Froid Mortel : le convoi a peur
Polar ibérique qui sent bon les moufles d’hiver, Froid Mortel nous entraîne dans une nuit de cauchemar pour un convoi de dangereux détenus. Une série B inégale.
C’est peut-être une faiblesse, mais ici, nous ne disons jamais non à un film de genre espagnol, qu’il sorte sur Netflix ou en vidéo (oubliez les sorties salles, le temps des REC et même des Isla Minima ou Homme aux mille visages paraît bien loin désormais). Il y a une manière, frontale, mais léchée, familière, mais inattendue, de traiter les codes du polar ou du fantastique chez nos voisins du Sud qui suscite toujours une grande curiosité, et parfois nous épate au plus haut point. Soyons directs : la découverte de Froid Mortel n’a pas été synonyme de révélation éclatante, même si ce thriller nocturne et frigorifié dispose d’assez d’atouts pour nous maintenir éveillés sous notre plaid.
La nuit des taulards
Dans Froid Mortel, réalisé par Luis Quilez (déjà auteur d’un oubliable Out of the dark avec Scott Speedman), nous escortons après un prologue énigmatique un policier du genre rigide, Martin (excellent Javier Gutierrez, récemment à l’affiche de Chez moi), qui commence son service dans un nouveau commissariat. Sa première mission ? Partir sur les routes enneigées avec un convoi-cellule qui transporte six détenus d’une prison à une autre, accompagné par un coéquipier braillard et un peu louche. En pleine tempête de neige et alors qu’il traverse la forêt, le camion est attaqué par un tireur mystérieux, qui a manifestement planifié son assaut du véhicule blindé. Dépassé et coincé à l’intérieur avec des prisonniers qui ne demandent qu’à s’évader ou à lui faire la peau, ou les deux, Martin va devoir redoubler d’idées pour rester en vie, et prendre le dessus sur cet assaillant qui a des raisons bien précises de s’en prendre à ce convoi…
« Froid Mortel ne lésine pas sur la brutalité de cette confrontation en quasi-temps réel. »
Emprisonner dans un lieu clos des personnages aux motivations on ne peut plus opposées, pour les unir contre un ennemi commun : l’idée ne date pas d’hier, et le simple fait de l’écrire nous fait penser à l’inébranlable Assaut de John Carpenter. La différence c’est qu’ici, le lieu clos est mobile et plutôt étroit, même si Luis Quilez prend le temps d’en explorer tous les recoins et possibilités (y compris lors d’une scène « d’exploration » de conduit à l’issue prévisible à des kilomètres). Froid Mortel, s’il n’exploite que tardivement les promesses de son titre, ne lésine en tout cas pas sur la brutalité de cette confrontation en quasi-temps réel, où les victimes s’accumulent avec frénésie et originalité – mais pas toujours avec vraisemblance. C’est toutefois lorsqu’il lève le voile (et le masque) sur l’identité, puis sur les motivations de son agresseur que Froid Mortel perd de sa superbe. En plus d’être difficilement justifiables moralement (les dommages collatéraux sont un peu trop énormes) et assez peu plausible scénaristiquement, ces révélations successives éloignent petit à petit le film de son décor principal et de son potentiel de « high concept » relativement inédit.
Guttierez, entouré par un casting solide (notamment le toujours convaincant Luis Callejo, vu dans Mi gran noche, entre autres), compose un héros nerveux, taciturne et peu aimable, mais même son personnage ressort abîmé du traitement infligé par un dernier acte aussi interminable que droitier dans sa morale. La série B y prend une dimension de vigilante movie assez difficile à digérer vu le côté maladroit avec lequel elle est amenée. Pas de quoi regretter totalement d’avoir pris la route avec Martin, mais la semi-déception est bien là.