Répétition générale : de gentils losers sur les planches
Faux documentaire moquant affectueusement le monde du théâtre amateur, Répétition générale est une comédie attachante, mais inégale.
C’est l’une des comédies qui ont marqué la dernière édition du festival américain de Sundance – où les droits du film ont été acquis pour 8 millions de dollars par Searchlight Pictures, propriété de Disney. Adaptation au format long du court-métrage Theater Camp réalisé en pleine pandémie, Répétition générale met en boîte les travers, exubérances et particularismes irritants ou désarmants (tout dépend si vous êtes habitué des planches ou non) du monde du théâtre amateur. Réalisé, comme le court, par la comédienne Molly Gordon et Nick Lieberman, co-scénarisé avec le comédien Ben Platt (Dear Evan Hensen), le film prend pour cible un univers encore plus « niche » culturellement parlant : les colonies théâtrales d’été, sorte de camp de vacances pour enfants pas très populaires à l’école… avec des profs à peine plus adultes à la carrière, disons-le poliment proche de l’impasse artistique.
Au théâtre cet été
Platt et Gordon incarnent dans Répétition générale Amos et Rebecca-Diane (ce prénom !), un inséparable duo de conseillers artistiques et comédiens ratés au camp « AdirondActs », où les attendent comme chaque été des dizaines d’enfants plus enthousiastes à l’idée de chanter, jouer et danser jusqu’à en perdre la voix. Deux artistes perchés, mais passionnés, dont la raison d’être vacille le jour où la boss des lieux, Joan (Amy Sedaris) tombe dans le coma et doit être remplacée par son idiot de fils Troy (inénarrable Jimmy Tatro, American Vandal), un wannabe influenceur naïf et totalement étranger au monde du théâtre. Tandis qu’Amos et Rebecca-Diane préparent dans le plus grand chaos l’écriture d’une pièce dédiée à Joan, Troy est, en plus de son incompétence criante, confronté à un problème massif : la compagnie est secrètement ruinée, et les éducateurs lunaires qui peuplent les lieux ne vont pas lui être d’un grand secours…
« Répétition générale est une lettre d’amour aux enseignants de théâtre. »
Adoptant, de manière pas très convaincante, le format cache-misère du faux documentaire, Répétition générale est une lettre d’amour aux enseignants de théâtre et à ceux qui sont prêts à tout, y compris braver le ridicule, pour laisser cours à leur imaginaire et vibrer sur les planches. Le film leur est d’ailleurs dédié, ce qui en dit long sur le rapport amour vachard / haine relative qu’entretiennent Gordon, Platt et Lieberman avec cet univers. Car Répétition générale ne lésine pas, pour nous faire rire, sur les personnages de profs ridicules, incompétents (Ayo « The Bear » Edebiri passe une tête en chômeuse mentant sur son CV pour enseigner n’importe quoi aux élèves) ou nostalgiques d’une gloire jamais venue. Ils sont nombreux, trop peut-être pour que chacun soit correctement développé, le scénario s’attardant surtout sur l’intrigue de l’école en péril et des micro-scènes comiques montées à la hache et pas toujours fulgurantes.
Heureusement, Répétition générale relève la tête et élargit nos zygomatiques dans son final, quand après moult rebondissements, notre (irritant) duo platonique assiste à la représentation de leur spectacle « Still, Joan ». Vingt minutes de numéros musicaux bricolés, énergiques et inventifs, qui portent un message d’acceptation – le vrai message du film, au-delà de sa dimension comique brinquebalante. Si cette colonie farfelue est aussi importante pour eux, c’est parce qu’elle accepte chacun de ces jeunots avec toutes leurs différences, leur excentricité et leur singularité : « Cela ressemble à notre vraie maison ». Une note touchante et inattendue pour un film malgré tout anecdotique dans sa forme et au rythme très inégal.