Dans les années 1980, en Grande-Bretagne, deux fléaux marquent à jamais l’histoire des habitants de l’île. D’un côté, la Première ministre Margaret Thatcher cristallise les haines et génère une véritable lutte sociale en étouffant le monde ouvrier et en décimant le prolétariat qui résiste pourtant avec rage et force à ces coups de ciseaux répétés. De l’autre côté, le Sida commence à faire des ravages parmi la population gay, mais pas uniquement. Ce sont ces deux thèmes qu’aborde de front Pride, lauréat de la « Queer Palm » au dernier festival de Cannes et nouveau film du réalisateur britannique Matthew Marchus, disparu des radars depuis le bide de son Sympatico avec Jeff Bridges… en 1999. À priori, pourtant, rien ne semble rassembler des mineurs en pleine grève au fin fond du Pays de Galles et un groupe d’activistes gay et lesbiens, branchés et citadins, qui préparent entre deux défilés revendicateurs la Gay Pride. Sauf, bien sûr, les matraques de la Dame de fer, invisible mais omnipotente, qui frappe sans distinction ces communautés qui revendiquent chacune à leur manière leurs droits dans la rue.
[quote_center] »Pride dégage un esprit festif et convivial. »[/quote_center]
Fort de ce point commun incongru, un groupe de jeunes gens engagé pour la cause homosexuelle se met à récolter des fonds pour aider des travailleurs qu’ils ne connaissent ni d’Eve ni d’Adam. Ils dénichent une mine en grève à l’autre bout du pays qui accepte leur soutien, après un quiproquo cocasse. Embarrassés par leur arrivée tellement inappropriée, dans une culture puritaine et peu ouverte sur le monde, les mineurs accueillent, un peu malgré eux, le groupe de citadins. Ainsi débute un véritable élan de solidarité, sans contrepartie entre deux groupes sociaux que tout oppose, du moins en apparence.
Compagnons de luttes
L’écriture soignée de Pride (basé sur un scénario du comédien de théâtre Stephen Beresford) révèle une galerie de personnages aussi sympathiques que révoltés. Face aux réactionnaires, patrons intransigeants et ouvriers ou femmes d’ouvriers homophobes, des réponses intransigeantes et vindicatives ne tardent pas à se faire entendre. Le groupe d’activistes gays londonien, entraîné par Mark, un leader passionné aux grandes ambitions (émouvant Ben Schnetzer, La voleuse de livres), se compose d’un fidèle lieutenant (Joseph Gilgun, Misfists), d’un petit nouveau qui fait l’école buissonnière (George Mackay, vu dans How I Live Now), ou bien encore d’un mentor glorieusement queer qui fournit le local (le caméléon Dominic West, The Wire).
Autour de la mine en grève, des personnages hauts en couleur les attendent, interprétés par des visages bien connus du cinéma anglais : des leaders syndicalistes expérimentés (Paddy Considine et Bill Nighy), une matriarche engagée et courageuse (Imelda Staunton, connue pour les Harry Potter et les films de Mike Leigh), une femme au foyer qui s’émancipe (Jessica Gunning), un mineur viril désespéré de ne plus pouvoir faire survivre sa famille (Rhodri Meilir). Malgré le choc des cultures attendu, une volonté de combattre les peurs et les préjugés ne tardent pas à les faire s’unir, envers et contre tous, qu’il s’agisse d’organiser un concert de charité avec Jimmy Sommerville ou de braver le froid polaire du pays de Galles pour faire des collectes.
Hymne à la joie
Dans l’exacte lignée de tous les feel good movies venus du Royaume-Unis depuis The Full Monty et les Virtuoses, ainsi que des films sociaux du brillant Ken Loach, Matthew Warchus signe un long-métrage profondément ancré dans l’histoire du militantisme britannique. Servi par un scénario rempli de bons sentiments, le réalisateur appuie sans ménagement sur le levier de l’exubérance et même de la caricature aux traits un tantinet outrés. Les ficelles sont connues et visibles, la manière dont chaque rebondissement dramatique est contrebalancé par une scène de comédie ou d’émotion aussi.
Contre toute attente, malgré cette recette familière et quelques passages presque too much comme cette scène où toute la communauté reprend la larme à l’œil un hymne gallois chanté par une petite fille, la sauce prend, grâce à un mélange harmonieux et de bon goût, et à la générosité sincère d’un casting assez exceptionnel, qui tire le meilleur de rôles parfois un peu trop simplistes, même si l’histoire est en grande partie basée sur des faits réels. Pride dégage un esprit festif et convivial, sans jamais oublier de jouer la carte de l’émotion face aux souffrances réelles rencontrées par ses personnages, confrontés à la déshérence sociale ou à une maladie incurable. Son enthousiasme communicatif, soutenu par une bande-son terriblement « années 80 », apportera une véritable bouffée d’air frais à tous ceux qui se laisseront emporter par la bouillonnante énergie de ce joli conte social.
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Pride
De Matthew Warchus
2014 / Angleterre / 120 minutes
Avec Bill Nighy, Imelda Staunton, Dominic West
Sortie le 17 septembre 2014
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© Nicola Dove