Vous êtes cordialement invités : deux mariages sinon rien

Le spécialiste de la comédie US Nick Stoller s’enlise avec Vous êtes cordialement invités dans une histoire de double mariage qui vire au chaos, sans convaincre.
Le réalisateur Nicholas Stoller n’est pas un inconnu pour les habitués des comédies américaines. il a réalisé notamment la duologie Nos pires voisins, Sans Sarah rien ne va, ou encore les sitcoms Friends from College et Platonic. Sa nouvelle comédie romantique, Vous êtes cordialement invités est portée par un duo inédit, Reese Witherspoon (La revanche d’une blonde) et Will Ferrell (Anchorman). Produit par Amazon, le film part d’une idée simple et prometteuse : l’histoire de deux couples qui vont se retrouver sur la même île paradisiaque pour célébrer leur mariage… au même moment :
Jim (Ferrell) incarne le père de Jenni (Geraldine Viswanathan) qui réserve un lieu sublime pour célébrer son mariage. De son côté Margot (Witherspoon) planifie le mariage de sa sœur Neve (Meredith Hagner) qui va épouser Dixon, un strip-teaseur (l’excellent Jimmy Tatro, vu dans American Vandal). Le problème est que ces deux couples ont réservé l’île de Palmetto à la même date, le 1er juin, suite à un souci d’organisation interne évidemment peu fréquent. Le film passe très vite au jour J en mettant en avant ce lieu magnifique, digne d’une saison de The White Lotus (ou de la comédie d’action Shotgun Wedding, déjà sur Prime). Vous êtes cordialement invités semble développer un vrai potentiel comique, amenant dans ses bagages son lot de surprises quand les deux familles antinomiques débarquent sur l’île. Dès le début, la différence d’ambiance à venir entre les deux mariages s’affirment : celui de Jenni sera détendu alors que celui de Neve respectera les conventions et les traditions. Classique.
Des gags, des toasts et du malaise

Parce qu’il n’y a pas de bons gags sans une bonne opposition, le ton monte rapidement entre Jim et Margot, chacun souhaitant que le mariage se déroule sans accroc sur cette île paradisiaque. Heureusement, ils trouvent une solution et se partagent les lieux. Le scénario délivre quelques répliques acides plus ou moins réussies, et creuse une relation entre Margot et sa mère qui semble très complexe. Des personnages bien développés se dévoilent au fur et à mesure. La réalisation est fonctionnelle et maintient l’illusion, mais très vite, le jeu d’acteur de Will Ferrell, qui ne s’épanouit jamais autant que dans la semi-improvisation, semble bridé et limité. L’acteur semble en dessous de son niveau habituel. Malgré la présence d’un très bon casting pour l’entourer, Vous êtes cordialement invités commence à s’enliser dans cette ambiance tropicale, même quand les langues se délient entre membres de la même famille.
« Vous êtes cordialement invités s’enlise dans une ambiance tropicale. »
S’il faut reconnaître une qualité à The Gorge, c’est de proposer un spectacle plus soigné, ambitieux et singulier que les précédentes productions Skydance / Apple, comme Family Plan et Ghosted. Derrickson, pas un manche dans l’horreur comme dans les grosses productions, s’est entouré d’une équipe artistique expérimentée et parfois oscarisée, de la photo, primordiale, assurée par Dan Lausten (La forme de l’eau) aux décors signés par la team des Pirates des Caraïbes et la musique confiée au duo Trent Reznor / Atticus Ross (oui, carrément. Ceci dit, le résultat n’est pas mirobolant). Le souci, quelque part, c’est que tout ce beau monde illustre un scénario pondu pendant le confinement par Zach Dean, l’auteur de ces gros machins décérébrés que sont Fast X et The Tomorrow War. L’étrangeté de The Gorge réside dans son ton un poil plombant et languissant, cet air de sérieux que tente de se donner un film au pitch pourtant totalement bis, tournant autour d’une machination secrète idiote et carburant aux gloumoutes visqueux, pleine de deux ex machina et de méchants en carton (qu’est venue faire Sigourney Weaver ici, sérieusement ?).
Un saut tardif dans l’inconnu

Car le jour du mariage, comme attendu, des imprévus viennent perturber le déroulement, les deux mariages se retrouvant par exemple dans la même pièce, pour une belle cacophonie. Ce qui suit, une scène de duo entre Jim et sa fille, vire par contre au malaise à tous les niveaux. Et le film poursuit sa chute avec le discours de Margot, malgré quelques idées insufflées par Stoller pour visualiser le changement d’humeur de Jim, qui entend ce que pense la famille de Margot de sa relation avec sa fille. Vous êtes cordialement invités bascule même dans la gênance avec l’arrivée de Nick Jonas en pasteur et les remarques inappropriées d’invitées qui ne semblent pas avoir vu un homme depuis longtemps. Le film confond chaos total et humour gras, le tout devient trop forcé. Les mariages passent au second plan, et bizarrement, l’intrigue autour de la vengeance de Jim devient primordiale, personnelle. Les coups bas s’enchaînent, sans que cela soit très marquant. Vous êtes cordialement invités veut parler des liens familiaux, des non-dits qui peuvent pourrir une relation quand ils ne sont pas adressés, mais manque un peu le coche. Restez cependant bien jusqu’au bout du générique de fin !