Prospect : un western spatial plein de ressources

par | 14 octobre 2019

À mi-chemin entre la SF à petit budget et le western futuriste, Prospect constitue une belle surprise pour ceux qui cherchent une alternative fouillée aux blockbusters.

L’un des grands plaisirs de la science-fiction, en tant que genre cinématographique, est que contrairement aux idées reçues, vous n’avez pas besoin de 100 millions de dollars pour créer un univers tangible dont on ne pourrait qu’effleurer les contours. Bon, avoir un peu de budget rend toujours les choses plus faciles, mais il suffit de jeter un œil sur des classiques comme Moon ou Her, ou des séries B inspirées comme The Signal, Upgrade ou Coherence, pour saisir tout le charme de ce qu’on appelle généralement la « sci-fi lo-fi ». Dans le cas de Prospect, c’est une esthétique carrément rétro-seventies, revendiquant son côté do-it-yourself, qui caractérise ce premier film du duo Zeek Earl – Christopher Caldwell. Deux réalisateurs qui adaptent ici en long leur premier court-métrage, et qui devraient taper dans l’œil dans pas mal de producteurs pressés de leur donner plus de billets verts.

Prospect ne fait pas que reprendre le look usé, coloré et épuré qui a caractérisé la SF des années 70, de Silent Running à Star Wars. Il en reprend aussi les codes de narration exigeants, nous introduisant par l’image, et non les dialogues, dans le quotidien de Cee (Sophie Thatcher) et son père Damon (le réalisateur Jay Duplass). Pas des héros immaculés ou des gardiens de la galaxie, mais des prolétaires, obligés de louer à crédit leur navette spatiale. Des prospecteurs fauchés, qui dans ce monde futuriste où l’espace est une terre de conquêtes et d’opportunités, doivent se taper le sale boulot et récolter un précieux minerai sur une Lune recouverte d’une jungle tropicale et toxique. Cee rêve de passer à autre chose, mais son père ne démord pas de ses objectifs. Une fois sur place, la petite famille croise le chemin de deux prospecteurs (dont l’un, Ezra, est incarné par Pedro Pascal, qui après Narcos sera en tête d’affiche de The Mandalorian) et va devoir rapidement s’adapter à cette situation tout d’un coup beaucoup plus risquée…

Un univers organique et fascinant

Outre l’univers de SF bricolé avec les moyens du bord – et un sens du look indéniable, qui permet même de donner de la crédibilité à de vulgaire tuyaux d’oxygène en plastique -, Prospect exhale une véritable ambiance de western à l’ancienne. Dans une autre vie, un autre monde, Cee pourrait être l’héroïne de True Grit : une post-ado solitaire et déterminée, dont la boussole morale lui permet d’être plus rationnelle que ses aînés lorsque les plans sur la comète laissent place à une simple lutte pour la survie. Tourné dans la forêt tropicale luxuriante de Hoh dans l’État de Washington, sans fonds verts ni ajouts numériques, Prospect peut s’appuyer sur cet aspect organique, qui crédibilise un univers à la fois poétique et pragmatique, délaissant le gigantisme spatial pour une odyssée plus terre-à-terre.

« Prospect exhale une véritable ambiance de western à l’ancienne. »

Dans un rôle plus théâtral que sa partenaire, Pedro Pascal a tout loisir de faire marcher son charisme. Mais c’est peut-être la jeune Sophie Thatcher, vue dans la série L’Exorciste qui tire le mieux son épingle du jeu. Son arc scénaristique, s’il n’est pas révolutionnaire, permet de passer outre les scories du scénario (un climax assez faible, une ou deux idées pas vraiment logiques ou abouties), et de s’imprégner des règles et bizarreries de ce monde lointain qui nous fascine et nous échappe. Prometteur pour la suite, donc, et enthousiasmant pour qui aime les épopées spatiales à taille humaine.