Dans le vain espoir de rallumer la flamme d’une relation marquée une fausse couche, Kate et Martin s’isolent dans le cottage de leur jeunesse, un bout d’île au large des côtes écossaises. Pas de bol, ils sont bientôt rejoints par un inconnu, échoué sur le rocher en tenue militaire, qui leur annonce à son réveil qu’il s’appelle Jack qu’il a fui le continent, où se propage un virus mortel… Alors, mythomanie ou horrible vérité ?

Retreat est donc un huis-clos à ciel ouvert, qui a pour lui un casting aussi solide que ses roches escarpées : dans le rôle ingrat du mari falot qui rechigne à prendre ses responsabilités dans l’échec de son couple, Cillian Murphy s’accorde une pause après plusieurs années à jouer les cinglés au regard perçant pour Christopher Nolan ou Wes Craven. Sa femme, une journaliste qui semble prendre son pied à bloguer sur ses malheurs intimes (sic) est interprétée par la toujours aussi cabotine Thandie Newton, qui aime en faire des tonnes à chaque fois qu’elle doit pleurer. Enfin, seul ceux qui auraient dormi dans une caverne pendant dix ans auront une surprise en voyant Jamie Bell interpréter un psychopathe tatoué et musculeux. Celui-qu’on-ne-doit-plus-appeler-Billy-Elliott-mais-Tintin a prouvé qu’il pouvait tout jouer, du résistant bélarusse (Les Insurgés) à l’esclave briton (L’Aigle de la 9e légion) en passant par le teenager dévasté par un complexe d’Œdipe non résolu (Hallam Foe).

Un virus polanskien

Martin (Murphy) et Kate (Newton) ont plutôt raison de s’inquiéter…

C’est plutôt dans ce registre, fragile mais déterminé, touchant mais inquiétant, que l’acteur évolue ici, dans un rôle ravi au nez et à la barbe de David « Doctor Who » Tennant. Dès qu’il apparaît, fiévreux, ensanglanté, désorienté mais déterminé (on saura au bout de l’histoire pourquoi), il fait basculer un pseudo-drame conjugal ampoulé dans le thriller à suspense classique mais efficace. Bien sûr, les paysages sauvages jouent le dépaysement solitaire, le réalisateur Carl Tibbetts ne rechignant pas à souligner la dureté des éléments pour renforcer le sentiment d’isolement qui est au cœur de son histoire. Celle-ci manque en tout cas clairement d’originalité : du cinéma de Polanski à celui de Friedkin, du Couteau dans l’eau à Bug, en passant par La jeune fille et la mort ou le méconnu L’Arme à l’œil avec Donald Sutherland, les thèmes, décors et interactions narratives de Retreat font intégralement dans le déjà vu.

Pour éviter l’écueil du théâtre téléfilmé, le cinéaste aurait pu, aurait dû trouver des moyens visuels de traduire la peur, la paranoïa, la méfiance qui irrigue chacun des trois personnages. Hélas, peut-être intimidé par son brelan de comédiens expérimentés, Tibbetts se repose entièrement, pour sa première réalisation, sur leur jeu. Un peu livrés à eux-mêmes dans un décor étriqué et pauvrement mis en valeur par le vétéran Chris Seager, ces derniers rendent par leur jeu trop appuyé le script partiellement incohérent. Normal, vu que les (nombreux) rebondissements reposent en partie sur les changements d’humeur brusques de l’inconnu, du mari et de son épouse. Retreat ne peut donc compter sur sa subtilité pour convaincre. Heureusement, la vérité sur le mystère de ce virus créé par des militaires fait long feu, et le scénario ménage habilement quelques fausses pistes pour rendre le twist final (enfin, LES twists plutôt) surprenant et satisfaisant, refusant de manière brutale un happy end qui aurait été hors de propos. Sans être au niveau de ses nombreuses et écrasantes références, Retreat fait au final bonne figure, en plus d’accrocher une nouvelle bonne performance d’acteur au tableau de chasse de Tintin… hum… Bell.


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Trois sur cinq
Retreat
De Carl Tibbetts
2011 / Grande-Bretagne / 90 minutes
Avec Cillian Murphy, Jamie Bell, Thandie Newton
Sortie le 17 janvier 2012 en DVD
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