Ce qu’il y a de plus énervant avec la vague sans cesse renouvelée des found footage fantastiques, déclenchée par le succès cosmique de Paranormal Activity, c’est que le concept a très rapidement dévoré toute idée de véritable mise en scène chez leurs auteurs. Outre le fait que le dispositif s’apparente plus à un succédané de jeu vidéo à la première personne qu’à un moyen d’immerger le spectateur dans l’action, aucune œuvre n’a jusqu’à présent réussi à interroger sa véritable utilité. Le found footage continue juste d’exister, parce qu’il coûte peu cher, qu’on peut en torcher un sans savoir tenir une caméra, et parce qu’il n’y a apparemment rien de plus effrayant pour un public riant devant L’Exorciste qu’un Parkinsonien faisant tourner sa caméra dans tous les sens dès qu’il voit une silhouette dans le coin de sa cuisine – la question qui vient à chaque fois à l’esprit de chacun étant : « Mais pourquoi continue-t-il à tourner ? ».
[quote_right] »Safe Haven est un morceau d’horreur complètement fou et malsain. »[/quote_right]Déclinaison extrême du genre, puisque composé uniquement de sketches reliés entre eux par un vague fil rouge, V/H/S s’est construit une petite réputation basée sur le pedigree des réalisateurs rassemblés par le maître d’œuvre Adam Wingard (You’re Next), et son esprit gore et rentre-dedans. Des cache-misères oubliés sitôt le métrage visionné, anthologie peu imaginative, atrocement réalisée et génératrice de migraines insensées quand on la découvre en salles. V/H/S, qui abandonne toute velléité de mise en scène au profit du sacro-saint effet choc (où est le choc quand tout ce qui précède est illisible et chiant ?), parvenait presque à nous faire revoir les arnaques pixellisées d’Oren Peli à la hausse. C’est dire si l’on attendait pas vraiment V/H/S fébrilement, le casting de réalisateurs, tous plus ou moins à la mode, étant encore une fois le principal argument de vente du film.
Horreur pseudo-analogique
V/H/S 2 comporte quatre courts et un fil rouge, toujours aussi artificiel, racontant cette fois l’intrusion d’un couple de détectives privés dans une maison glauque, à la recherche du fils disparu de leur client. Nos deux enquêteurs se mettent sans raison à regarder les K7 traînant dans une pièce constellée de télés analogiques (aujourd’hui encore, on cherche le rapport entre cette nostalgie du support et les films eux-mêmes, tournés par les personnages avec des appareils numériques modernes) et la fille devient… hé bien, folle – ne demandez pas pourquoi, de toute façon, tout le monde s’en fout, le réalisateur Simon Barrett (pote scénariste de Wingard) le premier.
Le premier sketch réalisé par Wingard, Phase 1 clinical trials est une variation fatiguée et anecdotique sur le thème de la greffe fatale. Comme dans The Eye, le héros se voit greffer un nouvel œil, électronique cette fois, qui sitôt rentré chez lui, lui fait voir des fantômes assez malveillants pour (SPOILER !) finir par lui arracher le dit globe, mais pas pour passer à travers la porte de la salle de bain. L’incompréhension est aussi de mise avec le quatrième court, Slumber Party Alien Abduction, introduit par un montage quasi-stroboscopique et fatiguant d’images floues, et qui parle de l’enlèvement d’une bande de teenagers par des extraterrestres ayant piqué leurs effets sonores à Hans Zimmer. On a beau chercher le rapport avec les précédents travaux de Jason Eisener (Hobo with a shotgun), aucun intérêt de ce côté-là aussi.
Apocalypse en Indonésie
L’ennui cède la place à la curiosité avec A ride in the park. À défaut d’être renversant niveau interprétation et maquillages, Eduardo Sanchez (Le projet Blair Witch) a au moins le mérite d’introduire un semblant d’originalité dans ce magma agressif aux scripts spectaculairement creux. Ce sketch adopte le point de vue d’un cycliste un peu niais – qui fait du vélo en forêt avec une caméra sur son casque ? – se transformant en zombie et contaminant peu à peu tous ses visiteurs. L’occasion pour Sanchez d’y aller franco sur le gore et les plans spectaculaires, comme lorsque notre ami zombie se fait rouler dessus ou joyeusement démembrer, le tout en vue subjective.
On termine avec Safe Haven, le sketch central qui a fait (à raison) le plus parler de lui, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit pour le coup d’un morceau d’horreur complètement fou et malsain, dont le seul défaut est peut-être justement d’être entravé par son principe de réalisation. Une contrainte dont le prometteur Gareth Evans (The Raid et sa suite), associé à l’indonésien Timo Tjahjanto (Macabre), tirent paradoxalement le meilleur, en choisissant par exemple de suivre une équipe de TV venue tourner un documentaire sur une secte apocalyptique pour justifier la présence de caméras. La dite secte est malheureusement pour eux sur le point d’accueillir son maître, une arrivée déclenchant une cascade d’atrocités renvoyant tout le reste de la « saga » à leurs études. Méchant particulièrement glauque (le frêle mais très inquiétant Epy Kusnandar risque de rester dans les mémoires), scénario développant astucieusement ses personnages au cœur même de l’action, chute aussi grotesque que gonflée… Safe Haven, long de 27 minutes (soit un tiers du film, tout de même) reste la seule raison valable d’endurer le reste de V/H/S 2, pour peu que l’on ne soit pas définitivement hermétique au genre en lui-même. Ce qui peut aisément se comprendre.
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V/H/S 2 d’Adam Wingard, Gareth Evans, Jason Eisener
USA / 2013 / 96 minutes<
Avec Epy Kusnandar, Casey Adams, Kelsy Abbott
Sortie prochainement
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