Signe de la confiance que les producteurs de Projet Almanac (ex-Welcome to yesterday) portent en leur film, sa sortie a été repoussée plusieurs fois de suite : initialement prévu pour l’été 2014, le film de Dean Israelite échoue finalement sur les écrans en hiver, pas vraiment la meilleure période pour promouvoir un divertissement pour ados dont une partie de l’intrigue se déroule au Festival Lollapalooza, qui a lieu… en juillet. Cela explique en partie pourquoi le marketing autour de cette production Paramount / Michael Bay / MTV (ouch) s’avère aussi… à la ramasse. Il y d’abord les affiches vendant le film à l’aide de tweets parmi les plus stupides jamais vus sur un quai de métro (dont l’un d’un internaute ne l’ayant visiblement même pas vu !). Il y a aussi cette volonté, visible, de vendre le long-métrage comme une expérience fun et « complètement déglinguo », façon Projet X (vous voyez maintenant le pourquoi du changement de titre ?), plutôt que comme un film fantastique potentiellement trop ésotérique pour nos bouffeurs de frites préférés.
Temporal Activity
Pourtant, en s’attaquant au thème toujours aussi stimulant du voyage dans le temps, Projet Almanac ne cherche pas à réinventer la relativité, loin de là. N’espérez pas découvrir une série B se jouant avec délice et rigueur des règles de la physique et des paradoxes temporels, comme Timecrimes, Primer, L’effet papillon ou, plus près de nous, Prédestination. La science, les interrogations quasi-métaphysiques, le film s’en contrefout royalement : seule compte cette idée, un peu étrange, de reproduire sans se fouler le succès surprise de Chronicle en adoptant la même forme et le même esprit glorieusement ado. Le résultat est, c’est le moins que l’on puisse dire, loin de s’approcher de la réussite de Josh Trank.
[quote_center] »Ce qui irrite au final le plus, c’est l’idée que les scénaristes hollywoodiens se font de l’adolescent américain. »[/quote_center]
Hé oui, le procédé plus trop à la mode utilisé dans Projet Almanac est bien le found footage. Ou plutôt le live footage devrions-nous dire, les personnages du film ayant étrangement l’idée de se filmer tout le temps sans raison valable (le scénario est à ce niveau encore moins imaginatif que le récent Black Storm). Prévoir, donc, les maux de crâne à répétition pour suivre l’histoire de David (Jonny Weston, John Dies at the end), petit génie à l’allure un peu trop athlétique pour être crédible en rat de laboratoire – enfin bon, il a parfois des lunettes, ça doit donc être un geek -, qui tombe un jour dans la cave de son défunt père un bric-à-brac étrange. Il s’avère que ce matériel, laissé sans raison à l’abandon pendant dix ans, devient une fois assemblé… une machine à remonter le temps. David, sa sœur et ses gentils potes s’empressent de la construire, avec une facilité assez décourageante (le jeune Adam, 16 ans, 10 secondes après avoir déplié un carnet de croquis : « Mais ? Ça parle de théorie de la relativité ! »), puis de la faire marcher. Et bingo ! Chacun peut obtenir, à partir de là, une (ouvrez les hashtags) #2ndechance, faire la fêêêête et devenir populaire. Mais David, lui, a un but plus perso : il veut d’une part se tap… hum, séduire la fille de ses rêves, et pourquoi pas éviter la mort de son père. Et lui donner, à lui aussi, une (soupir) #2ndechance.
Projet « petits bras »
S’il est possible d’oublier, parfois, pendant quelques instants, la forme immonde de Projet Almanac, qui en plus d’être volontairement cadré avec les pieds (même quand la caméra est posée !) est aussi hideusement éclairé, impossible d’ignorer les incohérences innombrables et le manque d’ambition impressionnant du script d’Andrew Stark et Jason Pagan, deux scribouillards également embauchés pour pondre le prochain Paranormal Activity. Le petit groupe voyage ainsi de plus en plus loin dans le temps, mais bizarrement aussi dans l’espace, ce qui est déjà plus problématique vu qu’ils expliquent au départ que c’est impossible. Le film ignore aussi superbement le principe des timelines alternatives, qui voudrait que les cinq ados tombent à chaque nouvelle réécriture du temps sur leurs doubles, et non sur une répétition façon Un jour sans fin de la même séquence. Le script introduit pour se faire pardonner l’idée d’un bug fatal quand chacun rencontre de trop près son double, mais l’application de ce principe est aussi rare qu’aléatoire. Et ne parlons pas de la mise en action du fameux effet papillon, utilisé comme un prétexte scénaristique petits bras pour générer un peu de gravité dans cet océan bien bruyant d’à peu-près.
Mais il fallait bien se douter qu’un projet qui prendrait Projet X pour référence cinématographique ne volerait pas bien haut. Ce qui irrite au final le plus, c’est l’idée que les scénaristes hollywoodiens se font de l’adolescent américain, à peu près aussi valorisante que l’affiche concoctée par les as du marketing de Paramount France. David et ses potes, en héritant du plus grand pouvoir possible sur Terre, n’a immédiatement que des idées banales en tête : éclabousser une pimbêche au lycée, réussir à tout prix son contrôle de physique, assister à l’édition passée d’un festival de musique qui a lieu TOUS LES ANS, devenir populaire en distribuant des sandwiches bios (pardon ?) ou encore draguer maladroitement sa voisine de classe, quitte à oublier en cours de route le sujet important de cette histoire : pourquoi le père aurait-il légué en secret une telle machine à son fils si ce n’était pour revenir dans le temps et le sauver ? Et comment savait-il qu’il aurait les capacités intellectuelles pour l’assembler ? Raaah, mais les jeunes s’en foutent de çaaa, remettez plutôt la chanson d’Imagine Dragons dans le générique, lààà, je vais la prendre sur Spotify ! (1)
(1) Oui, car Spotify est aussi présent sur cette immortelle affiche avec un slogan écrit aussi gros que les tweets « de ouf » qui espèrent nous convaincre de la qualité du film.
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Projet Almanac (Project Almanac)
De Dean Israelite
2015 / USA / 106 minutes
Avec Jonny Weston, Sofia Black-d’Elia, Sam Lerner
Sortie le 25 février 2015
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