Comment se faire remarquer dès son premier film ? Antonio Trashorras s’est sans doute longuement posé la question quand il s’est agi de porter à l’écran son propre scénario, initialement prévu pour constituer un épisode supplémentaire des Masters of Horror. Le projet était au départ destiné à Guillermo del Toro, et si l’anecdote est intéressante (le réalisateur mexicain n’a finalement jamais apporté sa contribution à l’anthologie créée par Mick Garris), elle permet de douter de l’intérêt réel du script, assez éloigné en l’état de l’univers fantastique et foisonnant du gros barbu.

Scénariste de L’échine du diable et d’Agnosia (sorti récemment chez Wild Side), loin donc d’être un manchot dans le genre, Trashorras a décidé de transformer son moyen-métrage en (pas si) long métrage. Soixante-seize minutes au total, et la durée est pour une fois importante, car rapportée à la minceur du pitch, elle peut faire frémir : El callejon, ou « L’impasse » en français, suit le temps d’une nuit les mésaventures de Lucy, jeune et jolie colombienne qui rêve de gloire et de paillettes télévisuelles tout en maudissant son boulot de femme de ménage. Alors qu’elle rentre un soir chez elle, elle doit se rendre à la laverie pour préparer sa robe, en vue d’une future audition, et se retrouve coincée à l’intérieur… avec un serial killer. Dans une impasse, évidemment. Non, il n’y a pas d’autre intrigue, à part un ou deux courts flash-back. El Callejon est un film-concept étirant son intrigue à l’infini, sans chercher à muscler en amont la présentation de ses personnages.

Le pressing de l’enfer

Lucy (Ana de Armas), une jeune femme de ménage piégée dans une impasse où rôde un tueur…

Pour éviter de tomber trop rapidement en panne sèche, Trashorras ne pouvait compter que sur sa mise en scène : sur un sujet similaire (il suffit de remplacer la laverie par une station-service), John Carpenter n’avait dans Body Bags tenu que vingt minutes déjà longuettes malgré toute sa maîtrise des lieux clos. Du style, El Callejon en a à revendre, et ce dès son générique « flower power », où la craquante et à croquer Ana de Armas (révélation babydollienne du film) se trémousse façon James Bond girl. Éclairages baroques, jeux hitchockiens sur les ombres et les contre-plongées, abus manifeste et déclaré de split-screens, le calvaire en huis-clos nous est conté avec toutes les affèteries esthétiques possibles.

Cette grande récréation rougeoyante a toutefois ses limites, essentiellement narratives : ajouter un personnage inutile à l’affaire (un junkie déambulant comme un zombie dans les parages), jouer le mystère avec une sous-intrigue familiale clignant lourdement de l’œil au Sisters de Brian de Palma, ou surligner chaque rebondissement au marqueur, n’est pas un gage de réussite artistique, aussi ravissante soit l’actrice principale – qui finira, on ne sait trop pourquoi, par enlever son t-shirt pour tromper son bourreau (sic). Et puis, bien sûr, il y a ce twist, inattendu et complètement gratuit, qui fait basculer El Callejon dans le pur film d’horreur assumé, à prendre définitivement au second degré. Ce final gore et sanglant, avec en guise de bonus point, une liquéfaction de premier ordre qu’on jurerait sortie de Street Trash, donne une partie de sa légitimité à ce petit film plutôt idiot mais attachant. Comme un teckel, tiens : toujours à vouloir faire le beau pour nous plaire. Couché, maintenant !


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Trois sur cinq
Blind Alley (El Callejon)
De Antonio Trashorras
2011 / Espagne-Colombie / 76 minutes
Avec Ana de Armas, Leonor Varela, Diego Cadavid
Sortie prochainement
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