Top 10 : Jackie Chan

par | 10 novembre 2017

À l’occasion de la sortie The Foreigner, tentons un pari fou : choisir les dix meilleurs rôles de l’incroyable carrière du bondissant Jackie Chan !

Voir Jackie Chan retenir ses larmes et être submergé par la tristesse, cela n’arrive pas souvent au cinéma. Dans The Foreigner de Martin Campbell (Casino Royale), la star hong-kongaise est à mille lieues de l’image joviale, ouverte d’esprit et pacifique qu’il projette depuis bientôt quarante ans dans ses films. Père endeuillé opposé à Pierce Brosnan, Jackie Chan amorce avec ce nouveau long-métrage, à soixante ans passés, un changement de cap notable pour ses fans de longue date.

Depuis les années 80, celui qui est considéré comme une légende vivante en Chine (et à Hollywood aussi, qui lui a remis l’an dernier un Oscar d’honneur) règne sur le cinéma d’action asiatique. À part Jet Li, et peut-être récemment Donnie Yen, aucun acteur dans ce domaine n’a atteint son niveau de notoriété. Car Jackie Chan, il faut le souligner, est un genre à lui tout seul. Ancien élève du très exigeant Opéra de Pékin, l’acteur-réalisateur-producteur a rapidement apposé sa patte et son style : un mélange de kung-fu et d’acrobaties chorégraphié avec un soin maniaque, avec l’aide de sa fameuse « Jackie Chan Stunt Team ». L’artiste met un point d’honneur à réaliser toutes ses cascades lui-même, et les montages de prises ratées qui peuplent ses génériques de fin sont là pour prouver que la perfection du geste s’atteint à l’écran au prix de nombreuses chutes, bobos et fractures ouvertes.

Avec plus d’une centaine de rôles à son actif, et une célébrité acquise des deux côtés de l’Atlantique, Jackie Chan pourrait avoir envie, à 63 ans, de lever le pied. Mais c’est mal connaître l’animal : voix de dessins animés, grosses productions chinoises (Railroad Tigers est l’une des dernières en date) et anglo-saxonnes (The Foreigner, donc, et bientôt Rush Hour 4)… Jackie est inarrêtable, et son succès semble traverser les générations. Ça méritait bien un top 10, non ?

10. LE MAÎTRE CHINOIS

Top 10 : Jackie Chan

S’il n’est pas le premier film où Jackie (crédité à cette époque « Jacky ») Chan tente d’imposer la formule qui va faire sa gloire – il faut citer aussi Snake in the eagle’s shadow, sorti quelques mois plus tôt -, Le maître chinois est une date-clé pour l’artiste martial, le film qui va tout déclencher. Nous sommes en 1978, et la solution trouvée par le comédien pour sortir de la masse des imitateurs de Bruce Lee qui pullulent à Hong-Kong, est de faire se croiser l’univers du kung-fu (il joue un jeune Wong Fei-Hung, personnage historique qui sera plus tard au centre de la saga Il était une fois en Chine) et celui de l’humour slapstick. Un héritage du cinéma muet, qui dynamise immédiatement un genre alors ronronnant. Le maître chinois, réalisé par la légende Yuen Woo-Ping, est un peu brouillon aux entournures – l’interprétation notamment est parfois à se tordre de rire, et pas dans le bon sens -, mais c’est un succès conséquent pour Jackie Chan, qui va le pousser à persévérer dans cette voie.

9. SHANGAÏ KID 2

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Soyons honnêtes : 20 ans après son arrivée à Hollywood (il avait tenté une première fois de franchir le cap, sans succès, dans les années 80), le versant américain de la carrière de Jackie Chan n’est pas vraiment mémorable. La trilogie des Rush Hour, Le Smoking, Le tour du monde en 80 jours, voire Karate Kid… Autant de titres dont on préfère ne pas se souvenir, même s’ils ont contribué à faire connaître l’acteur à une nouvelle génération de spectateurs. S’il fallait retenir un long-métrage, ce serait Shangai Kid 2, deuxième opus d’une franchise familiale plus attachante que la moyenne. Jackie Chan, garde impérial déraciné, trouve ici un tempo et bâtit une alchimie visible avec Owen Wilson, qui joue basiquement la version Far West de Chris Tucker, tout en causant moins de migraines. Cette suite reprend et améliore les ingrédients qui ont fait le succès de son prédécesseur, tout en s’accordant un bonus non négligeable : Donnie Yen en méchant de service, opposé à Jackie lors d’un duel… explosif.

