Sentinelle : Jonathan Cohen, tube idiot de l’été
Exploitant avec sérieux un concept crétin, Sentinelle donne à Jonathan Cohen l’occasion d’inventer un personnage comique brillant.
Malgré le palmarès désolant de Prime Video en matière de comédies françaises inédites en salles (revoir Brutus vs César et mourir), l’arrivée de Sentinelle, comédie portée par le plus populaire que jamais Jonathan Cohen, avait de quoi faire remonter notre niveau d’enthousiasme. Réalisé par le duo Hugo Benamozig/David Caviglioli, précédemment aux manettes du sympathique et inégal Terrible Jungle — où Cohen se faisait déjà remarquer —, Sentinelle troque la Guyane de leur précédent essai contre un autre territoire d’outre-mer, l’île de La Réunion. Un paradis terrestre où sévit le flic François Sentinelle, un avatar raté de Sonny Crockett avec option coupe mulet décoloré et Jeep Defender jaune en guise de signature. Le concept idiot, mais brillant du film, c’est d’imaginer que ce policier aussi incapable et froussard qu’égocentrique mène en parallèle une carrière tout aussi pitoyable… de chanteur de charme. Autant dire que le rôle a de quoi rassasier la bête de comédie qu’est devenu ces dernières années l’ami Cohen.
Un badge, un micro, zéro crédibilité
Sentinelle, donc, a du pain sur la planche, puisqu’il doit à la fois préparer la sortie de son neuvième album, qui tente de faire oublier son premier et unique succès réunionnais « Le Kiki » — un tube qui ferait même rougir Francky Vincent —, et enquêter sur le kidnapping du mari de la présidente locale (Emmanuelle Bercot, sans limites). Entouré d’une équipe d’imbéciles heureux, le crooner raté n’a pas la tête de l’emploi ni la tête à résoudre l’affaire, mais peut compter sur son nouvel adjoint Rémi Morrisset (Raphaël Quenard, dans un contre-emploi sérieux parfaitement complémentaire avec Cohen), sans doute le seul officier de police compétent du coin, pour le maintenir sur les rails…
« Dommage que l’ensemble ait visuellement le look
d’un téléfilm estival de TF1. »
Avec son décor pour le moins exotique et d’ailleurs peu croisé au cinéma, son personnage aussi unique qu’improbable, son pari osé de marier comédie crétine cracra et tendance à la violence graphique, Sentinelle cumule des particularités qui le distinguent immédiatement de la masse. Inspirés par la méthode des films de Will Ferrell (de Very Bad Cops aux Rois du Patin), spécialiste des concepts cons malgré tout essorés avec sérieux et jusqu’à la dernière goutte, les réalisateurs ont concocté un divertissement qui parvient à faire croire à son univers surréaliste, tout en ménageant assez d’espace pour laisser s’ébrouer le talent de Cohen. L’acteur en fait souvent trop, bien sûr, et sa puissance comique serait plus impressionnante si elle était maîtrisée au montage — ses scènes en mode impro avec Ramzy Bédia, pas les moments les plus inspirés, auraient pu être rabotées. Mais quand il fait mouche, Sentinelle est hilarant, d’une incorrection jouissive, l’absurde ne quittant jamais son viseur, même pendant ses quelques scènes d’action. Dommage que l’ensemble ait visuellement le look d’un téléfilm estival de TF1, avec sa photo fadasse et ses vues par drone de La Réunion en guise de production value. Le résultat n’est pas honteux, mais le crooner décoloré fan de fusil à pompe auquel Cohen donne vie méritait sans doute un plus bel écrin.