Pour des raisons que la logique ignore, Parker constitue la première adaptation des livres de Donald Westlake utilisant le véritable nom de son personnage favori, contrairement au Point de non-retour (avec Lee Marvin, dont le personnage s’appelle Walker) ou à Payback (avec Mel Gibson dans le rôle de… Porter). Parker – il n’a pas de prénom connu – c’est le prototype même du criminel à qui on ne la fait pas. Impitoyable mais fidèle à un code d’honneur suranné qui le met toujours plus ou moins dans la mouise (il s’en sort toujours, sinon Westlake n’aurait pas écrit 28 romans le mettant en vedette), Parker est surtout connu du grand public, sous un autre nom donc, comme un hors-la-loi mécontent de s’être fait blouser et décidé à rentrer méthodiquement dans le lard de tous ceux qui l’ont trahi, « pour le principe ». Ô surprise, c’est encore le cas avec ce film de Taylor Hackford (Ray, Dolores Claiborne, mais aussi le gros bide Love Ranch, l’un des seuls rôles de Joe Pesci ces quinze dernières années), qui malgré le fait qu’il s’intéresse à un autre roman que ses prédécesseurs – Flashfire -, met notre taciturne héros dans la même situation.
[quote_right] »Parker se révèle atrocement long, le film avoisinant les deux heures. »[/quote_right]Dans Parker, Statham marche donc dans les inoubliables pas de Lee Marvin, en restant au moins fidèle au personnage sur un point : son habileté à passer inaperçu lors de ses multiples hold-ups. Bien qu’il ne fasse à aucun moment illusion dans son déguisement de prêtre, Statham se plie à l’exercice du film de braquage comme à l’époque d’Italian Job. Moins de ronds de jambe et plus de ruse, à l’image d’une séquence d’ouverture située dans une fête agricole, dont Parker et ses acolytes vont piquer la recette ni vu ni connu. Manque de pot, sa bande a d’autres plans pour la suite, et laisse Parker pour mort au bord d’une route. Qu’à cela ne tienne, le bougre se soigne en deux coups de piqûre, échappe à la police et suit leur piste jusqu’à Palm Beach, où ses anciens compères préparent un autre casse, plus ambitieux et « bénéfique ». Là, Parker rencontre Leslie (Jennifer Lopez), une agente immobilière fauchée qui va l’aider à trouver leur repaire, et se faire, hum, justice.
Le popotin de la pop star
Soyons clairs : en dehors du titre, Parker n’a rien d’une série noire hard-boiled telle qu’on pouvait l’imaginer, vu le pédigrée de son personnage éponyme. Statham a il est vrai réalisé un petit exploit en s’auto-fabriquant une niche commerciale de Charles Bronson / Steven Seagal moderne, avec budgets confortables, sorties en salles et promo conséquentes, chose que beaucoup de cogneurs de sa trempe n’ont jamais réussi. Le problème de cette niche, c’est qu’elle doit sa bonne santé à des recette immuables, faites pour mettre invariablement en valeur la star british, au détriment des scénarios, du casting secondaire et même du style visuel des films (le Safe de Boaz Yakin et les Hyper Tension étaient de fait d’authentiques surprises à ce niveau). Une fois de plus (de trop ?), Statham rabaisse un matériel de premier choix au niveau d’une série B routinière, recyclant dès que possible les poses, les gimmicks et même les costumes de ses hits passés. Bien sûr, le cadre floridien de Parker est exotique – on se croirait dans Dexter avec une touche d’Ocean’s Eleven du pauvre – et la personnalité du héros est plus « exotique » que d’habitude. Problème, Statham semble être aussi concerné par ces particularités que par le derrière de Jennifer Lopez : qu’il échange des répliques sur son code d’honneur avec un Nick Nolte quasi aphone ou imite (mal) l’accent Texan, l’acteur touche du doigt ses limites, la palme étant atteinte dans son alchimie avec Lopez, inexistante. Pire, les deux semblent jouer dans des films différents, l’ex-star de la pop semblant vouloir retrouver sa crédibilité acquise à l’époque de Hors d’atteinte. Et tant pis si elle doit se désaper pour que les fans de Statham puissent se rincer l’œil, en plus d’incarner une quarantenaire frustrée sexuellement et vivant chez sa mère.
Alors bien sûr, le casting est rempli de seconds couteaux qu’on a toujours plaisir à voir, de Wendell Pierce à Michael Chicklis, mais le scénario leur donne peu de matériel pour s’ébrouer, se contentant de les faire cabotiner dans des caricatures de truands sans envergure. Du menu fretin qui n’a aucune chance face à l’increvable – euphémisme – Jason. Et la réalisation pépère de Hackford ne fait rien pour arranger les choses. On a, dans le désordre, droit à des flashbacks sur des scènes qui datent d’à peine dix minutes (« vous êtes perdus ? Previously, on Parker ! »), des erreurs de continuité comme s’il en pleuvait, des rebondissements annoncés avec la finesse d’un commentateur de foot… Surtout, Parker se révèle atrocement long, le film avoisinant les deux heures alors qu’un script aussi simple nécessiterait à peine les 90 minutes réglementaires. La faute au personnage de Leslie, auquel Hackford donne bien trop d’importance au vu de son utilité dans la vengeance de Parker et du manque d’intérêt criant de sa romance avortée avec lui – car en effet, cette fois, Statham joue un homme fidèle, accro à une donzelle docile et maligne, tellement qu’elle a des échelles de secours dans sa chambre.
Seule lueur de brillance dans ce polar du samedi soir fonctionnant au ralenti, un duel brutal entre Jason et un tueur à gages (Daniel Bernhardt, ancienne star des Bloodsport !) dans une chambre d’hôtel. Sanglante, sadique, bien emballée, cette baston-là risque de réveiller plus d’un spectateur endormi par les scènes de papotage entre J-Lo et ses collègues, ou la préparation du hold-up – bien surréaliste – de Chicklis et ses complices. Pour une fois qu’il sortait au grand jour, Parker méritait tout de même un peu mieux.
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Parker, de Taylor Hackford
2012 / 2012 / USA / 118 minutes
Avec Jason Statham, Jennifer Lopez, Nick Nolte
Sorti le 17 avril
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