Top 10 : les meilleures adaptations de Stephen King

par | 4 décembre 2013

Alors que Carrie envahit de nouveau les cinémas, retour sur les meilleures adaptations de Stephen King, roi de la littérature fantastique… mais pas seulement.

La venue de Stephen King en novembre à Paris, sa première visite officielle en bientôt quarante ans de carrière (difficile à croire mais c’est ainsi) a sans doute rappelé à de nombreux trentenaires leur jeunesse passée à lire à la lueur de leur lampe de chevet les romans et nouvelles du maître de l’horreur. Avec le temps, King est devenu une valeur sûre que l’on a un peu laissé de côté, et il est d’autant plus rafraîchissant de le voir, à 66 ans, revenir sur le devant de la scène avec plusieurs romans qui excitent la sphère médiatique, de Dôme à Docteur Sleep, suite tardive de son Shining.

Top 10 : les meilleures adaptations de Stephen King

Stephen King en pleine lecture des premières pages de Docteur Sleep, devant une salle du Grand Rex comble.

Hollywood, de son côté, n’a jamais cessé d’adorer King, devenu quasiment une marque déposée dès son premier best-seller, et une garantie pour les producteurs les moins scrupuleux de recettes sonnantes et trébuchantes dès lors qu’il pouvait apposer la mention « Stephen King présente » sur sa jaquette. Un phénomène unique qui explique cette ribambelle de séries Z, téléfilms et séries télé ayant parfois un rapport très lointain avec ses écrits. L’écrivain s’amusait lui-même, lors de sa masterclass parisienne, du nombre d’Enfants du maïs qui avaient pu été tirés d’une simple nouvelle de dix pages.

[quote_right] »King est devenu une valeur sûre que l’on a un peu laissé de côté. »[/quote_right]D’un autre côté, la richesse incroyable de son œuvre, qui ne braconne pas uniquement sur les terres du fantastique et de l’angoisse, mais aussi du drame, de la science-fiction, du polar et de la fantasy, a largement pénétré notre imaginaire collectif, à l’image de son État natal, le Maine, que n’importe lequel de ses lecteurs sait situer sur une carte. King a écrit plus de 50 romans (et bien plus de nouvelles), et de multiples adaptations en ont été tirées, la dernière en date étant un remake de Carrie réalisé par Kimberly Pierce (Boys don’t cry). Après un léger « passage à vide » au début des années 2000, la fièvre des adaptations « kingiennes » a repris de plus belle ces dernières années, sur grand écran mais aussi sur le petit, comme le prouvent Haven et Dôme. Certaines sont dans les tuyaux depuis un moment ou ont été abandonnées, comme le Marche ou crève de Frank Darabont, le Cellulaire d’Eli Roth (le film se fera finalement avec Tod Williams (Paranormal Activity 2) à la réalisation et Samuel L. Jackson) ou La tour sombre de Ron Howard. Les remakes en bonne et due forme de Ça et Le fléau sont également annoncés.

Bref, King continue de fasciner l’usine à rêves avec ses cauchemars, et nombreux sont les réalisateurs qui se sont sentis inspirés par ses histoires. Born to Watch a tenté d’en retenir 10 parmi les plus marquantes, de manière forcément subjective. Il y aura forcément des oublis et des injustices.

Et vous ? Quelle est votre adaptation préférée de Stephen King ?

10. ÇA

Top 10 : les meilleures adaptations de Stephen King

Allez, commençons directement avec notre entorse au règlement : l’adaptation de Ça, aussi connue sous le nom de « il » est revenu, n’est pas un long-métrage destiné au cinéma, mais un téléfilm réalisé en 1990 par l’un des fidèles collaborateurs de John Carpenter, Tommy Lee Wallace. Pourquoi Ça, alors, et pas Dolores Claiborne ou Cujo ? Tout simplement à cause de Tim Curry. L’acteur rendu célèbre par le Rocky Horror Picture Show a traumatisé des générations à vie dans la peau de « Grippe-sous », l’une des multiples incarnations de la « chose ». « Grippe-sous » est un clown, du genre terrifiant : il attire les enfants dans les égouts en leur promettant des ballons, et en susurrant des phrases comme « Viens flotter avec nous. Nous flottons tous en bas ». Incarnation de nos peurs enfantines les plus terribles, « ça » est une création inoubliable, Curry profitant d’un maquillage de premier ordre pour camper l’un des clowns les plus sinistres et glauques de récente mémoire. Sa présence contribue à faire oublier le côté daté et la fin grotesque d’une adaptation perfectible, mais fidèle à l’esprit du roman, l’un des meilleurs de King.

