Peu de projets de remakes font autant frissonner de peur les cinéphiles que Robocop. Tout comme Conan, New York 1997 ou Evil Dead, le chef d’œuvre visionnaire et ultra-violent de Paul Verhoeven est l’un des jalons essentiels du cinéma de genre américain des années 80. [quote_right] »Plutôt que d’être torturé et amnésique, il renoue directement le contact avec sa femme et son fils. » [/quote_right]Mais c’est aussi, et c’est essentiel à comprendre, une franchise reconnaissable entre mille, ayant généré deux séquelles (dont l’une, reniée par presque tous ses participants, est à effacer de notre mémoire), des dizaines de comic-books et de jeux vidéo, un juteux merchandising basé autour de notre cher Alex Murphy et de son armure gris métallisée imaginée par ce génie maudit de Rob Bottin, et même une statue à son effigie, financée par les habitants de Detroit ! Comme Batman & Robin l’avait fait pour le justicier masqué, le Robocop 3 de Fred Dekker a plus ou moins signé l’arrêt de mort de ses aventures cinématographiques, et il est finalement étonnant qu’un reboot de la série en bonne et due forme n’ait pas vu le jour plus tôt.

De la charge anti-fasciste à l’actioner aseptisé

Robocop

Columbia Pictures, qui s’est emparé des droits du personnage après qu’un premier projet de remake piloté par Darren Aronfoski ait pris l’eau, a malgré tout fort à faire pour convaincre le public de l’utilité et de la pertinence d’un nouveau Robocop. Les quolibets ont entouré la production dès la publication des premiers clichés de Joel Kinnaman (The Killing, Easy Money) dans son armure new look, qui s’éloigne drastiquement du design de 1987. Malgré le choix, pourtant judicieux, d’engager le brésilien José Padilha (Troupes d’élite et sa suite) pour réaliser la chose, et l’arrivée à bord d’un casting secondaire prestigieux (Gary Oldman, Samuel Jackson et ce bon vieux Michael Keaton), rien n’y fait. De la visière très K-2000 au remplacement de la voiture de Murphy par une moto, en passant par la « modernisation » de l’indémodable ED-209 et la décision de rechercher un classement PG-13 (exit donc les débordements sanguinolents qui sont la raison d’être du discours anti-fasciste de Verhoeven), chaque info filtrant dans la presse est accueillie avec une extrême froideur. La décision de repousser la sortie du film de presque une année, de l’été 2013 à février 2014, finit de faire rentrer Robocop dans la case « échec annoncé ».

Avec la mise en ligne du premier trailer officiel, projeté en juillet dernier au Comic Con, les choses s’éclaircissent une fois pour toutes : non, le film de José Padilha ne risque pas de faire de l’ombre au classique du Hollandais violent. Comme avec le nouveau Total Recall, on sent ici que toute aspérité a été gommée pour livrer un actioner aseptisé, qui surfe clairement sur le succès d’Iron Man pour attirer un cœur de cible (les 12-18 ans), qui rappelons-le n’était même pas né lors de la sortie du premier Robocop. Plutôt que de subir un martyre christique, Murphy atterrit sur la table d’OmniCorp après l’explosion de sa voiture – sic. Plutôt que d’être torturé et amnésique (c’était l’un des aspects tragiques essentiels du personnage), il renoue directement le contact avec sa femme et son fils. La critique féroce du capitalisme dévorant physiquement chaque strate sociale de la société passe à la trappe au profit d’un discours brumeux sur la déshumanisation des conflits militaires, Robocop et l’ED-209 (qui apparaît le temps d’un plan fugace) étant apparemment envoyés sur des théâtres de conflit pour faire régner l’ordre.Robocop

Bref, on est à l’opposé de l’essence du personnage « 50 % homme, 50 % robot, et 100 % flic » qui était entré dans nos mémoires, et véritablement dans une grosse production – 100 millions de dollars tout de même – aux enjeux simplifiés, qui s’est montée uniquement autour d’un nom, d’un concept débarrassé de tout son héritage et de sa puissance mythologique. Quelques répliques cultes et l’apparition de la première armure (Murphy vire ensuite… au noir) ont été glissées là en guise de fan service, au sein d’une bande-annonce qui n’aurait par ailleurs rien eu de scandaleuse, ni de remarquable, si son titre n’était pas… Robocop.