C’est la plus inattendue, mais aussi la plus ambiguë des modes à venir à Hollywood : en 2014, la Bible sera le terreau de plus d’une dizaine de productions à moyen et gros budget, de la préquelle annoncée de La passion du Christ consacrée à Marie au Moïse de Ridley Scott, en passant par le reboot de la trilogie ultra catho Left Behind avec Nicolas Cage en tête d’affiche. Le film le plus attendu de cette vague, sans mauvais jeu de mots, aura toutefois un tout autre intérêt : il marquera le retour sur le devant de la scène de Darren Aronofsky, quatre ans après Black Swan. Aux commandes pour la première fois d’un très gros budget (on parle de 130 millions de dollars), le réalisateur new-yorkais s’est attaqué au personnage mythique de Noé, qu’il compte approcher sous un angle plus réaliste que les écrits ne le suggèrent, et donc plus sujet à polémique.
[quote_left] »Ces premières images promettent un spectacle assez enivrant. »[/quote_left]Le sujet passionne Aronosky, qui a adapté le comic book dont il est avec Ari Handel le co-auteur (John Logan, le scénariste de Gladiator, s’est aussi invité à la table) et envisage le personnage du patriarche biblique comme le « premier environnementaliste », « connecté » à Dieu qui le prévient par des visions de l’imminent Déluge, certes, mais concerné aussi par le devenir de sa planète, et un bon vivant également. « Noé était la première personne à planter des vignes, à faire du vin et se saouler avec. C’est écrit dans la Bible ! » a expliqué le réalisateur, qui compte aussi faire figurer dans son film les personnages d’Adam et Eve.
Après le Déluge… les premières polémiques
Le cœur de l’histoire, comme le révèle le premier trailer officiel (et la première, et très banale, affiche, qu’on jurerait conçue pour un film de Roland Emmerich), demeure toutefois la fameuse apocalypse, déluge divin censé emporter toute vie sur Terre exceptés les animaux réunis dans l’arche bâtie par Noé et les siens. Russel Crowe apporte au personnage une gravité qui sied bien au rôle, surtout qu’il se voit entouré d’acteurs tout aussi intenses, comme Anthony Hopkins et Ray Winstone. Aronofsky a aussi retrouvé sa muse de Requiem for a dream, Jennifer Connelly, au cours d’un tournage qui s’est déroulé dans des conditions extrêmes et dans le plus grand secret, en Islande. Le ton est emphatique et un brin mélodramatique, et les pans de l’histoire qui sont révélés n’ont rien de surprenant (on s’y souvient toutefois que les insectes et les reptiles n’étaient pas oubliés dans la liste des passagers), mais ces premières images promettent un spectacle finalement assez enivrant, et dont le dernier acte (après le déluge, donc) reste encore mystérieux.
Avec un artiste aussi atypique et radical qu’Aronofsky aux manettes d’un tel projet, les pontes de la Paramount devaient s’attendre à voir débarquer une œuvre moins facile à digérer pour les chrétiens les plus fondamentalistes qu’une Passion du Christ. Et pourtant. Après une série de projections test à New York, dans l’Arizona et à Orange County, un bras de fer s’est soudainement engagé entre le studio et le réalisateur, qui refuserait d’apporter des changements à ce fameux troisième acte, où se croiseraient des figures d’anges cauchemardesques et un Noé entré dans une spirale destructrice peu conforme à son image traditionnelle de sage barbu, et qui trouve selon le metteur en scène des résonances avec notre actualité. Bref, les réactions de la frange la plus conservatrice du public américain ferait une fois de plus peur aux studios, qui ont pourtant dû lire la BD d’Aronofsky avant d’ouvrir la machine à billets. Quoiqu’il en soit, le mot d’ordre autour de Noé semble pour l’instant être l’union sacrée (ah ah), comme le prouve cette première bande-annonce jouant la carte de la sécurité, tout en laissant en suspens quelques interrogations relatives au final cut qui atterrira dans les salles en mars prochain.