologique de la blaxpoitation tout en restant une satire du Hollywood de cette époque. »
Surfant sur la vague nostalgique de la reconstitution d’une époque et d’un cinéma révolu des 70s, à l’image de Once upon a time… in Hollywood ou la série The Deuce, Dolemite is my name réussit à convaincre par sa mise en lumière du caractère sociologique de la blaxpoitation tout en restant une satire du Hollywood de cette époque, avec ses artisans margoulins qui œuvraient dans les boîtes tels que A.I.P. ou Dimension. Les échanges entre Rudy Ray Moore et les cadres blancs de l’entertainement sont parmi les meilleures scènes du film, montrant les limites d’un système qui se voudrait ouvert et libéral mais qui tremble à l’idée de bousculer l’ordre établi.
Un deuxième retour qui fait plaisir
Souvent accusé de cannibaliser ses propres films, Eddie Murphy laisse ici le champ libre à un éblouissant casting de seconds rôles, entre Mike Epps et Craig Robinson en passant par la bluffante Da’Vine, qui contribuent pleinement à rendre attachante cette peinture du tournage du premier film de la série des Dolemite. Dernier élément et non des moindres, le retour de Wesley Snipes qui, dans la peau du précieux et cynique D’Urville Martin, compose ici une de ses meilleures prestations comiques et qui sonne là aussi comme un retour en grâce après des années de galère (et de prison). Un retour d’ailleurs confirmé vu qu’il sera bientôt de nouveau à l’affiche avec Eddie Murphy dans la suite annoncée… d’Un prince à New York, 30 ans après.
Meilleur film d’Eddie Murphy depuis Dreamgirls en 2006 (pas difficile), qui lui avait valu une nomination aux Oscars, Dolemite is my name, par la qualité de son interprétation, ses costumes, son humour et son humanité, représente ce que Netflix a produit de mieux en 2019 avec The Irishman. En vrai passionné et connaisseur, Craig Brewer rend un vibrant hommage coloré et respectueux à tout une génération de faiseur de films. Des artisans au talent limité que l’on pourrait qualifier de chantre du nanar, certes, mais qui ont bien œuvré avec leur cœur et leur bagout, pour faire du vrai cinéma de genre, celui qui n’existait que pour faire plaisir à son public. Rappelez-vous, comme le clamait Rudy Ray Moore, « Dolemite is my name, and fuckin’ up motherfuckers is my game! ».