La Colonie : des marées et des hommes
Produit par Roland Emmerich, La Colonie s’appuie sur des images léchées pour soutenir un scénario sous influences.
Il aura fallu pas moins d’une décennie au réalisateur helvète Tim Fehlbaum pour transformer l’essai de son premier long-métrage, Hell. Une aventure post-apocalyptique qui se déroulait sur une planète mortellement irradiée par les rayons du Soleil. Dix ans après, le cinéaste n’en a pas fini avec les histoires de fin du monde. Sous la houlette protectrice d’un spécialiste des scénarios funestes, l’inénarrable Roland Emmerich, Fehlbaum imagine avec Tides, alias La Colonie en VF, une Terre devenue inhabitable par la faute des Hommes. La pire prédiction des climatologues s’est concrétisée et l’humanité a dû s’exiler loin, très loin, sur la planète Kepler 209 pour être précis. Deux générations plus tard, le choix est fait d’envoyer en éclaireur des astronautes triés sur le volet, pour savoir s’il est possible de revenir habiter sur la planète bleue – et surtout, de pouvoir y procréer, la vie sur Kepler ayant rendu les humains stériles. La Colonie débute quand la deuxième mission d’exploration, emmenée par Blake (la Française Nora Arnezeder, croisée cette année dans Army of the Dead) et Tucker (Sope Dirisu, His House), atterrit durement sur une vaste étendue de terre humide, régulièrement recouverte par les marées. L’équipage va vite se rendre compte que contrairement à ses prédictions, la Terre n’est pas entièrement vidée de ses habitants…
Une planète à recoloniser… ou pas ?
S’il est souvent utilisé comme un prétexte narratif justifiant une débauche de scènes apocalyptiques, le message écologiste de La Colonie n’est pas traité par-dessus la jambe. Voilà un film qui, derrière son aventure prévisible qui ne surprendra pas ceux qui connaissent Mad Max au-delà du Dôme du Tonnerre, Waterworld ou même Wall-E et Oblivion par cœur, pose des questions plutôt pertinentes sur le modèle à suivre pour une humanité épuisant à une vitesse supersonique les ressources de son habitat naturel. Fille d’un commandant de navette idéaliste et porteur d’espoir, Blake est décrite comme une héroïne qui voit sa boussole morale s’affoler au fil de ses rencontres avec les « survivants » d’une Terre abandonnée. De manière manichéenne, mais judicieuse, le scénario invite à se demander s’il est plus judicieux de privilégier l’intérêt collectif et le développement d’une nouvelle civilisation en tirant parti des phénomènes naturels (les fameuses marées du titre) ou de retourner à un utopique, mais palpable «état sauvage », où la communauté n’est plus soumise à la domination d’une élite et s’adapte ensemble aux éléments.
« Cet environnement brumeux et désolé, fluctuant et hypnotique, horizon science-fictionnel idéal, fournit une matière narrative captivante. »
La Colonie n’a, de l’aveu même de son réalisateur, pas vocation à disserter pesamment sur ces choix de société, comme le prouvent ses dialogues un peu scolaires et ses twists feuilletonnesques (dès que Iain « Game of Thrones » Glen entre en scène, notamment), parfois tirés par les cheveux (ou par la branche). Tourné avec des moyens modestes, le film de Tim Fehlbaum travaille surtout à tirer parti de son décor à moitié immergé de la mer des Wadden, près de la mer du Nord. Un environnement (très) brumeux et désolé, fluctuant et hypnotique, horizon science-fictionnel idéal, qui dans ses 20 premières minutes notamment, fournit une matière narrative captivante avec peu de personnages et encore moins de repères géographiques – un choix audacieux, mais logique soutenu par la photo évocatrice de Markus Förderer (Red Notice, Stonewall). La suite, solide, est moins surprenante, plus statique par essence (le budget, là encore, ne permettait sans doute pas de multiplier les décors à l’infini). Intrinsèquement, La Colonie est une série B modeste et plutôt conventionnelle (notamment dans son dénouement). Mais son pouvoir d’immersion et ses problématiques brûlantes d’actualité le rendent plus que recommandable.