8. LITTLE BIG SOLDIER

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Tout comme, dans un autre genre, Shinjuku Incident et 1911Little Big Soldier fait partie de ces productions chinoises tournées par Jackie Chan à la fin des années 2000, dans lesquelles l’accent est mis sur ses talents de comédien plutôt que de combattant. Dans ce long-métrage en costumes qu’il a coscénarisé, Jackie joue un soldat lâche et trouillard, simple paysan enrôlé de force dans une armée décimée sur le champ de bataille. Il tombe sur un général ennemi, blessé au combat, et entreprend de revenir au pays avec ce prisonnier important. S’ensuit une aventure picaresque, enlevée et rythmée, à l’évolution bien plus soignée que d’habitude (il suffit de comparer avec Le royaume interdit, où Jackie Chan partage l’affiche avec Jet Li et incarne le même genre de personnage). Little Big Soldier n’est pas forcément un classique, mais il s’agit de l’un de ses meilleurs rôles sur la dernière décennie, qui n’a pas été marquée, loin s’en faut, par tant de coups d’éclat.

7. OPÉRATION CONDOR

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Surfant autant sur le succès des Indiana Jones que sur les péripéties exotiques des James Bond, Jackie Chan offre en 1991 une suite pétaradante à son Mister Dynamite (alias Armour of God 1). Sur Opération Condor (alias Armour of God 2), la star joue comme souvent le rôle d’homme orchestre, présent à tous les stades de la production, et donnant de sa personne pour en offrir pour son argent au spectateur. Entre l’humour bon enfant, le cadre dépaysant (l’action se place en plein désert, l’aventurier joué par Jackie « Condor » étant à la recherche d’un trésor de guerre nazi), et les scènes d’action toujours plus amples et folles – la production fut l’une des plus importantes en terme de budget de sa carrière, Opération Condor est un divertissement quatre étoiles emblématique de l’âge d’or de Jackie Chan. Il suffit pour s’en convaincre de revoir le duel final dans la soufflerie d’une ancienne base allemande : c’est inventif, drôle, rapide et ça reste encore aujourd’hui du jamais vu, 100 % sans effets digitaux !

6. POLICE STORY 3 : SUPERCOP

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Saga omniprésente dans la filmographie de Jackie Chan, Police Story prend une autre dimension dans ce troisième épisode baptisé Supercop, véritable tremplin international avant que le Buster Keaton de Hong-Kong s’envole pour conquérir l’Amérique. Délaissant le ton plutôt sérieux de ses prédécesseurs, Police Story 3 transforme l’officier Kevin Chan en superflic digne d’Interpol, lancé sur la piste d’un cartel de drogue en compagnie d’un officier d’élite chinois incarné par la sublime Michelle Yeoh. Véritablement mis sur un pied d’égalité, dans une dynamique de buddy movie qui faisait alors fureur, les deux athlètes se complètent parfaitement à l’écran pour corriger tous les malheureux vilains qui croisent leur route, et ce aux quatre coins du globe. Adoubé par Tarantino lui-même, ce divertissement haut de gamme est resté célèbre pour sa longue poursuite à dos de bus, de moto, de train… et sous un hélicoptère, que Chan s’est pris en pleine face lors d’une prise ratée. Un gadin douloureux de plus qui figure, comme c’est la coutume, dans le générique de fin !

5. BIG BROTHER

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Film à part au sein de sa glorieuse décennie des années 80, Big Brother est un peu le caprice de Jackie Chan : une production fastueuse, délirante et ambitieuse, où l’artiste multi-cartes souhaite carrément rendre hommage à Franck Capra, à qui il pique l’intrigue de Lady for a Day). Réalisateur et acteur principal, Jackie joue ici un gentil Rastignac devenant par erreur le chef d’un gang mafieux et le propriétaire d’un prestigieux cabaret, dans le Shangaï des années 30. Une foule de personnages, parmi lesquels une meneuse de revue caractérielle (excellente Anita Mui), va faire de sa vie un enfer, testant à chaque fois ses capacités d’adaptation. Plus qu’aucun autre de ses films, Big Brother est le long-métrage qui mixe le mieux les obsessions et les influences de Jackie Chan, et son talent pour les chorégraphies inventives : on nage en plein vaudeville jazzy, entrecoupé de scènes de combat utilisant toutes les ressources possibles de décors surprenants.

