À force de le répéter, l’expression est devenue un repoussoir pour tout le landerneau de la production hexagonale : le film de genre à la française est une impasse économique et industrielle. Ça ne marche pas, ça n’intéresse personne en dehors des lecteurs de Mad Movies, et surtout ça peut valoir quelques ennuis aux producteurs avec le CSA lorsqu’il s’agit de films aussi gratinés que Martyrs. Autant dire que mendier quelques subventions publiques est aujourd’hui devenu un parcours du combattant pour la poignée d’audacieux qui, envers et contre tout, veulent faire du genre en France avec plus de moyens que le budget bronzage de Daniel Auteuil.
[quote_center] »Il aura fallu 8 ans à Seri pour retrouver le chemin des plateaux de cinéma. »[/quote_center]
Dans cette course au financement, qui est le nerf de la guerre du cinéma (un art certes, mais qui rappelons-le coûte très, très cher), certains ont choisi de passer par la bande, et de se passer de l’argent du CNC par la même occasion. Internet et les financements participatifs sont la nouvelle lueur d’espoir des jeunes loups pleins d’idées, qui suent sang et eau pour convaincre le public et quelques mécènes de la qualité future de leur bébé. Récemment, le nerveux Dealer est venu truster les festivals en contrebande, prêt à convaincre des acheteurs étrangers alors même que le film n’a toujours pas de distributeur en France. La micro-production Horsehead a eu le même genre de parcours, réussissant toutefois à décrocher une sortie technique en mars pour couronner son parcours indé.
Ce taxi-là ne plairait pas à tonton Luc !
À l’automne prochain, si tout va bien, ce sera au tour du réalisateur Julien Seri de montrer que le crowdfunding (en l’occurrence, Ulule) peut mener à tout, à condition d’avoir un projet bien ficelé, un pitch carré et des storyboards alléchants. Annoncé, logiquement, de longue date, Night Fare est une série B aux contours musclés, qui renvoie dès son matériel promotionnel à l’esthétique néon-urbaine américaine de Michael Mann et Drive. Des influences que le réalisateur de revendique sans sourciller, évoquant « une relecture de Duel » pour situer les influences d’un film au point de départ simplissime, co-produit et co-écrit par son ami Pascal Sid (réalisateur de Derrière les murs avec Laetitia Casta). Une nuit à Paris, deux amis déjà un peu éméchés se rendent à une fête en taxi. L’un d’eux décide à la fin de la course de faire du « taxi-baskets » et de filer sans payer. Pas de quoi appeler le GIGN, mais le chauffeur du dit taxi, lui, n’aime pas les mauvais payeurs. Comme il est du genre psychopathe, il va faire vivre une nuit d’enfer aux deux écervelés et à leurs amis…
Il aura fallu 8 ans à Seri pour retrouver le chemin des plateaux de cinéma, après l’échec de Scorpion, où il transformait Clovis Cornillac en brutasse adepte des MMA. Quelques piges télévisuelles ont permis au cinéaste, qui avait débuté avec le scénario de Yamakasi, de ronger son frein plusieurs années. Il a fallu du temps pour rassembler les fonds nécessaires à ce Night Fare désormais nanti d’une bande-annonce solide, mais qui en révèle un peu trop sur ce fameux « Driver » aux méthodes brutales. Avec sa casquette et son visage filmé toujours en contre-jour, il évoque plus Une virée en enfer de John Dahl que le classique de Spielberg ou même Hitcher. La musique, signée Alex Cortès (compositeur… de Martyrs) devrait soutenir sans problème un film qui, à défaut d’être original, s’annonce rythmé et généreux, proche dans le ton des slashers rentre-dedans des années 80 à la Maniac Cop. Ici, les coups de poing rétament les freluquets en une seule fois, et les coups de taser se lancent directement dans la bouche ! Reste à passer outre l’incongruité d’un casting en majorité anglo-saxon, le film étant tourné dans la langue de Shakespeare. Vraiment étrange de voir entre Jonathan Howard et Jess Liaudin, tous deux au générique de Thor : le monde des ténèbres, se débattre in English la mimi Fanny Valette (Vertige, Sable Noir). Mais on y revient toujours : pour ne pas avoir à subir le diktat des institutions, il faut être prêt à faire des concessions…