9. CHRISTINE

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Dans un sens, il est logique que John Carpenter se soit frotté une fois dans sa carrière à l’univers « kingien ». Halloween déjà saisissait avec beaucoup de clairvoyance l’ambiance sinistre qui pouvait naître dans le paysage d’une banlieue résidentielle américaine typique, avec ses allées quadrillées de pavillons cachant de sombres mystères derrière leurs haies. Avec Christine, film mineur dans sa carrière adapté d’un roman considéré lui aussi comme mineur par l’auteur, la rencontre produit pourtant un accident heureux, une sorte d’instantané de culture populaire qui résiste au temps qui passe malgré le côté répétitif de l’intrigue et les instants comiques entre ados, qui n’intéressent que moyennement le réalisateur. Christine elle-même, une Plymouth Fury rouge sang, est élevée en quelques scènes au rang d’icône de fiction d’une rare puissance, Carpenter lui donnant vie dans la fabuleuse séquence dite de « l’auto-réparation » par le biais de trucages aussi simples qu’efficaces. Vingt ans après, ce moment de pure magie continue d’impressionner.

8. SIMETIERRE

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L’un des romans les plus dépressifs de King, Simetierre a écopé d’une adaptation (scénarisée par l’auteur lui-même) à la hauteur du matériau d’origine. Récit terrifiant du drame vécu par une famille dont le petit garçon meurt renversé par un camion, Simetierre ne se sert de l’argument fantastique (le cimetière pour animaux, tout proche de leur maison, peut faire revivre les morts, et pas seulement les chats) que pour souligner la détresse émotionnelle se trouve le père, Louis, qui comble de l’ironie, est un médecin impuissant face aux forces de l’occulte. Sombre, mortifère et incroyablement nihiliste, Simetierre demeure sans aucun doute la plus noire création de l’auteur, et aisément la plus grande réussite de Mary Lambert, qui après ce tout premier coup d’éclat derrière la caméra, ne retrouvera plus jamais cet état de grâce, la dégringolade commençant directement avec l’inutile et incohérent Simetierre 2, suite mercantile dont King se tiendra judicieusement éloigné.

7. MISERY

Top 10 : les meilleures adaptations de Stephen KingLorsque Misery prend le chemin des écrans en 1990, Rob Reiner est au sommet de sa carrière, et a déjà reçu une première fois la bénédiction du maître de Portland (voir ci-dessous). Huis-clos dépourvu d’élément surnaturel à déconseiller à tous ceux qui tentent désespérément de devenir « la nouvelle star », et l’un des nombreux exemples de romans de King où le héros est un écrivain lui servant d’alter-ego, Misery constitue un sommet de tension et une leçon d’interprétation : James Caan, cloué au lit par un accident de voiture, incarne avec force l’auteur Paul Sheldon qui perd peu à peu de sa superbe face à sa geôlière d’admiratrice, Annie Wilkes, joué dans un état de quasi transe par une Kathy Bates Oscarisée. Ce que le film perd en commentaires autobiographiques sur la condition d’écrivain, il le gagne en force d’évocation, ce face-à-face angoissant ne cédant jamais à la tentation du cabotinage et du sensationnalisme, y compris lors des scènes les plus, hum, brutales (mais si, vous voyez de quoi on parle là).

6. STAND BY ME

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Outre les personnages d’écrivains, l’un des tropismes favoris de King est l’enfance. Plus malins que leurs aînés, plus clairvoyants et sensibles aussi, les enfants sont le vecteur idéal d’histoires mélangeant la trivialité du quotidien dans les bourgades rurales américaines et l’intrusion du fantastique. Dans Stand by me, de Rob Reiner, adaptation du court roman Le Corps, point de clown aux dents pointues ou de pyrokinésie, mais un cadavre, échoué sur le bord d’un chemin de fer, que quatre garçons se mettent en tête d’aller trouver pour passer dans le journal. Cette aventure représente le passage à l’âge adulte, la bande de copains échangeant confidences et blagues, surmontant les obstacles, avant d’être confrontés à la mort dans ce qu’elle a de plus définitif et désarmant. Stand by me, qui a pour réputation d’avoir fait pleurer le King, lequel s’était projeté dans le personnage du narrateur, Gordie Lachance, bouleverse comme rarement l’ont fait les films sur l’enfance. Le film accumule moments d’innocence, de joie et de tristesse, avant les dernières minutes, d’autant plus déchirantes qu’elles trouvèrent un écho des années plus tard, avec la mort de River Phoenix.

5. THE MIST

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Quatrième adaptation (série en cours) de King pour Frank Darabont, The Mist est tiré lui aussi d’un court roman, Brume, moins connu mais non moins marquant, qui se voit transcendé par les choix de réalisation radicaux du futur créateur de Walking Dead. Une brume inexplicable descend sur une petite ville du Maine, isolant une poignée de personnages dans un supermarché. Dans le brouillard, des monstres, sortis tous droits de l’imaginaire lovecraftien. L’horreur, dans son aspect le plus irrationnel. Darabont prend cette histoire simple, old-school, à bras le corps, transformant son décor unique en concentré d’Americana, et en profite pour tirer à boulets rouges sur les lobbies des armes à feu, la folie évangéliste, l’instinct réactionnaire des USA, et même leur politique étrangère. Surtout, il orchestre des séquences impressionnantes d’attaque monstrueuses, d’une puissance graphique implacable. Le dernier quart d’heure, qui invente une nouvelle fin adoubée par King lui-même, figure parmi les conclusions les plus marquantes et inattendues des années 2000. Tous genres confondus.

