Trick’r Treat : les contes de Halloween

par | 7 septembre 2018

Petit bijou de série B horrifique, Trick’r Treat mérite son statut de classique invisible d’Halloween. Le meilleur film à sketches depuis Creepshow, au moins.

Une farce ou des friandises ? C’est le choix qui est laissé depuis des décennies aux familles américaines lors de la nuit d’Halloween, pendant laquelle on célèbre non seulement les morts, mais aussi l’intrusion du surnaturel dans notre monde cartésien. Malgré quelques efforts « commerciaux », la tradition est restée purement anglo-saxonne et reste d’autant plus attachée aux Etats-Unis qu’elle a servi de décor pour une franchise à succès dont le parrain est bien sûr John Carpenter. Trick’r Treat, réalisé par Michael Dougherty en 2007 sur la foi d’un précédent court-métrage, Season’s Greetings, ayant vu le jour en 1996, assume parfaitement cet héritage à la fois cinématographique et ancestral. C’est un film à sketches, genre mal-aimé s’il en est, d’autant plus lorsque c’est d’horreur qu’il s’agit. Dougherty paie son tribut dès les premières minutes du film, pendant lesquelles on s’aperçoit 1) qu’il l’a tourné en Cinémascope, format de prédilection du papa de Michael Myers 2) que sa séquence est tournée en vue subjective, exactement comme au début de La nuit des Masques.

Mais ce sera le seul clin d’œil visible dans ce sens, Trick’r Treat utilisant avant tout la fête d’Halloween (l’action se déroule entièrement durant cette nuit de fête et de mystères) comme un décor pour y conter ses cinq histoires, revisitant chacune à leurs manières de grandes figures du genre, en les détournant avec malice. De plus, Dougherty se montre moins disposé à jouer la carte de la suggestion que celle de l’horreur frontale, s’en prenant aux innocents comme aux naïfs, aux enfants comme aux adultes, tous coupables de ne pas avoir respecté l’esprit si particulier de cette fête macabre.

Citrouilles et grosses trouilles

Trick’r Treat, malgré son statut de « film d’Halloween parfait », ne revendique aucune paternité trop voyante, s’appuyant avant tout sur une direction artistique tirant le meilleur de son maigre budget, et la mise en lumière tantôt automnale, tantôt lugubre, de l’expérimenté Glen McPherson. Tout au plus pourra-t-on évoquer la parenté avec le tout aussi incorrect Satan’s Little Helper de Jeff Lieberman, sorti en 2004, et dont le pitch rappelle beaucoup l’un des premiers sketches, avec son gamin naïf faisant sans le savoir ami-ami avec un serial-killer. La force du film, outre sa volonté d’entrecroiser, souvent de manière virtuose, les différentes histoires dans un même espace-temps aux tonalités pourtant opposées, est de rejouer à l’envie un scénario identique, partant d’un postulat classique et connu de tous, pour le renverser totalement au moment de la chute. Un vampire écumant incognito les rues d’une petite ville, un proviseur qui n’aime pas trop les enfants, une ingénue qui se retrouve à devoir parader avec ses copines en costume de chaperon rouge, une jeune fille timide qui fait l’objet de moqueries, un vieillard acariâtre reclus dans sa maison… Personne, excepté le couple de l’introduction, n’est ce qu’il paraît être, et tous ont un secret qui n’attend qu’une chute horrible – et donc inattendue – pour être révélé. Ces acrobaties scénaristiques peuvent paraître gratuites, elles n’en rajoutent pas moins au plaisir pris devant ces Contes de la crypte à la fois modernes et tellement rétro.

C’est ce qui frappe le plus dans Trick’r Treat : cet espèce de voyage dans le temps à la fois esthétique et narratif, ce plaisir simple de raconter des histoires pour se faire peur, sans CGI ou second degré méta, qui finit par nous laisser penser que la pellicule a été cryogénisée pendant vingt temps avant d’être décongelée devant nos yeux humides de cinéphages nostalgiques. Ce n’est pas un hasard si on pense constamment à Creepshow, au cinéma de Carpenter et à l’univers de Stephen King. On retrouve cette même volonté de jouer sur les codes du conte, de l’illusion liée au monde de l’enfance pour surprendre le spectateur, avec cette touche d’horreur graphique et trash qui rendra le métrage moderne aux yeux des habitués de sagas à la Saw.

Privés de sortie !

Le casting ravira rétrospectivement les amateurs de séries télé, puisqu’on y retrouve Anna Paquin (True Blood), Tamhoh Penikett (Battlestar Galactica), et pour les plus observateurs, Britt McKillip (Dead like me). Ils font toutefois office de figurants par rapport à Dylan Baker, sardonique à souhait dans le rôle du proviseur à la progéniture flippante, et surtout à Brian Cox, au centre du dernier sketch, le plus réussi puisqu’il permet de découvrir le vrai visage du petit Sam, le lutin au masque de citrouille, présent tel une ombre dans chacune des histoires, véritable mascotte visuelle et thématique du long-métrage. La lutte éprouvante entre ce nain vicieux et omnipotent, et Cox, confinée dans une maison transformée en masure gothique, est le genre de séquence qui reste dans les mémoires. Sans compter qu’elle ouvre la porte à la plus cruelle pirouette du film, la plus apte donc à figurer en fin de parcours.

Le côté triste de l’affaire, c’est que Trick’r Treat ait été sacrifié par ses producteurs (Warner Bros, pour ne pas les nommer) avant même sa sortie, essentiellement pour des raisons juridiques. Trimballé avec succès dans une trentaine de festivals de par le monde, le film est finalement sorti dans une seule salle en 2008 aux USA, avant de découvrir les joies de l’anonymat du DTV, échouant dans les mêmes rayons que d’autres « films de Halloween » bien peu mémorables. Après une sortie en Allemagne puis en Angleterre, Trick’r Treat est toujours en attente d’une distribution dans notre beau pays. Dommage pour Michael Dougherty. Dommage aussi pour les spectateurs, privés du plaisir de se payer un parfait film du samedi soir, exécuté de main de maître et au potentiel culte indéniable.