The Signal : science-fiction en vase clos
The Signal a une réputation de petit bijou de SF à petit budget et grandes idées. Reste à savoir si le résultat est à la hauteur de nos espérances…
Évoqué l’an dernier dans notre dossier spécial SF lo-fi, The Signal a fini par sortir logiquement chez nous directement en vidéo. Logiquement, car malgré ses qualités visuelles, le film reste un petit budget (4 millions de dollars, l’équivalent d’une petite production Blumhouse) au concept et aux choix narratifs difficiles à vendre au grand public. William Eubank, son réalisateur, n’est pas un débutant dans le genre : directeur de la photo à l’origine, il est passé derrière la caméra en démontrant de sacrées dispositions pour le système D. C’était à l’occasion de Love (Space Time pour son exploitation française), trip musical et spatial assez bancal, mais réalisé dans des conditions de bricolage qui forçaient l’admiration – en résumé, Eubank a tourné une bonne partie d’un film se déroulant dans l’espace… dans son jardin.
Le cinéaste est passé dans tous les sens du terme à la vitesse supérieure avec The Signal, un film de science-fiction maquillé en drame indé, qui épluche un par un les thèmes les plus en vogue du genre, en prenant à chaque fois le contre-pied de ce que le spectateur attend. Simili-found footage, film de contagion, de complot, huis clos puis course contre la montre… À chaque virage pris, The Signal parvient à étonner, à rajouter une couche de mystère. Mais cette progression mathématique, qui rend le projet assez fascinant, le rend aussi très cérébral, débarrassé de toute émotion qui pourrait en faire un titre attachant.
Les secrets du labo
Débutant un peu dans le même esprit que Wolf Creek, The Signal nous emmène en voyage dans le sud des États-Unis, aux côtés de Nick (Brendon Thwaites, vu dans The Giver), petit génie de l’informatique et du piratage handicapé des jambes. Nick est obsédé par un hacker rival, Nomad, qu’il cherche à débusquer lors d’un road trip avec l’aide de son ami Jonah (Beau Knapp, No one lives) et de sa petite amie Haley (Olivia Cooke, Ouija). Tendre et chaleureuse, cette introduction au parfum doux-amer laisse bientôt place à une ambiance plus inquiétante, lorsque le trio, qui a capté un signal de Nomad et trouvé sa source, se retrouve à investir une maison abandonnée en pleine nuit. Nick et Jonah ont dépassé sans le savoir une limite qu’ils n’auraient pas dû franchir…
« Consternant ou audacieux, selon les sensibilités, le twist final montre qu’Eubank ne recule devant rien pour surprendre son audience. »
En dire plus gâcherait une bonne partie de l’intérêt de The Signal, qui tourne tout entier autour de l’agencement de ses révélations. Une fois que les trois personnages principaux sont séparés et emmenés vers une mystérieuse destination, et qu’ils rencontrent Laurence Fishburne en costume de scientifique, le film devient volontairement statique. Prisonnier d’un dédale de couloirs blanchâtres rappelant la sécheresse des décors de THX 1138, Nick est persuadé de connaître la vérité sur ce qui se passe autour de lui. Bien entendu, il n’en est rien, mais Eubank prend pas mal son temps pour en arriver au fait, et fait tourner autant en rond ses héros déboussolés que le spectateur, pris d’une furieuse envie que quelque chose, n’importe quoi se passe, pour que l’action avance enfin au-delà des scènes de dialogues abscons entre Fishburne, plus impassible que jamais, et le jeune Thwaites, pas le meilleur acteur du monde soit dit en passant.
Attention à la chute
Sans rentrer dans le détail, le troisième acte de The Signal est celui d’où les distributeurs tirent la majeure partie de leurs images de promotion. De façon assez arbitraire, le film passe en effet d’une phase d’introspection majeure à des scènes de cascades et de pure destruction, avec des personnages qui apparaissent et disparaissent sans que tout cela ne fasse vraiment sens. Paradoxalement, c’est aussi dans ces moments que la réalisation d’Eubank se montre la plus spectaculaire, avec un sens du cadre et une photo qui exploitent au mieux les décors désertiques d’Albuquerque. Et ça, c’est avant que le film dégaine son twist final, son basculement définitif dans La quatrième dimension, dont le réalisateur revendique l’influence.
Bien sûr, il serait criminel de révéler ici ce retournement de situation, que n’aurait pas renié M. Night Shyamalan. Consternant ou audacieux, selon les sensibilités, il montre en tout cas qu’Eubank ne recule devant rien pour surprendre son audience – même si honnêtement, il est possible de griller ce dernier rebondissement avant les derniers plans. De The Signal, on peut retenir des images marquantes, une atmosphère originale et une sorte de discours ludique sur l’émancipation, bridée par les adultes, d’une jeunesse trop effrayante pour eux. En cherchant loin. Car les personnages ici sont moins incarnés que manipulés par un scénario qui passe trop de temps à calculer ses effets pour les rendre intéressants ou même crédibles. Patience, en tout cas, car l’ingénieux Eubank a indéniablement du potentiel…