Les trois expositions, dont deux à Paris et une en province, et la multitude d’articles de presse sur le sujet ne vous ont sans doute pas échappé en janvier dernier. Le phénomène Vivian Maier arrivait en France et les amateurs de photographie découvraient avec stupéfaction l’œuvre d’une vie révélée post-mortem. Vivian Maier a vécu dans l’ombre et la pauvreté de sa condition de nounou toute sa vie. Pourtant, elle restait accrochée à son Rolleiflex et ses clichés comptent parmi les plus belles photographies de rues du 20e siècle. Si elle avait cherché à se faire connaître, son talent aurait sans nul doute pu rivaliser avec Diane Arbus, Robert Doisneau ou encore Lisette Model.
La découverte d’un trésor perdu
Un jour de 2007, le jeune John Maloof découvre par hasard des pellicules oubliées. Intrigué, il poursuit sa quête dans un garde-meuble, où il met à jour une véritable caverne d’Ali-Baba. Avec le producteur Charlie Siskel, qui a notamment travaillé avec Michael Moore sur Bowling for Columbine, il se lance dans le documentaire À la recherche de Vivian Maier pour pourquoi pas un jour faire figurer cette artiste maudite dans les livres d’art et les musées.
Cette curieuse enquête à travers l’Amérique des années 30 à nos jours, entre les rues de Chicago et de New York et même d’un petit village dans les Alpes, surprendra à plus d’un titre le spectateur, qu’il soit amateur de photos ou non. John Maloof, l’auteur de cette découverte exceptionnelle et heureux détenteur des droits photographiques, étonne par sa jeunesse et sa curiosité dévorante pour cette inconnue qui a changé sa vie. Pour lui apporter une réhabilitation méritée, même si non souhaitée, le jeune auteur, passionné d’objets anciens et également photographe, collecte des témoignages, rassemble des effets personnels et tisse peu à peu la toile autour de l’existence de Vivian Maier.
L’artiste qui refusait la lumière
Pour percer le mystère de cette femme, la tâche se révèle plutôt ardue. Tout au long de sa vie, Vivian Maier a vécu secrètement, telle une agent secret. Elle vivait de familles en familles, sous des noms d’emprunt et laissant planer le mystère sur ses origines. Appareil photo au poing, elle voyage à travers le monde et réalise des reportages sur des faits divers, comme une véritable journaliste, mais sans jamais montrer ses photos à personne, pas même à ses amis les plus proches. Un lourd traumatisme semble hanter cette vieille fille, sèche et autoritaire, qui plonge en vieillissant dans la paranoïa et la démence. Son quotidien avec les enfants dont elle a la garde se traduit par une chasse ininterrompue au cliché dans les quartiers les plus défavorisés de la ville, d’une manière rapide et quelque peu agressive.
Grâce aux témoignages des familles qui l’ont employé et quelques amies, John Maloof parvient à lever, un peu, le voile sur cette personnalité, dont le côté sombre ressurgit au détour d’un souvenir ému. Petit à petit, Vivian se rapproche de l’enquêteur, qui commence à comprendre son implication sans concessions dans l’art et sa vision si excentrique de la société. Des années après avoir raccroché son appareil, Vivian Maier quitte ce monde, dans un triste dénuement, aussi paradoxal que fût sa vie.
Fixer sa propre existence
L’œuvre de Vivian Maier reste pour l’heure encore dispersée, ses biens ayant été vendus afin de financer des loyers impayés. John Maloof et un autre collectionneur, Jeffrey Goldstein possède plusieurs dizaines de milliers de négatifs, qui ont fait l’objet d’ouvrages et de tirages mis en vente dans différentes expositions. Avec un style personnel très marqué, influencé par une double culture américaine et française, Vivian Maier, l’autodidacte, laisse dans son sillage un témoignage unique et sans concession de l’Amérique de la rue, des marginaux, des riches ou de la classe moyenne, de l’enfant au vieil homme.
[quote_center] »Cette curieuse enquête à travers l’Amérique des années 30 à nos jours, entre les rues de Chicago et de New York et même d’un petit village dans les Alpes, surprendra le spectateur, qu’il soit amateur de photos ou non. »[/quote_center]
Malgré ses aspects dérangeants — un documentaire de contestation de la part de la BBC, des enjeux commerciaux importants pour les détenteurs des droits des tirages – À la recherche de Vivian Maier prend une dimension fascinante et envoûtante. Personne ne parviendra véritablement à percer le mystère de cette grande dame chapeautée aux allures masculines et déterminées, et de son œil incroyable pour le cliché qui marque. Sans lever totalement le mystère, ce film passionnant inscrit, pour la postérité, dans notre mémoire, l’image d’une artiste anonyme hors-norme.
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À la recherche de Vivian Maier (Finding Vivian Maier)
De John Maloof, Charlie Siskel
2013 / USA / 84 minutes
Vivian Maier, John Maloof, Mary Ellen Mark
Sortie le 2 juillet 2014
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La Galerie Des Douches à Paris présente la collection de John Maloof, jusqu’au 26 juillet. Courez-y !
Crédits photos : FVM_African-American Man on Horse NYC_©Vivian Maier_Maloof Collection ; FVM_Man Being Dragged by Cops Night_©Vivian Maier_Maloof Collection ; FVM_SELF-PORTRAIT,ND_©Vivian Maier Collection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York Les Douches La Galerie Paris ; FVM_UNTITLED 1962_©Vivian Maier Collection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York Les Douches La Galerie, Paris ; FVM_UNTITLED, SELF-PORTRAIT,1955_©Vivian MaierCollection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York Les Douches La Galerie, Paris ; FVM_Woman Hat NY Public Library_© Vivian Maier_Maloof Collection.
Un excellent article pour un exceptionnel documentaire à voir pour tous les amoureux de la photographie de rue N/B! merci et Bravo Vivian Maier!