Extra Ordinary : fantômes à l’irlandaise

par | 22 juillet 2020 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

Extra Ordinary : fantômes à l’irlandaise

Dans la lignée de ses aînés Peter Jackson et Edgar Wright, Extra Ordinary revisite la comédie ectoplasmique en Irlande. Cartoonesque et original.

La multitude de prix récoltés l’année passée par la coproduction belgo-irlandaise Extra Ordinary dans les festivals n’aura pas suffi pour lui éviter une sortie VOD anonyme en plein confinement. Désormais visible également sur Prime Video (uniquement en VOST, en l’occurrence la seule manière décente de savourer le film), ce premier long-métrage signé par Mike Ahern et Enda Loughman délocalise l’univers des comédies fantastiques à base d’envahissants ectoplasmes dans la paisible campagne irlandaise.

Pas de sirènes hurlantes de Ghostbusters dans ce paysage à la torpeur familière, mais le flegme un peu déprimé de Rose Dooley (la stand-uppeuse Maeve Higgins), trentenaire enrobée et célibataire qui exerce tant bien que mal son métier de monitrice d’auto-école. Rose a juré de ne plus mettre à profit ses dons de médium, comme le faisait son défunt père qui animait une rustique émission sur le surnaturel. Cela n’empêche pas les clients potentiels d’inonder son téléphone de messages et les fantômes eux-mêmes de se manifester en permanence auprès d’elle. Il faut dire que dans Extra Ordinary, l’extraordinaire a l’air d’être complètement… ordinaire. C’est avec ce même détachement que Martin Martin (sic), joué par Barry Ward (Les évadés de Maze) gère la présence encombrante de sa défunte femme, qui continue à le réprimander façon poltergeist par-delà la tombe. Gentil mais excédé, il ruse pour parvenir à embaucher Rose, qui n’est pas insensible à son charme, et le débarrasser d’elle. Pendant ce temps, la vedette pop has been Christian Winter (Will Forte), réfugiée dans un château et en quête de come-back, s’apprête à invoquer un démon pour retrouver le succès…

Humour surnaturel

Extra Ordinary : fantômes à l’irlandaise

Imaginez un croisement grand public (ce qui n’exclut pas quelques scènes sanglantes) entre Fantômes contre fantômes et le cinéma d’Edgar Wright et vous aurez une légère idée du cocktail proposé par Extra Ordinary. Bien qu’il s’appuie sur des ressorts comiques familiers, oscillant entre flegme british balbutiant et gags outranciers (principalement assurés par un Will Forte cartoonesque en yankee moustachu vindicatif et obsédé par l’occulte), le film fourmille d’idées rafraîchissantes et de personnages hauts en couleur et attachants. Rose en est la première attraction : Maeve Higgins lui prête son charisme bizarre et sa voix traînante et c’est un plaisir de voir cette gaffeuse solitaire, vivant malgré elle dans l’ombre d’un paternel pas si disparu que ça, se lancer dans une romance délicate avec un Barry Ward généralement plus adepte des rôles menaçants. Son Martin est une adorable éponge humaine, dominé à la fois par l’ectoplasme de sa femme et sa fille adolescente, qui se découvre la « faculté » d’être possédé à volonté par les esprits qui veulent parler à Rose. Des possessions à répétition qui constituent l’un des runnings gags les plus efficaces et gluants du film.

« Extra Ordinary fourmille d’idées rafraîchissantes et de personnages hauts en couleur et attachants. »

Réalisateurs de clips et courts-métrages, Mike Ahern et Enda Loughman ont fait le grand saut avec la manière, en soignant parfois jusqu’au pointilleux leur mélange de genres, de la romance à la comédie loufoque en passant par l’horreur décomplexée. Extra Ordinary n’est ainsi pas exempt de longueurs, principalement dans son deuxième acte, où certains gags finissent par tourner en rond et se répéter (voir ces multiples clins d’œil à L’Exorciste), mais se rachète en rassemblant tous ses personnages pour un feu d’artifice final débutant par la course-poursuite en voiture la plus lente de l’univers. Un climax un peu foutraque, blindé de numérique et loin de faire dans la finesse, mais qui résume bien le côté généreux et excentrique de cet Extra Ordinary qu’on sentait taillé pour les séances collectives en festivals. Il faudra au final se contenter du streaming