Bien maigre mois pour les amateurs de cinéma « alternatif » et d’inédits bisseux que celui d’août. Le marché du DTV y est plus endormi qu’une marmotte, fourbissant ses armes pour une rentrée forcément plus chargée : on ne compte plus les coffrets annoncés et conçus pour peupler les dessous de sapins en décembre, de plus en plus composés d’inédits rassemblés au petit bonheur la chance sous des thématiques plus ou moins heureuses. En août ? La tendance est au « moins j’en sors, mieux je me porte », avec de rares sorties d’importance, rassemblées dans la sélection ci-dessous, et où ne figure pas notre chouchou The Innkeepers, dont on vous parle ici et là.
On y retrouve, en vrac, une odyssée viking un poil fauchée, du polar briton sous influence mannienne, un très chouette film de surf qui vous fera regretter vos déjà lointains congés. Le mois d’août est également marqué par la sortie de deux grosses productions russes, dernier exemple de la discrète mais conséquente percée de cette cinématographie largement méconnue dans nos contrées. Est-ce pour le pire ou pour le meilleur ? À vous de voir, dans tous les sens du terme. En attendant, bonne lecture… et bonne chasse !
Welcome to the punch
Un film d’Eeran Creevy, avec James McAvoy, Mark Strong
Sortie le 1er août – Seven Sept
Genre : polar sous influence
Après la semi-déception provoquée par The Sweeney, la sortie directement en vidéo de Welcome to the Punch prouve que les tentatives récentes d’émuler au Royaume-Uni les recettes des films d’action américains, tout en conservant presque crânement leurs spécificités culturelles, n’intéressent pas beaucoup les multiplexes. Et pourtant, que de visages connus au générique de ce polar racé signé Eeran Creevy (Shifty) : James McAvoy (déjà vu à Londres cette année dans Trance), Mark Strong, David Morrissey (Walking Dead… mais aussi Basic Instinct 2 – personne n’a oublié, David !), mais aussi Peter Mullan, qu’on a pas l’habitude de voir dans des rôles de seconds couteaux basiques. Le concept n’a en lui-même rien d’exceptionnel pour qui a été biberonné à Heat et aux films de John Woo : les duels au long cours entre flics et braqueurs sont aussi vieux que le cinéma, et l’idée d’associer ces contraires pour une cause commune n’est pas plus neuve. Plus intéressante est la volonté du script de dénouer les fils d’un complot invraisemblable lié au développement immobilier de Londres même. La capitale britannique a sans doute rarement été filmée de manière aussi glossy, le quartier d’affaires de Canary Wharf en particulier étant bichonné à travers le filtre bleuté d’un réalisateur sans doute tout excité à l’idée d’avoir Ridley Scott pour producteur. Côté action, le contrat est rempli avec assurance mais sans génie particulier (sauf lors d’une scène impliquant une grand-mère, à mi-chemin entre esbroufe absolue et bouffonnerie involontaire), et le calibre du casting permet de passer outre les montagnes d’incohérences propres à ce genre de productions privilégiant l’efficacité à tout prix. Carton rouge malgré tout à la conclusion bien plate, qui se garde bien de résoudre avec un tant soit peu de logique les enjeux exposés dans ses premières minutes.
