Imaginez l’ambiance d’une école la nuit, quand tous les élèves sont partis et que résonnent seulement les bruits de vos pas dans les couloirs déserts. À Saint-Claire, c’est la nuit que les légendes prennent vie : un modèle anatomique et un squelette en l’occurrence, héros de cet Afterschool Midnighters étonnant dans sa conception comme dans son scénario. Kunstlijk et Goth (ce sont leurs noms), reclus depuis des décennies dans leur antique salle de sciences, sont humiliés et repeints durant la journée par trois fillettes, Mako, Mitsuko et Miko, loin d’être impressionnables. Ivres de vengeance, ils les invitent à une « soirée » très spéciale dans le but de les effrayer, en convoquant tous les fantômes du bahut.

Des lapins pas comme les autres

Mako, Mitsuko et Miko (sic), un trio d’héroïnes kawaï, qui devrait vriller plus d’un tympan.

À partir de là (mais c’était déjà un peu le cas dès le pré-générique, avec son ambiance rétro et sa police de titre à la Mars Attacks), tout part sévèrement en vrille dans le film de Hitochi Takekiyo, réalisateur de courts et de pubs réputé qui fait ici ses premiers pas dans le long-métrage. Il est tantôt question de médailles à gagner en affrontant des boss (qu’on jurerait sortis d’une cinématique de Zelda), de machine à voyager dans le temps, d’un esprit vengeur caché dans les toilettes, d’un ovni… et surtout, surtout, d’un trio de lapins pas commodes, qui comme les pingouins de Madagascar, ont un accent italien et se prénomment respectivement Michael, Sonny et Fredo (sic). Bref, un beau bordel en apparence, pourtant totalement maîtrisé et d’une parfaite logique, en tout cas si l’on reste attentif jusqu’à la dernière minute, l’accumulation de storylines délirantes menaçant parfois de faire exploser le moteur en route.

Il faut dire que l’humour d’Afterschool Midnighters confine souvent à l’hystérie, le fantasque et énervé Kunstlijk étant une véritable pile sur pattes à la source de multiples gags burlesques (ses yeux n’arrêtent pas de tomber, son corps regorge de gadgets secrets aux conséquences douloureuses). Ambivalent, pathétique et attachant, il acquiert une vraie dimension tragique dans une scène cauchemardesque d’entrepôt de mannequins, où il contemple des « congénères » réduits des morceaux. Ce personnage unique en son genre et influencé selon le réalisateur par Mr. Bean, était le héros du court-métrage dont le film est la prolongation thématique. Malheureusement, il doit partager la vedette avec les fillettes susmentionnées, sortes de Mii à peine mieux animés, dont les mimiques kawaï et les cris stridents menacent à chaque seconde de faire bouillir le sang de vos conduits auditifs.

Entre tradition et modernité

Kunstlijk (dur !) dégaine son… « soul bazooka » ! … Ok, pourquoi pas.

Techniquement, si le film ne possède de l’aveu même de ses concepteurs le budget d’un Pixar, il réussit à concocter une animation parfois impressionnante, mixant techniques 2D et 3D pour créer une véritable ambiance de train fantôme à l’ancienne. Encore une fois, seul notre trio de « Powerpuff girls » nippones dénote dans ce cadre idéalement coloré, leurs contours étant bien plus grossièrement définis que ceux de Kunstlijk et Goth – qui auraient dû être les vrais points d’ancrage de cet Ovni azimuté au rythme frénétique.


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Trois sur cinq
Afterschool Midnighters
De Hitochi Takekiyo
2012 / Japon / 100 minutes
Sortie le 30 octobre 2013
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