4. SHINING

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Il le rappelait encore en novembre avec l’humour qui le caractérise : Stephen King n’a jamais porté le Shining de Kubrick dans son cœur. Le paradoxe du film est d’être devenu pratiquement dès sa sortie l’exemple le plus célèbre d’adaptation d’un de ses romans, alors que le réalisateur de Full Metal Jacket (qui était loin d’apprécier le bouquin) prend un malin plaisir à s’en éloigner constamment. Dans Shining, ce n’est plus l’alcoolisme de Jack Torrance (Nicholson dans son royaume intérieur) mais les fantômes de l’Overlook Hotel qui mènent la danse. Tout n’est que symboles, motifs géométriques et associations inconscientes, à tel point que les fans les plus fiévreux sont devenus eux-mêmes les stars d’un documentaire décortiquant le film, Room 237, sorti en 2013. En tant qu’œuvre, certes, Shining tient le haut du pavé dans la filmographie « kingienne ». En tant qu’adaptation au sens pur du terme, disons que l’écrivain préférerait sans nul doute l’expression « inspiré de ». Rappelons que King produisit en 1997 une version télévisée de son opus, réalisée par Mick Garris, avant d’écrire une suite à SON roman, Docteur Sleep. Le mythe de l’enfant lumière est encore loin d’être éteint…

3. LES ÉVADÉS

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S’il fallait une preuve irréfutable que King n’était pas juste un auteur de best-sellers tout juste capable de pondre en série des romans de gare peuplés de vampires et de fantômes, Les Évadés (traduction idiote de The Shawshank Redemption) l’a apporté en 1994 de la manière la plus puissante qui soit. C’est alors Frank Darabont qui pour la première fois de sa carrière aborde l’univers de sa carrière, qui se charge d’adapter cette longue nouvelle, plongée implacable dans le monde carcéral vu par un innocent au cœur pur, au cœur des années 50. Le résultat, outre le fait qu’il s’agisse d’un des meilleurs films « de prison » de l’histoire, est un petit miracle au pouvoir d’attraction inexplicable. Le duo Robbins / Freeman, l’humanisme capraesque débordant de sincérité des personnages (qui confinera à la naïveté avec La ligne verte), l’incroyable évasion d’Andy, la structure parfaitement maîtrisée du scénario de Darabont : tout concourra à faire des Évadés une œuvre inépuisable, trônant depuis des années en tête du classement des meilleurs films d’IMDb, devant les Parrain. Et tout ça sans qu’un poil de loup-garou ne montre le bout de son groin à l’écran. Ça y est, convaincus ?

2. CARRIE

Top 10 : les meilleures adaptations de Stephen KingCarrie, comme tous ceux qui l’ont vu ou lu pourront vous le dire, est une histoire de première fois. Premier succès dans les années 70 pour King, vivant avec sa famille dans une caravane ; premier succès pour Brian de Palma, sorti alors du succès très confidentiel de Phantom of the Paradise (on en parlait ici) ; première expérience fructueuse pour la plupart des acteurs de son film également, des jeunots qui hanteront bientôt durablement les plateaux hollywoodiens. Mais surtout, c’est Carrie elle-même, innocente maigrelette se transformant à la faveur d’un dénouement rouge apocalypse en ange vengeur impitoyable, qui expérimente pour la première fois les règles dans une traumatisante scène d’ouverture, puis, ô coïncidence, ses pouvoirs de télékynésie. Porté par le style ultra-opératique de De Palma, qui ne recule devant rien pour mener à bien des plans-séquences et split-screens très complexes, Carrie s’impose dès sa sortie, bien aidé par une affiche explicite, comme un sommet de l’horreur, que le récent remake ne peut que rêver d’égaler. La carrière cinématographique de King est lancée, avec fracas.

1. DEAD ZONE

Top 10 : les meilleures adaptations de Stephen King

Oubliez la série interminable tirée du roman, l’un des plus compacts et palpitants de King. Dead Zone a connu les honneurs d’une adaptation parfaite et mémorable en 1983, grâce à un David Cronenberg entré alors dans sa période commercialement la plus faste. Prototype de récit « kingien », Dead Zone se déroule à Castle Rock et ajoute des éléments de polar, de romance compliquée à une histoire d’enseignant pouvant à la suite d’un accident de voiture voir l’avenir en touchant les gens. Bercé par le rythme des saisons (le film débute à l’automne, puis se poursuit dans un frigorifique hiver), le film hypnotise dès son générique, très original, avant de ne plus lâcher le spectateur avant son tragique dénouement. Halluciné, hallucinant, Christopher Walken y tient l’un de ses meilleur rôles, qui l’amène à passer par tous les registres de l’émotion, de l’homme bon brisé par le destin au prophète quasi christique portant son don (qui lui vient de la « zone morte » de son cerveau, tout un symbole) comme un fardeau lui faisant découvrir les aspects les plus sombres de l’humanité. Dans la peau du politicien fanatique, Martin Sheen est lui aussi mémorable d’intensité. Retombé quelque peu dans l’oubli, Dead Zone mérite d’être considéré comme le classique imparable qu’il est, de toute urgence.