Drift
Un film de Ben Nott et Morgan O’Neill, avec Xavier Samuel, Sam Worthington
Sortie le 7 août – TF1 Vidéo
Genre : surfin’ Australia
Avant que Point Break ne rende ce sport plus « cool, dude » que jamais et qu’il soit représenté quasi exclusivement par des gravures de mode comme Kelly Slater, le surf représentait avant tout un choix de vie, une forme embryonnaire de contre-culture qui, forcément, a dû surmonter pas mal de préjugés et d’incompréhension. C’est sur cette aventure humaine que se penche l’Australien Drift, digne successeur du crépusculaire Big Wednesday de John Milius, qui vient effacer le souvenir douloureux de pochades teenage récentes du genre Blue Crush. L’histoire se déroule dans les années 70, et retrace le parcours des frères Kelly, prodiges du rouleau et entrepreneurs imaginatifs, qui reçoivent l’aide d’un photographe baba-cool sans attaches, JB, incarné par nul autre que, tiens donc, Sam Worthington avec une barbe. La star d’Avatar a beau être chez nous la seule star à l’affiche de ce très rafraîchissant film « d’époque », le casting rassemble pourtant la fine fleur du cinéma australien actuel : les frères Kelly notamment sont joués par Xavier Samuel (révélation de The Loved Ones) et Myles Pollard (Tucker & Dale vs Evil), sosie officiel de William Katt. Sans réelles surprises, mais loin d’être désagréable, Drift peut se reposer sur une bande-son rock’n’roll un peu anachronique – on y entend du Kula Shaker ! – mais efficace, des héros forcément rebelles-et-attachants-qui-aiment-leur-liberté, et bien sûr des prises de vue aquatiques d’une décoiffante efficacité, réalisées dans un coin d’Australie idyllique. On aurait presque envie de sortir la planche…
Phantom
Un film de Todd Robinson, avec Ed Harris, David Duchovny, William Fitchner
Sortie le 20 août – Universal
Genre : huis-clos sous-marinier
Malgré le fait que leurs couloirs soient aussi étroits que les rangées d’un multiplexe parisien, les sous-marins n’ont cessé de fasciner les cinéastes depuis leur invention, et le huis-clos sous-marin est quasiment devenu un sous-genre à part entière du film de guerre. Todd Robinson (le mauvais Cœurs perdus) se risque à marcher dans les traces de Wolfgang Petersen ou Kathryn Bigelow avec ce Phantom basé sur des faits réels : l’histoire d’un sous-marin nucléaire soviétique qui en 1968, aurait été à deux doigts de déclencher une guerre mondiale entre les USA et la Chine. Les détails sont, forcément, classifiés, ce qui permet à Robinson d’imaginer un face-à-face tendu en pleine mer entre un capitaine de vaisseau brisé par un drame personnel (Ed Harris, dans un rôle sur mesure) et un agent du KGB en mission secrète à bord pour tester une arme prototype appelée « Phantom ». On retrouve dans le rôle de ce patriote un peu trop zélé pour ne pas être inquiétant un David Duchovny à contre-emploi, un peu falot malgré tout lorsqu’il se mesure à des pointures du genre comme Harris ou William Fitchner (Elysium). Le réalisateur fait un solide travail pour faire ressentir la claustrophobie et les luttes de pouvoir qui font petit à petit monter la pression, et l’ensemble s’avère assez prenant et rythmé pour faire oublier le fait que Phantom passe après de biens plus prestigieux prédécesseurs. Seule la fin, inutilement confuse et maladroitement poétique, vient rappeler que le réalisateur aux commandes de cette odyssée sous-marine n’est pas vraiment John McTiernan.
Hammer of the gods
Un film de Farren Blackburn, avec Charlie Bewley, Clive Standen
Sortie le 7 août – Wild Side Video
Genre : odyssée viking
Voilà bien un film un peu survendu : s’il contient bien son lot de combattants armés de marteaux et massues douloureusement efficaces, Hammer of the Gods n’a rien d’un film alliant fantasy et dieux vikings façon Thor. Il s’agit en fait plutôt d’une petite série B d’aventure pétrie de bonnes intentions, mais aux moyens et au scénario limité. Pour éviter, selon les propres dires de son acteur principal Charlie Bewley (Twilight) de faire flamber le budget inutilement, l’histoire se concentre sur une poignée de guerriers vikings chargée par leur roi, au 9e siècle, d’aller chercher dans de lointaines contrées sauvages son fils aîné, banni il y a des années. Farren Blackburn, formé à la télévision britannique, se montre timide pour sa première réalisation cinématographique, malgré la décision pertinente de tourner une grande partie du film en extérieurs, dans les paysages magnifiques et quasi lunaires du Pays de Galles, malheureusement peu mis en valeur par un montage statique. La production value de Hammer of the Gods s’avère rapidement assez pauvre, le film se reposant sur des infographies et une poignée de figurants pour construire un univers intéressant mais narrativement limité (en gros, le héros Steinar et ses compères marchent, puis se battent, puis marchent… pendant 90 minutes). L’interprétation est pour le moins inégale, les bastons brutales et réalistes mais handicapées par une bande-son rock du pire effet, et le rythme assez déconcertant. L’aspect le plus intéressant de Hammer of the Gods réside malgré tout dans son sombre final, très Au cœur des ténèbres dans l’esprit, où cannibalisme, inceste et fratricide s’entremêlent dans une caverne éclairée à la torche. Un dernier acte qui confère à ce correct film d’aventures une bonne part de son étrangeté, et rattrape un peu ses nombreuses maladresses.