Sélectionné à l’Oscar du meilleur film d’animation, Les Nouveaux Héros, des réalisateurs Don Hall (Winnie l’ourson) et Chris Williams (Volt, star malgré lui), présente de multiples atouts novateurs. Fruit du rachat du studio Marvel (donc restez jusqu’à la fin) par Disney, il s’agit d’une adaptation du comics Big Hero 6. Disney, par le biais de Pixar, avait déjà fait une mémorable incursion dans le monde des super-héros avec les Indestructibles. En l’occurrence, l’intention diffère du tout au tout. Pour ce long-métrage, le studio aux grandes oreilles, à grand renfort de références et de mélange des genre, lorgne vers le marché japonais, qu’il juge peut-être orphelin en matière d’animation depuis que le studio Ghibli a annoncé la fin de sa production cinéma.

Soleil Levant sur la Silicon Valley

Les Nouveaux Héros : born to be love

Les Nouveaux Héros se déroule dans une ville fictive appelée San Fransokyo, une cité américaine reconstruite par les Japonais et dont l’architecture et la technologie entremêlent les deux cultures. Avec un sens du détail saisissant, le film offre une visite guidée de cette ville futuriste où Nippons et Yankees cohabitent pacifiquement. À 13 ans, Hiro Hamada, un petit génie, vit chez sa tante avec son frère, sans trop d’ambition dans la vie. Il tue le temps en participant à des combats de robots, qui lui rapportent quelques ennuis, puisque cette activité reste totalement illégale.

[quote_center] »L’aventure initiée dans Les Nouveaux Héros ne manque pas de profondeur, mais cruellement de charisme. »[/quote_center]

Le jour où son frère, chercheur à l’université locale, lui fait découvrir son laboratoire, ses collègues, son mentor et aussi sa création, Baymax, une énorme baudruche en plastique grinçant dotée de la faculté de soigner les personnes, Hiro trouve enfin un sens à sa vie. Cette université jeune et ludique rappelle l’esprit « geek » de la série HBO Silicon Valley, siège des multinationales millionnaires, comme Apple ou Facebook, où la guerre des cerveaux exploite des centaines d’aspirants, tous à la recherche de « LA » bonne idée qui fera d’eux les futurs Steve Jobs.

Ses protagonistes, en revanche, baignés dans la culture japonaise adoptent des coupes mangas et des tenues décontractées et colorées empruntées à la jeunesse nippone, mais interchangeables. Les personnages secondaires, certes un peu effacés, satisferont les besoins d’identification des mômes du monde entier. Dans la troupe d’intellos branchés qui côtoie Hiro, se trouve une bimbo casse-coups, une myope fantaisiste, un grand musculeux et un fan de manga amateur d’herbe. Même la tante du jeune homme et ses assauts de tendresse à base de câlins et de plats très épicés, ressemble à une version plus jeune de Martha Kent.

Nerds contre le mal

Les Nouveaux Héros : born to be love

Surfant sur la vague actuelle, selon Disney, ces Nouveaux Héros seront donc geeks ou ne seront pas. Encore faudrait-il que l’aventure en vaille la chandelle. Celle-ci est bâtie comme une longue montée en puissance selon la vieille recette du film de super-héros à savoir : mise en situation, tragédie, transformation héroïque (QG secret, costume, armes, constitution de l’équipe, etc.), affrontement final et résolution. L’aventure initiée dans Les Nouveaux Héros ne manque pas de profondeur, mais cruellement de charisme et d’originalité.

Si l’humour et les rebondissements édulcorés toucheront sans nul doute les enfants, les adultes, eux, resteront sur leur faim. Après tout, l’avalanche de films de super-héros actuelle au cinéma comme The Avengers ou Iron Man devait sembler un peu trop violente pour les plus jeunes, qui méritent aussi d’en avoir pour leur argent (Disney a vu juste de ce côté-là : le film est un carton international, avec 500 millions de dollars de recettes).

La subtilité du colosse

Les Nouveaux Héros : born to be love

La force universelle des Nouveaux Héros réside dans sa réflexion sur le deuil et la perte. Les rapports entre le jeune garçon et le robot Baymax fonctionnent particulièrement bien et parviennent à créer l’émotion. Ce robot infirmier incroyablement encombrant suscite une empathie et dégage une véritable relation humain-androïde comparable à A. I. Le fait qu’au départ, le frère d’Hiro l’ait conçu pour soigner et non pour combattre s’avère très pertinent. La transformation de cet outil redoutablement intelligent, capable de soulager les blessures physiques, en une entité douée de compassion apte aussi à guérir les blessures morales, souligne une volonté de s’éloigner des archétypes des super-héros violents actuels.

Résolument tourné vers un public d’enfants, Les Nouveaux Héros attire surtout pour sa capacité onirique à créer l’émotion. En revanche, la multitude de clichés et de sentiments de déjà-vu, pour tout ce qui touche à la contre-culture, apparaît aussi envahissante que Baymax dans un magasin de porcelaine. Si mutualiser son immense réservoir de talents dont il dispose avec son studio historique, Pixar et Marvel (et LucasFilms !) s’avère une bonne option, Disney fait aussi preuve, comme souvent, d’un manque criant de créativité et de goût pour l’innovation.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]

Troissurcinq
Les Nouveaux Héros (Big Hero 6)
De Don Hall et Chris Williams (II)
2015 / USA / 102 minutes
Avec Scott Adsit, Ryan Potter, Daniel Henney
Sortie le 11 février 2015
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Crédits photos : © The Walt Disney Company France