4. CRIME STORY

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Le cinéma de Hong-Kong n’est pas avare en réalisateurs à poigne, et peu ont marqué autant les esprits des spectateurs que le trop rare Kirk Wong. Le réalisateur d’Organized Crime and Triad Bureau réalisa une prouesse en 1993 lorsqu’il dirigea Jackie Chan dans Crime Story, dans le rôle d’un inspecteur d’abord proposé à Jet Li. Même s’il fut finalement poussé dehors par une star mécontente de la direction trop noire que prenait le projet, Wong sut convaincre l’acteur de jouer un personnage dramatique, traumatisé par une fusillade et opposé à un intimidant ripou (joué par Kent Cheng). L’humour est absent de Crime Story, et les coups y font mal : il est ainsi rare de voir le comédien sous un jour aussi vulnérable, enragé. Jackie Chan a quelque chose d’un inspecteur Harry asiatique dans ce polar froid et réaliste, dont les moments-clé sont moins démonstratifs que prévus. Il faudra attendre la décennie suivante, et la tentative un peu ratée de New Police Story, pour voir Jackie Chan persévérer dans ce registre où il se montre étonnamment convaincant.

3. POLICE STORY

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Premier opus d’une franchise qui compte (plus ou moins officiellement) sept épisodes, Police Story a été l’un des plus gros succès de Jackie Chan, et une revanche cinglante après son escapade à Hollywood, « couronnée » par un pathétique Cannon Ball 2. De retour dans un cadre contemporain qui tranchait avec ses précédents longs-métrages, Police Story reste, trente ans après, un énorme morceau de cinéma d’action, ne laissant aucun répit au spectateur. Plus que l’humour désarmant et le traitement réservé au côté romantique de l’histoire (la petite amie de Jackie est alors jouée par Maggie Cheung), Police Story décroche la mâchoire lors de ses nombreux morceaux de bravoure, où l’inspecteur Chan se retrouve accroché à l’arrière d’un bus, dévale des collines dans une scène de poursuite qui inspirera, allez savoir pourquoi, Michael Bay, ou descend en rappel une colonne de luminaires dans un supermarché, se brûlant les mains au passage. Un film fou, et l’un des titres qui contribua à faire connaître au-delà de ses frontières le bouillonnant cinéma de HK.

2. LE MARIN DES MERS DE CHINE

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Vous le savez, Jackie Chan a manqué de se tuer sur de nombreux tournages, son insistance à tourner chacune de ses cascades l’exposant à chaque fois à un geste fatal, une réception ratée ou un coup trop puissant. Lorsqu’on revoit la chute du clocher du Marin des mers de Chine, prise conservée d’une cascade qui faillit lui coûter la vie, impossible de ne pas être saisi d’un certain effroi. Ce serait faire injure au film en lui-même de le résumer à ce moment glaçant, puisque ce trépidant film d’aventures (où Chan interprète le « sergent Dragon » !) est l’un des hauts faits d’armes de sa collaboration avec ses « Lucky Stars », ses camarades de l’Opéra de Pékin que sont Sammo Hung et Yuen Biao. L’inséparable trio fit des merveilles durant les années 80, et jamais leur alchimie ne fut autant avérée que dans Le marin des mers de Chine, œuvre chaotique, enfantine et primesautière, qui contient certaines des plus impressionnantes bastons générales de la filmographie de Jackie. Ce qui n’est pas peu dire !

1. DRUNKEN MASTER II

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S’il ne devait en rester qu’un… Bouclons la boucle de ce Top 10 avec Drunken Master II, suite officielle et tardive du Maître chinois, et probablement l’un des plus grands films martiaux de tous les temps. Malgré une production à problèmes (les financements manquaient, et Jackie Chan ne s’entendit pas du tout avec le réalisateur Liu Chia-liang), ce film parfois retitré Combats de maîtres représente la « comédie kung-fu » à son meilleur. Sincèrement drôle, et parfaitement rythmé, le scénario s’avère bien plus soigné que l’on pourrait espérer. Et si l’on passe outre le fait que Jackie interprète un personnage bien plus jeune qu’il ne l’était alors – ou que sa belle-mère est jouée par Anita Mui, alors qu’elle a dix ans de moins que lui -, il ne reste qu’à admirer le talent indécent de la star et de ses camarades de combat à l’œuvre. Les scènes d’anthologie sont trop nombreuses pour les énumérer, mais le combat final à lui seul, qui demanda plus d’un mois de tournage pour calibrer à la perfection chaque frappe, résume la réussite de Drunken Master II : en utilisant pleinement les spécificités de la « boxe ivre », qui imposent à Wong Fei-hung / Jackie Chan de boire des hectolitres d’alcool pour parfaire son kung-fu, le film injecte une dose invraisemblable de folie dans une joute martiale où les coups pleuvent aussi vite que les gags. Irrésistible !

En guise de bonus, on ne résiste pas à l’envie de partager cette vidéo de l’excellent site Every frame a painting, qui décortique à l’aide de nombreux extraits le style et la méthode de Jackie Chan.