Malasana 32 : SOS appart hanté
Sorte de Conjuring madrilène en appartement, Malasana 32 fournit son quota de frissons, sans prendre de risques.
Quoi ? Encore une histoire de fantômes frappeurs et d’esprits malfaisants qui terrorisent une innocente famille ? Oui, le cinéma n’en a pas fini (et n’en aura sans doute jamais fini) avec les spectres pelliculés, générateurs inépuisables et gratuits de jump scares dont les particularismes passent souvent très bien les frontières auprès d’un public friand de soirées frousse et de montées de pression sans conséquence. En la matière, l’Espagne a toujours été l’un des meilleurs fournisseurs du genre. Le simple fait de savoir que ce Malasana 32, réalisé par un artisan, Albert Pinto, ayant déjà fait ses armes dans le film fantastique avec Matar a Dios (visible un temps sur Outbuster) se déroule à Madrid, nous donne déjà d’en savoir plus – en plus de nous rappeler au bon souvenir de REC premier du nom, une référence en matière de montée de stress.
Cauchemar madrilène
Outre Madrid et ses immeubles labyrinthiques, Malasana 32 possède un point commun avec le classique de Jaume Balaguero : l’acteur Javier Botet, dont le physique de géant squelettique lui a valu une belle carrière de monstre de cinéma, mais qui apparaît ici « à découvert », dans le rôle de l’agent immobilier qui donne à la famille Olmedo les clés de leur nouvel appartement, situé rue Malasana. Nous sommes dans les années 70 et les époux Olmedo ont quitté la campagne pour s’installer, avec le grand-père et les trois enfants, dans ce spacieux, mais poussiéreux logement dont le passé inquiétant nous a été révélé, vous l’aurez parié, dans un flash-back inaugural bien creepy. Très vite (comprendre : après quelques scènes d’exposition), chacun des membres de la famille est confronté à des phénomènes tout sauf naturels. Portes qui claquent, ami imaginaire, ou, plus original, messages glissés sur des cordes à linge : le clan Olmedo, qui est en fait une famille recomposée taraudée par ses propres remords, est soumis à rude épreuve. Et même quand les choses se corsent, il n’y a pas d’issue : impossible de déménager sous peine d’être à la rue ! Les fantômes, eux, ne connaissent pas la crise…
« Impossible de déménager sous peine d’être à la rue ! Les fantômes, eux, ne connaissent pas la crise… »
Basé sur un scénario imaginé par les créateurs des séries Netflix Alta Mar et Las Chicas del Cable, inspirés par les légendes urbaines entourant ce vieux quartier de la capitale espagnole, Malasana 32 est à n’en pas douter un rejeton de l’école James Wan, période Conjuring premier du nom. Classieux, exploitant dans tous ses recoins un décor urbain qui évoque pourtant furieusement par son esthétique bourgeoise délabrée les manoirs gothiques habituels du film de hantise, Malasana 32 se repose volontairement sur des artifices classiques du genre. Albert Pinto orchestre une montée en puissance savamment calculée, en prenant soin notamment de dessiner des personnages attachants, comme la sœur aînée Olmedo, jouée par Bea Segura, qui rêve d’émancipation, mais doit prendre ses responsabilités dans la famille. Le rôle du grand-père, en dehors de générer un jump scare nocturne malgré lui, est plus sacrifié : à peine sert-il de témoin taiseux aux apparitions de plus en plus terrifiantes qui mettent la famille et ses plus jeunes membres au supplice, façon Poltergeist en plus rétro.
Esprits frappeurs et mauvaise conscience
Il serait aventureux de qualifier Malasana 32 de révolutionnaire, tant le film épouse les contours confortables d’un univers n’offrant à ce stade que peu de possibilités de surprendre. Comme toute bonne affaire de mauvais esprit, le scénario repose sur un traumatisme non résolu, une injustice de l’Histoire que le temps ne peut plus réparer. Le film bifurque sur le tard vers un registre possédé, là aussi souvent vu, pas forcément des plus convaincants, d’autant plus qu’il s’appuie pour cela sur des révélations stigmatisant maladroitement une communauté de laissés-pour-compte. Mais Malasana 32 se rattrape, outre sa plastique et un rythme échevelé qui ne garantit aucun temps mort, par son côté prosaïque, terre-à-terre, les apparitions et objets volant bruyamment n’empêchant nullement les Olmedo d’être taraudés à égale intensité par un passé qu’ils ne peuvent désormais plus fuir. Un ancrage humain, tangible, qui apporte plus de poids à une trame fantastique sinon très conventionnelle.