Ransomed : bromance explosive à Beyrouth

Un diplomate et un chauffeur de taxi tentent un sauvetage risqué dans Ransomed, nouveau film efficace du réalisateur de Kingdom et Hard Day.
Même si cette mode a été de courte durée, le cinéma sud-coréen a semblé un temps être très intéressé par la géopolitique mondiale au point de faire de pays d’autres continents le décor principal de ses histoires. Cet « exotisme politique », puisant dans l’histoire récente du pays, était au cœur de productions comme The Point Men, Bogota city of the lost ou Escape From Mogadishu de Ryoo Seung-wan. Un film censé se dérouler à Mogadiscio donc, mais tourné en réalité au Maroc, comme ce Ransomed sorti en Corée à l’été 2024, dont l’action se passe au Liban et qui marque retour au cinéma de Kim Seong-un. Pas aussi connu chez nous que l’auteur de Battleship Island, le metteur en scène a toutefois ses fans en France, grâce essentiellement à son jouissif polar Hard Day, à la série de zombies Netflix Kingdom et au film catastrophe Tunnel. Si le pays et le contexte changent, il est toujours question ici de sauver et d’évacuer des diplomates sud-coréens piégés dans un pays en guerre.
La diplomatie pied au plancher

Nous sommes en 1987, et le diplomate Lee Min-Ju (Ha Jung-woo, qui était déjà en tête d’affiche de Tunnel) bout d’impatience à l’idée d’être nommé aux USA ou en Europe. À défaut d’avoir la mutation de ses rêves, il se porte volontaire pour partir en pleine guerre civile au Liban négocier la libération de l’ambassadeur Oh Jae-seok, retenu depuis plusieurs années en otage à Beyrouth par une faction rebelle. Cette négociation secrète, à la veille des JO de Séoul, se déroule sous le manteau et à l’abri des regards de la KCIA. Arrivé sur place avec une rançon de plusieurs millions de dollars dans son sac, Min-ju est pourchassé illico par des militaires et des factions adverses. Son seul allié est un chauffeur de taxi un peu louche, un expatrié coréen nommé Kim Pan-su (Ju Ji-hoon, vu notamment… dans Kingdom), qui à la manière de Song Kang-ho dans A Taxi Driver, est cupide et rechigne à aider son client avant de comprendre l’importance de sa mission. Le duo embarque dans une longue poursuite à haut risque pour parvenir à quitter le pays en vie avec Oh Jae-seok…
« Ransomed excelle dans la gestion de ses scènes d’action, au découpage chirurgical et dont la topographie varie constamment. »
Bien que basé sur une histoire vraie – un carton nous indique que l’opération, restée secrète jusqu’au bout, comporte des éléments encore classifiés qui ne seront dévoilés qu’en 2047 -, Ransomed fait partie de ces films, comme Argo, où la réalité historique est tordue dans tous les sens pour assurer un maximum de rebondissements et de courses-poursuites. Il faut surtout laisser la place au développement d’une bromance entre ses deux héros opposés, le guindé Min-ju et le fantasque Pan-su. C’est le moyen le plus sûr pour transformer un thriller politique aux ramifications nébuleuses (notamment le montage financier de la rançon, à cheval entre la Corée du Sud et la Suisse, qui laisse perplexe) en film d’action carburant à une dynamique de buddy movie pas désagréable, mais un peu surannée.
Kim Seong-hun s’appuie sur leur relation mouvementée pour maintenir deux heures durant le rythme d’une aventure qui a pour défaut d’utiliser la guerre civile comme une simple toile de fond synonyme de danger mortel. Bons ou méchants, les Libanais que le duo croise sur sa route sont tous unidimensionnels : le scénario leur assigne une fonction à défaut de leur conférer une personnalité palpable. À cette simplification outrancière s’ajoutent des accès spontanés de patriotisme satisfait qui, en plus de plomber le rythme général, n’ont que peu leur place dans une histoire assez peu glorieuse si l’on prend un peu de recul. Là où Ransomed excelle, au final, reste dans la gestion de ses scènes d’action, au découpage chirurgical et dont la topographie varie constamment. Le climax en particulier fait s’envoler et rebondir voitures et ennemis dans un chaos urbain exploité sous tous les axes, avec une énergie qui ravira les fans de Mission : Impossible et Jason Bourne.