Exceptés quelques titres portés par des stars de haut calibre (Daniel Craig avec Les Insurgés, Tom Cruise avec Valkyrie, tous deux des flops), et le diptyque de Clint Eastwood (Lettres d’Iwo Jima et Mémoires de nos pères) les films sur la Seconde Guerre Mondiale se sont fait rares dans ce début de XXIe siècle. Pas facile, en fait, de passer après Steven Spielberg, qui avait redéfini en 1998 la manière de filmer les affrontements de 39-45 avec Il faut sauver le soldat Ryan. Ce classique a tellement marqué les esprits que c’est encore lui qui nous revient en tête, lorsqu’on découvre les premiers plans du nouveau Christopher Nolan, Dunkirk (qui sera logiquement appelé Dunkerque lors de sa sortie française), film de guerre attendu pour l’été 2017.
Une retraite historique
Après avoir passé presque une décennie à œuvrer dans la science-fiction et le film de super-héros, le réalisateur d’Interstellar a changé son fusil d’épaule pour les besoins de ce projet ambitieux (euphémisme), qui va retracer en détails un épisode marquant de la « débâcle » de l’été 1940 : l’évacuation, sur les plages de Dunkerque, de plus de 300 000 soldats anglais (et aussi français) vers l’Angleterre, alors qu’ils sont encerclés et pilonnés par l’Allemagne nazie. Une opération nommé Dynamo, et un exploit militaire qui inspirera un discours historique de Winston Churchill, et remontera durablement le moral des Britanniques, qui avaient juré de ne « jamais capituler ».
Christopher Nolan, qui s’est chargé cette fois du scénario sans l’aide de son frère Jonathan, n’est pas le premier à s’attaquer au sujet de la bataille de Dunkerque : en 1964, Henri Verneuil avait signé un fameux Week-end à Zuydcoote avec Jean-Paul Belmondo. Déjà une grosse production, qui avait nécessité d’embaucher des centaines de figurants, et de tourner sur les lieux même de l’action, à Dunkerque et dans ses environs. Nolan, qui s’est toujours un peu considéré comme un héritier de l’Age d’Or (il a cette fois encore tourné le film en pellicule, au format Imax), a décidé de marcher dans ces traces, en installant ses troupes pendant deux mois dans la cité et le quartier de Malo-les-Bains. Il a lui aussi recruté des figurants locaux pour en faire des soldats apeurés, et a opté comme à son habitude pour une approche très réaliste, faisant voler de véritables Spitfire au-dessus de la mer du Nord, et réquisitionnant le destroyer français Maillé-Brezé pour des scènes à grand spectacle. Un événement pour les dunkerquois, richement documenté depuis des semaines sur Internet par des badauds ébahis de voir un blockbuster ainsi tourné près de chez eux.
Un teaser funèbre et impressionnant
Après avoir complété ses prises de vues au Danemark et dans le Dorset, le réalisateur britannique est parti boucler Dunkerque dans les studios de Warner. Mais la compagnie a malgré tout trouver le temps de livrer un premier teaser, diffusé en salles avant Suicide Squad, et qui ne révèle que peu d’images (six, en tout et pour tout) du film. Qu’importe : la façon dont est montée cette courte bande-annonce suffit à annoncer un film aussi épique que funèbre. Les clapotis mousseux de l’eau, les corps étendus sur le sable, la digue du Braek balayée par la tempête, une foule de soldats casqués, levant petit à petit les yeux au ciel dans un plan spielbergien, alors que la menace des Stukas (bombardiers allemands) se précise… Monté au son d’un tic-tac stressant, ce teaser annonce la couleur d’une œuvre ample et grave, qui va détonner dans tous les sens du terme au cœur d’un été traditionnellement allergique aux films sérieux. Ils sont peu à avoir comme Nolan les moyens illimités et la liberté absolue de livrer des films autant à contre-courant des modes.
[quote_center] »Un événement pour les Dunkerquois, richement documenté depuis des semaines sur Internet par des badauds ébahis de voir un blockbuster ainsi tourné près de chez eux. »[/quote_center]
Nolan, toujours entouré d’artistes-clés (Hans Zimmer à la musique, Lee Smith au montage, Nathan Crowley au production design, Tony Britton aux décors, qui s’est aidé pour l’anecdote d’artisans locaux pour recréer en détails les jetées provisoires d’époque) collabore pour la seconde fois après Interstellar avec le chef-opérateur suisse Hoyt van Hoytema. Difficile de se faire une idée sur les choix visuels du film, qui s’annonce sombre mais peut-être pas aussi expérimental dans son traitement de l’image que le Soldat Ryan. Une référence encombrante, mais pas incontournable vu le sujet (l’opération Dynamo raconte essentiellement l’organisation d’une retraite générale, pas une ultime bataille pour la victoire), que Nolan esquivera par un biais supplémentaire : les têtes d’affiche sont majoritairement des acteurs anglais inconnus ou presque au bataillon. Fionn Whitehead, Jack Lowden, Tom Glynn-Carney, Aneurin Bernard (vu lui dans Citadel) ou encore Harry Styles, célèbre débutant puisque membre des One Direction… Autant de visages inconnus du grand public, qui pourront d’autant mieux s’identifier à leur périple, même si quelques vétérans de poids, de Tom Hardy à Kenneth Branagh en passant par Mark Rylance (Le bon gros géant), nouvel acteur fétiche de Spielberg, et James d’Arcy (Broadchurch, Jupiter Ascending), viendront leur prêter main forte. Le « grand rembarquement » sera lancé le 19 juillet 2017 en France (nous pouvons déjà imaginer une avant-première de prestige dans le Nord, ou un passage à Cannes), soit dans un an… L’attente va être longue.
Bande-annonce VF :
Crédits photos : Daily Mail