IO: réveille-moi après la fin du monde
Loin de l’aventure palpitante vendue par son trailer, IO est un drame post-apocalyptique inerte et vaporeux qui donne envie de quitter la Terre au plus vite.
Où serez-vous quand la fin du monde sera là ? Prendrez-vous la première navette qui passe pour vous exiler sur une lointaine planète ? Ou comme dans IO, choisirez-vous de rester sur cette Terre nourricière, à tout prix, quitte à connaître la solitude, la mélancolie et une douce folie ? C’est un dilemme difficile à résoudre. D’autant plus quand il se pose de manière aussi irrésolue et inintéressante que dans ce film tourné il y a déjà deux ans par le Français Jonathan Helpert, et sorti sans tambour ni trompette par Netflix. La plateforme a su trouver le rythme pour vendre son produit dans la bande-annonce. Avec ses décors urbains désertés et gagnés par la verdure, façon The Last of Us, son intrigue en forme de compte à rebours post-apocalyptique, IO nous faisait de l’œil, en bons amateurs de science-fiction sortant si possible des sentiers battus. Quatre-vingt dix interminables minutes plus tard, au contraire, on aurait presque (presque) envie de se faire un shoot toxique de Transformers pour être enfin extirpés de la léthargie dans laquelle IO nous a plongé. C’est dire.
Seule sur Terre
Nous faisons dans IO la connaissance de Sam (Margaret Qualley, The Leftovers), scientifique et l’une des dernières personnes encore vivantes sur Terre. Dans un prologue sombre et sobre, elle nous informe que « quelque chose a changé dans l’atmosphère terrestre », en réaction au mal que l’humanité lui infligeait. Irrespirable, la planète se vide à vitesse grand V, direction la colonie spatiale près de Io, la lune de Jupiter. Seuls restent sur Terre des irréductibles comme Sam, fille d’un éminent scientifique ayant prédit que la planète finirait par redevenir habitable. Dans l’observatoire d’altitude où elle a vécu toute sa vie, elle continue de faire des relevés et d’élever des guêpes cobayes. Une vie passionnante, donc, autant que sa relation à distance avec un ingénieur parti sur Io. L’arrivée, en montgolfière (plus belle séquence du film, assurément), d’un inconnu, Micah (Anthony « Le Faucon » Mackie), souhaitant parler à son père, bouleverse la vie de Sam. Confrontée à ses failles, à ses tests sans espoir, à sa nostalgie d’un monde qu’elle n’a finalement jamais connu, Sam, pressée par Micah qui souhaite embarquer dans les ultimes navettes en partance pour Io, doit faire un choix…
La science-fiction minimaliste, un genre en soi, n’a rien de honteux. Il n’y a aucun mal à avoir pensé IO comme un récit de l’après-fin du monde, une plongée dans un univers d’où tout espoir, et pratiquement toute forme de vie a disparu (« Même les oiseaux sont morts », se lamente Sam. « Il fallait bien qu’ils se posent », lui répond Micah). Sam est une rêveuse en même temps qu’une chercheuse pragmatique, une prisonnière de l’héritage de son père, qui était peut-être un dangereux optimiste. C’est une protagoniste intéressante, en un sens, car faillible et désorientée, comme nous le serions si notre monde s’écroulait. Ce blues existentiel ne prend jamais une forme satisfaisante dans IO. Inerte au possible, incapable de faire exister la relation ou de créer une alchimie crédible entre ses deux personnages, le film est à peu près vide de tout rebondissement, de toute progression dramatique satisfaisante. Le sentiment d’urgence que Helpert aurait dû créer n’est jamais palpable, faute de background cohérent et fouillé. Entre deux séances d’apiculture et de rédaction d’e-mails, IO préfère multiplier les métaphores au moyen de pesantes citations littéraires et artistiques, et s’effondre dans ses dernières minutes lors d’un dénouement express laissé à notre libre interprétation. Un épilogue grotesque et naïf qui enterre le peu de considération que l’on aurait pu avoir pour ce piteux huis-clos en plein air.