Fear Street 1666 : les erreurs du passé

par | 21 juillet 2021 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

Fear Street 1666 : les erreurs du passé

Les révélations tombent dans la dernière partie de la trilogie Fear Street, 1666, qui fait émerger un discours discrètement politique.

On prend littéralement les mêmes… et on en termine une bonne fois pour toutes. Fear Street partie 3 : 1666 vient apporter toutes les réponses et une conclusion en bonne et due forme à la trilogie distribuée (et non produite, personne ne prend la peine de regarder les crédits d’ouverture) par Netflix au cœur de la torpeur estivale. Si vous lisez ces lignes, c’est que vous au moins une petite idée de ce qui se trame à la fin de Fear Street 1978, qui ranimait avec un certain savoir-faire l’esprit des Vendredi 13, mais se terminait malgré tout dans les années 90, avec notre héroïne Deena littéralement transportée au XVIIe siècle, dans la peau de la fameuse Sarah Fier. 1666 part de là, l’action quittant les paysages reconnaissables du XXe siècle pour s’aventurer au temps des colons européens, alors que Shadyside et Sunnyvale ne sont encore qu’un seul et même embryon de bourgade nommé Union.

Kiana Madeira, qui incarne Deena/Sarah, n’est pas le seul visage connu à se balader dans le village, puisqu’une bonne partie du casting des deux précédents épisodes est aussi là, les acteurs changeant de rôle pour des raisons inexpliquées. Peur de perdre le spectateur en route ? Envie de rajouter du meta là où il n’en fallait pas ? L’artifice porte ici bien son nom, mais permet au moins de donner un écho à la relation que ce nouveau flash-back longue durée nous révèle : Sarah, qui comme le reste des villageois vit modestement avec sa famille dure à la tâche, est en effet amoureuse de Hannah Miller, incarnée par la même actrice que Samantha, la petite amie de Deena. Plus encore qu’en 1994, leur relation va être conspuée, l’homosexualité étant un crime impensable dans cette époque ultra-pieuse et patriarcale. Les deux femmes sont traitées de sorcières et pourchassées, à la faveur d’un crime de masse horrible impliquant le pasteur local, père d’Hannah. Et si Sarah n’était finalement pas une entité malfaisante, mais une victime de son époque ? Par qui est alimentée la source du mal découverte dans les cavernes du camp Nightwing en 1978 ?

Un intermède et ça repart

Fear Street 1666 : les erreurs du passé

En renversant ici les clichés de la femme sorcière, jetant son fiel sur une société de croyants après avoir été trompée, pour y substituer un discours sur l’oppression séculaire des minorités sexuelles et introduire une métaphore de la domination masculine sur les sphères de pouvoir, Fear Street 1666 dévoile une forme de dimension politique, manichéenne, mais inattendue, dans son programme mythologique. Ce que le film gagne en pertinence, sans prendre trop de risques (il ne prend aucun risque à asséner un tel discours dans le climat actuel), il le perd paradoxalement en ambition. 1666 grille assez rapidement ses cartouches en termes de suspense (impossible de ne pas coincer le véritable responsable des tourments de Shadyside dès son apparition) et montre une moins belle aisance dans l’exploration de son décor moyenâgeux, dont on fait vite le tour. Le réalisme de la reconstitution est moyennement convaincant, la dimension slasher disparaît presque complètement, et le script perd son temps à délayer des révélations qui auraient pu arriver bien plus vite.

« Ce que le film gagne en pertinence, il le perd paradoxalement en ambition. »

Le film ne tient d’ailleurs pas la distance, puisque cet intermède à la The Witch se termine au bout de deux bobines, pour laisser place à la véritable conclusion, qui boucle la boucle en revenant au centre commercial découvert dans Fear Street 1994, pour une partie de cache-cache avec les tueurs de Shadyside évoquant le tant pillé Maman, j’ai raté l’avion. Un changement de ton et d’ambiance radical qui rend ce troisième chapitre encore plus bancal, le film perdant même de son mordant pour verser dans les punchlines et les concepts ludiques instantanément sabordés (comme ce pugilat potentiellement jouissif entre croquemitaines tournant au gag avorté). Une fin à la Scooby-Doo, pas illogique, mais pataude et convenue, semblable justement à ces séries fantastiques pour ados où la promesse de « noirceur » est toujours contrebalancée par un manichéisme rassurant (les outsiders finissent toujours par triompher, les puissants arrivistes sont des parasites au-delà de toute rédemption). Pas le feu d’artifice visuel et sanglant espéré et promis donc, même si la saga dans son ensemble a livré quelques belles choses, surtout grâce à son excellent casting et une tenue visuelle globalement au-dessus de la moyenne.