The Education of Fredrick Fitzell : prisonniers du temps
Dylan O’Brien est perdu, et nous aussi, entre différents niveaux de réalité et de souvenirs dans ce thriller lourdingue.
Après la bonne impression laissée par le chouette post-apo Love and Monsters sur Netflix, il nous tardait de découvrir sur Prime le nouveau film fantastique porté par Dylan O’Brien, acteur bien plus charismatique et intéressant à suivre que la plupart des bellâtres au physique éternellement juvénile ayant explosé grâce aux dystopies pour ados, cinématographiques ou télévisuelles (dans son cas, la trilogie Le Labyrinthe). Réalisé par Christopher McBride, Flashback – pompeusement retitré The Education of Fredrick Fitzell en France -, fait partie de ces films-puzzle qui veulent nous faire douter de la réalité qui nous entoure en même temps que son héros, catapulté dans son propre passé pour lever le voile sur une disparition mystérieuse. Chassant aussi bien sur les terres du Christopher Nolan de Memento et Inception, que d’Eternal Sunshine of the spotless mind et Brick, Flashback est une œuvre sous influence(s) qui fascine un temps… avant de s’effondrer sur elle-même.
Le temps, une réalité toute relative
Fred (Dylan O’Brien, donc) est un informaticien trentenaire qui réalise pas à pas le rêve de tout cadre blanc occidental, à savoir s’installer avec sa jolie femme Karen (Hannah Gross) dans un appartement luxueux, décrocher un job juteux dans le marketing et faire des enfants. Fred n’est pourtant pas heureux et vit mal l’hospitalisation de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Des flashes de son passé l’assaillent et prennent plus d’ampleur lorsqu’il retombe sur un ami d’enfance, un petit voyou nommé Sebastian (Emory Cohen, vu dans Detour et Brooklyn). Fred se remémore les soirées où ils ont expérimenté une puissante drogue, la Mercury, en compagnie d’une fille blonde, Cindy (Maika « It Follows » Monroe, évanescente à bon escient), qui a disparu brutalement de leur vie, sans explication. Fred l’avait oublié. Où est-elle ? Qu’est-il arrivé ? Le jeune homme va devoir trouver des réponses dans l’exploration de son passé, qui ressemble de plus en plus à une réalité alternative…
« Le Matthew McConaughey de True Detective pourrait débarquer en voix off et parler de « time is a flat circle » ! »
Typiquement le genre de projet qui donne son maximum pour vous happer dans son univers sans avoir pour autant les armes pour récompenser votre attention, Flashback déroule dans sa première demi-heure une histoire intrigante, suggérant que les obsessions tenaces qui font vaciller l’existence de Fred résultent d’un black-out massif dû à une drogue expérimentale. Enquêter sur son passé en se projetant littéralement dans ses souvenirs, tout en brodant une ambiance de film noir post-adolescent, est un prétexte narratif idéal pour tester tous les artifices de mise en scène possibles. Et de ce côté-là, Christopher McBride lâche effectivement les chevaux : il triture les vitesses de défilement, nous bombarde d’images psychédéliques, superpose visages et décors à la moindre occasion et fait tourner la caméra sur elle-même à peu près aussi vite que votre cerveau à la fin d’une soirée arrosée. Le film ne se repose jamais : au contraire, il amplifie notre sentiment de perdition à mesure que Fred pense résoudre le mystère Cindy. La blonde vaporeuse existe-t-elle vraiment ? Est-elle coincée dans une faille temporelle ? Dans un autre parcours de vie ? Flashback ose construire dans son dernier tiers une forme d’explication intenable (les différentes existences possibles du héros pourraient se dérouler simultanément), quittant toute réalité tangible pour empiler des fins successives déroutantes. Le Matthew McConaughey de True Detective pourrait débarquer en voix off et parler de « time is a flat circle » ! Flashback se termine dans la confusion la plus totale en justifiant ses premières images, sans que l’on soit plus avancé ou satisfait sur le sens de ce qu’on vient de voir. Grandes idées, exécution ratée.