The Dark Valley : coups de feu dans le Tyrol
Après le Danemark avec The Salvation, c’est au tour de l’Autriche de s’essayer au western, avec ce Dark Valley qui fait beaucoup penser à Clint Eastwood…
La sortie récente du Danois The Salvation nous a permis de souligner non sans plaisir l’universalité du genre western, toujours annoncé comme mort et enterré, mais dont les codes et l’imagerie ressortent régulièrement du placard, pour le plus grand bonheur des amateurs de Winchester. La carabine préférée d’Anthony Mann joue d’ailleurs un rôle central dans The Dark Valley, western aussi européen que The Salvation, mais encore plus exotique puisqu’il s’agit d’une production austro-allemande, tournée dans les montagnes impénétrables du Tyrol. C’est dans cette contrée immaculée et hors du temps que se déroule l’histoire de Greider, un solitaire qui a fait le voyage inverse de la plupart des personnages du genre : l’homme a voyagé depuis l’Amérique vers l’Europe pour atterrir dans cette sombre vallée où personne n’aime les inconnus.
L’homme des hautes montagnes
Cela vous rappelle des films de Sergio Leone ou plus particulièrement Clint Eastwood ? Soyez rassurés, alors, car The Dark Valley, sur papier comme à l’écran, évoque plus d’une fois des classiques comme L’homme des hautes plaines. Dès l’instant où débute le film, alors que Greider et sa monture franchissent le col qui les amène dans un village reculé, le spectateur averti sait que le but de notre laconique et peu souriant héros n’est pas de propager un message de paix, mais d’assouvir un mystérieux besoin de revanche. Greider masque toutefois dans un premier temps ses intentions, en se faisant passer pour un photographe passionné par la région. Un prétexte plutôt efficace dans une contrée qui n’a encore jamais utilisé d’appareil de ce genre. Le clan régnant sur cette vallée reculée, les Brenner père et fils, voit toutefois d’un mauvais œil la présence de cet étranger. Et ils ont plutôt raison de faire la grimace, car Greider a aussi amené dans sa sacoche un petit prodige de technologie moderne qui va faire la différence : une Winchester 73 prête à l’emploi.
« Les plaisirs manichéens de ce western esthétiquement solide
parleront à tous les amateurs du genre. »
S’il est une qualité dont The Dark Valley, officiellement sélectionné pour représenter l’Autriche aux Oscars, ne peut se prévaloir, c’est donc son originalité. En étirant sur presque 2 heures un scénario dont on devine très tôt les tenants et les aboutissants (il suffit de se souvenir du cruel prologue en flash-back pour comprendre les motivations de Greider), le metteur en scène Andreas Prochaska, ancien monteur sur les films de Haneke, puis réalisateur de deux slashers toujours inédits en France, Trois jours à vivre 1 et 2, teste un tantinet notre patience. Se voulant film d’atmosphère, Das finstere tal (titre original) pâtit au final de ce côté un peu précieux, trop apprêté et disons-le tout net, poussiéreux aux entournures, qui contraste avec l’originalité d’un décor en tous points ensorcelant.
Revanches familiales
Peu de films se sont aventurés dans ces contrées aussi verdoyantes qu’escarpées, et d’autant moins au XIXe siècle. Prochaska exploite avec un soin visible ce panorama aussi sauvage qu’impénétrable, plongé à mi-parcours sous un épais manteau de neige qui rappellera de bons souvenirs aux fans du Grand Silence. Il réussit en outre à dépeindre avec un certain réalisme une communauté paysanne bigote soumise à un patriarche vieillissant et à des coutumes dignes du Moyen-Âge, secouée mais pas stigmatisée par un Greider clairement moins misanthrope sur ce plan que le justicier sans nom joué par Eastwood en 1973.
Quand les masques tombent à mi-parcours et que la guerre est déclarée entre Greider et les frères Brenner, tous aussi patibulaires et mémorables les uns que les autres, The Dark Valley montre de solides arguments dans la gestion du suspense et d’un spectacle peu avare en sang. Incarné (en allemand) par le magnétique Sam Riley, acteur anglais révélé par Control, et vu dernièrement dans Maléfique et Byzantium, Greider aurait pu à une autre époque constituer un rôle en or pour un jeune Charles Bronson. Décanillant sans sourciller les méchants, le « héros » de The Dark Valley est du genre dévoué jusqu’au fanatisme à sa cause, quand bien même cette revanche n’est pas le résultat d’un traumatisme si crédible que cela (impossible d’en dire plus sans déflorer le maigre twist du film). Qu’importe : les plaisirs assez manichéens de ce western esthétiquement solide parleront à tous les amateurs du genre, qui ne pardonneront par contre pas, sans aucun doute, la présence d’horribles et anachroniques chansons pop au début et à la fin du long-métrage.