Lorsqu’on parle de franchises à rallonge, de crossovers et d’univers étendus, il ne s’agit pas que de super-héros. La preuve : Warner et Legendary se sont associés pour créer une improbable saga monstrueuse, qui a officiellement débuté l’an passé avec le Godzilla de Gareth Edwards, et se poursuivra en mars prochain avec le désormais moins mystérieux Kong : Skull Island. Cette superproduction à 200 millions de dollars va faire revivre, comme son titre l’indique et pour la huitième fois à l’écran, King Kong, plus de 80 ans après l’immortelle œuvre originelle de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, et plus de 10 ans après le remake, plus contesté (et contestable, même si grisant et véritablement grandiose par endroits), de Peter Jackson. Le but ? Réimaginer le mythe en déjouant les attentes d’un public qui connaît par cœur le tragique destin du gorille géant, et surtout préparer le terrain pour un King Kong vs Godzilla annoncé pour 2020. Un choc des titans qui paraît improbable, mais qui, il est bon de le rappeler, avait déjà inspiré le maître du kaiju eiga Ishiro Honda en 1962.
Apocalypse bestiale
Point d’animatroniques patiemment assemblés ou d’hommes en costumes à attendre en tout cas dans Skull Island, dont la première et spectaculaire bande-annonce a été révélée ce week-end au Comic Con. Tournée dans les splendides contrées sauvages du Queensland (Australie), à Hawaï et dans la jungle vietnamienne, cette nouvelle version reproduit un récit familier dans le contexte des années 70, comme le remake de John Guillermin de 1976. L’ombre de la guerre du Vietnam plane de manière évidente sur ces images, qui suivent un groupe de militaires revenus du front, embarquant pour une expédition sur une île mystérieuse. L’un des passagers est une photographe de guerre (Brie Larson, fraîchement oscarisée pour Room et futur Captain Marvel), qui va être plongée elle aussi dans une aventure aux proportions dantesques. Le petit groupe est en effet rapidement débarqué de force dans la jungle, sur une île dont le roi est un colosse – car, oui, cette fois les producteurs de Skull Island ont vu très (trop ?) grand concernant la taille de Kong !
Plus gros, plus humanoïde, mais pour l’instant, plus invisible que le reste du casting, Kong est bien entendu l’arme secrète de ce reboot plus qu’intrigant, qui s’appuie visiblement sur une photo renversante (signée Larry Fong, collaborateur régulier de Zack Snyder) empruntant ses tons ocres/orangés et verts vibrants à Apocalypse Now – référence écrasante, qui s’étend jusqu’au nom du héros, Conrad – et Predator, pour ne citer qu’eux. Le montage, qui insiste intelligemment sur la montée en tension des événements sans trop en révéler sur le cœur de l’intrigue (imaginée par un quatuor de scénaristes dont Dan Gilroy, réalisateur de Night Call), enchaîne une pelletée de plans à l’imagerie puissante, qu’il s’agisse de soldats marchant sous les squelettes d’animaux titanesques, de cette silhouette insignifiante faisant face à un océan de flammes, ou de cette empreinte, gigantesque, laissée sur le flanc d’une montagne. Tout comme Edwards sur Godzilla, Skull Island s’annonce comme une affaire sérieuse, très premier degré, loin des fantaisies et hommages à Harryhausen imaginés par Jackson.
L’inconnu du bataillon
Mais, aussi excitant soit-il, un trailer reste un trailer. Et l’une des grandes inconnues du projet, au-delà de la pertinence réelle de ses emprunts stylistiques (il ne manquerait plus que l’hélicoptère balance les Doors pendant le voyage, et l’hommage facile à Coppola sera complet), ou du choix de faire de Kong un colosse un poil trop grand pour une île, réside dans le choix du réalisateur. Skull Island sera le deuxième long-métrage de Jordan Vogt-Roberts, auteur à tête de hipster de plusieurs sketchs pour Funny or Die, de quelques épisodes de séries télé et d’un film indé à la bonne réputation, The Kings of Summer. Bref, un relatif inconnu, sans aucune expérience d’une production à grand spectacle, qui rejoint la désormais longue liste des jeunes talents débauchés par Hollywood pour une carrière express dans la cour des grands (l’exemple de Colin « Jurassic World » Trevorrow continue donc de faire des petits).
Imprimera-t-il, comme Edwards, sa personnalité sur ce projet ambitieux, mais risqué, qui a fait le pari, comme les nouveaux opus de La planète des singes, de tourner massivement en décors réels pour y mélanger ensuite des CGI ? Ou sera-t-il un prête-nom anonyme, fonctionnaire noyé dans un générique qui aligne devant la caméra une sacrée liste de bêtes de charisme (Tom Hiddleston, John Goodman, Samuel L. Jackson, John C. Reilly ou encore Thomas Mann, le jeune héros de This is not a love story) ? Réponse en mars prochain, mais d’ici là, rien n’empêche de se replonger dans ces trépidantes 90 secondes pleines de promesses…