The Order : aux racines du néonazisme

par | 6 mars 2025 | À LA UNE, Critiques, PRIME VIDEO

The Order : aux racines du néonazisme

Jude Law s’attaque à une milice suprémaciste de l’Idaho menée par Nicolas Hoult, dans l’alarmant The Order, polar inspiré de faits tristement réels.

S’il paraissait déjà d’actualité lors de sa présentation au festival de Venise en septembre 2024 (où le film était en compétition officielle), The Order prend une résonance encore plus sinistre dans notre monde de 2025, propulsé dans une deuxième ère trumpiste cryptofasciste et alors que l’extrême-droite connaît même le succès en Allemagne. S’il garde les atours d’un thriller classique et divertissant, tout en se refusant à se montrer trop aimable, le nouveau long-métrage de Justin Kurzel (Les crimes de Snowtown, Nitram, Le gang Kelly, bref un obsédé du film de genre intense) ne peut être appréhendé autrement que comme un cri d’alarme. L’action a beau se passer dans les années 80 au fin fond de l’Amérique rurale, The Order prend la peine de rappeler – si besoin était – que les faits réels qu’il dépeint, en l’occurrence la montée en puissance d’un mouvement factieux, ne sont pas cantonnés au passé, et se traduisent aujourd’hui par des actions aussi graves que l’invasion du Capitole de 2021.

La loi et le désordre

The Order : aux racines du néonazisme

The Order, c’est le nom d’une véritable organisation terroriste néonazie, qui a sévi au début des années 80 dans l’Idaho en particulier. Un vaste État rural aux paysages aussi sauvages que splendides – même si le film les « recrée » en fait au Canada tout proche – aux allures d’Eden perdu. En tout cas pour des nationalistes blancs comme Bob Matthews (Nicholas Hoult, parfaitement menaçant et angélique), qui veut faire sécession avec son groupuscule de nazillons « classique » et passer à l’action. Braquages de banque, fabrication de fausse monnaie, achat d’armes, assassinats antisémites : les méfaits de son mouvement attirent inévitablement l’attention du FBI, personnifié par Terry Husk (Jude Law, à qui le mode « buriné à moustache » sied très bien). Un vétéran un peu sur la touche, affûtée, mais pas infaillible, qui en débarquant dans le coin se fait un allié précieux avec l’adjoint au shérif Jamie Bowen (Tye Sheridan, qui ne vieillit décidément pas). L’enquête du FBI met peu à peu le duo sur la piste de l’Ordre, qui multiplie les opérations de plus en plus risquées et mortelles, destinées à financer un véritable coup d’État…

« The Order assure aussi dans sa reconstitution d’une époque pas si lointaine, où la menace néonazie était sérieuse, mais peut-être pas aussi inquiétante qu’aujourd’hui. »

À l’instar des meilleurs représentants du film policier américain, The Order ne tarde pas à mettre sur pied l’opposition, teintée d’ambiguïté, entre un criminel charismatique et un enquêteur ayant abandonné tout rêve de vie privée (qui parle de sa famille comme si elle allait finir par le rejoindre). Les deux faces d’une même société maladivement violente, patriarcale (ce n’est pas un hasard si les personnages féminins s’y voient autant relégués au second plan), que Kurzel met littéralement en scène lors d’une scène de chasse « mannienne ». Entre l’officier bourru et le leader sociopathe, un jeu du chat et de la souris se met en place à mesure que les victimes sont déterrées, que les langues se délient et que les indics sont retournés pour la bonne cause. Une véritable intrigue de procedural menée sans temps mort et ponctué de moments de stress, comme ce braquage de fourgon motorisé ou une poursuite pédestre en plein milieu urbain, tous deux parfaitement chorégraphiés.

Visages d’anges et croix gammées

Soutenu par la photo acérée et évocatrice d’Adam Arkapaw (True Detective), The Order assure aussi dans sa reconstitution d’une époque pas si lointaine, où la menace néonazie était sérieuse, mais peut-être pas aussi inquiétante qu’aujourd’hui. Le Nord-Ouest des USA n’était qui plus n’est pas une région aussi liée au racisme institutionnalisé que le Sud et des États comme le Mississippi (il n’est d’ailleurs pas interdit de penser au Mississipi Burning d’Alan Parker, avec lequel The Order partage quelques points communs dans sa structure). Mais Justin Kurzel ne minimise rien de la réalité du fanatisme de ce groupe. 

Le film personnifie Matthews en particulier comme un gourou obsessionnel qui ne peut être raisonné – comme en témoigne un glaçant et ténébreux climax nocturne, typique du style de son réalisateur. Ses acolytes sont avant tout des bras armés facilement manipulables – ils finiront tous en prison ou abattus par la police. Hoult lui réussit pratiquement à éclipser Jude Law, en étant le visage, calme et pourtant effrayant, de l’absolutiste raciste voyant l’État de droit comme un simple obstacle à renverser. Le genre d’idéologue violent que l’on verrait malheureusement bien aujourd’hui intégrer l’entourage du nouveau président des USA…