S’il y a bien un réalisateur auquel on ne s’attend pas à penser en découvrant Le Labyrinthe 2 : La Terre Brûlée (où, malgré le titre, ne vous attend cette fois aucun labyrinthe), c’est Steven Spielberg. Wes Ball, réalisateur du premier opus de cette saga fantastique pour ados et qui a rempilé pour cette séquelle (avant, sans aucun doute, de conclure cette trilogie en 2017), a certes démontré en 2014 son amour du film d’aventures vu à hauteur d’adolescent, avec cette histoire de garçons débrouillards enfermés dans un gigantesque labyrinthe à ciel ouvert, et s’organisant pour en trouver la sortie. L’omniprésence du danger, le côté tribu juvénile à la Goonies et l’apparition régulière de pièges ludiques éparpillés dans le décor, constituaient déjà des éléments qui évoquaient l’univers du wonderboy derrière Amblin et Indiana Jones.
Marathon dans le wasteland
La Terre Brûlée, même s’il change les règles du jeu en terme d’enjeux narratifs comme de spectacle (le budget n’a pas été doublé pour rien), renforce encore cette parenté en rendant des hommages évidents aux aventures de l’archéologue au fouet claquant ou aux Jurassic Park. Pourtant, pas de dinosaures en liberté ou de précieux artefacts à prévoir ici : juste ce besoin pressant d’évasion constante, d’avalanche de rebondissements et de rencontres / étapes avec des personnages hauts en couleur. Là où Le Labyrinthe se résumait à tourner en rond dans l’espoir de découvrir l’envers du décor, La Terre Brûlée ressemble à un marathon en ligne droite, séquencée comme un jeu vidéo et rythmée par les exclamations primitives de ses héros paniqués : « courez ! », « plus vite ! », « fuyez ! ».
[quote_center] »Pas de temps pour l’amour ici, ça empêcherait de courir ! »[/quote_center]
Pour ceux qui ont déjà découvert le périple de Thomas (toujours campé par l’athlétique et motivé Dylan O’Brien) et ses amis, La Terre Brûlée reprend immédiatement là où Le Labyrinthe s’arrêtait : les évadés sont repris en main par une mystérieuse organisation qui les emmène dans un bunker souterrain. Des lits, à manger, une relative sécurité : le petit groupe apprécie ce regain de confort, mais bien vite, Thomas soupçonne quelque chose. Le patron des lieux, Janson (Aiden « Littlefinger » Gillen, de Game of Thrones) ne lui inspire pas confiance, et inconsciemment, il veut savoir ce qui se trame derrière ces lourdes portes blindées. Une fois encore, les coureurs (ou « Blocards » comme le roman d’origine de James Dashner les surnomme) vont s’évader, mais cette fois, cette partie-là n’occupe que le début du film. Une fois dehors, Thomas et ses amis sont confrontés à un monde aride et désolé, un wasteland irradié par le soleil et peuplé d’infecté. Leur seul espoir : rallier un groupe de rebelles pour échapper aux troupes lancées à leur poursuite…
En route vers les clichés
En délaissant son unité de lieu et de personnages, et un décor protéiforme qui lui conférait une identité unique dans le paysage des franchises SF pour ados comme Hunger Games et Divergente, La Terre Brûlée prenait le risque de retomber dans les travers habituels du genre. Ces blockbusters estampillés « YA » (young adults) se révèlent souvent handicapés par des tunnels de dialogues affligeants, des bluettes amoureuses stériles et une simplification outrancière de leurs enjeux, qui se bornent à opposer la jeunesse courageuse à l’âge adulte oppresseur et castrateur. Et d’une certaine manière, en ouvrant très largement son univers, en dévoilant ses différentes factions et en obligeant le groupe de Thomas à y trouver sa place (qui se trouve plutôt du côté des rebelles, forcément), Wes Ball n’échappe pas à ces travers récurrents. Le monde postapocalyptique de La Terre Brûlée, aussi spectaculairement réalisé soit-il, ressemble à une version aseptisée de Je suis une légende, de Mad Max : Fury Road, ou des jeux vidéo Fallout et The last of us. C’est un univers impressionnant, aguicheur et incarné, mais un univers familier, où la violence, aussi suggérée soit-elle, reste hors-champ, où les infectés/zombies sont numériques et les effusions de sang pratiquement absentes. C’est un univers, enfin, parfaitement chaste. Pas de temps pour l’amour ici, ça empêcherait de courir !
S’il a abandonné le côté aventure entre garçons pour s’essayer à la SF à grande échelle, marchant du coup sur les plates-bandes de la saga de Katniss Everdeen, Wes Ball n’a pas tiré un trait sur ce qui faisait aussi l’attrait de son précédent opus. La Terre Brûlée, aussi familier et prévisible soit-il, avance à un train d’enfer pendant plus de deux heures, marquées par la figure du jeune Thomas sprintant comme un Tom Cruise sous EPO pour échapper à toutes les menaces imaginables : de méchants soldats en armure, des zombies, des éclairs (moment le plus absurde du film), des explosions en chaîne… Pas étonnant qu’à ce rythme, ce héros-là n’ait pas le temps de réfléchir à des plans solides ou s’exclame avec une grimace « J’en ai marre de courir ! ». Ce motif de la fuite fait de toute manière écho au titre original de la franchise (Maze Runner, soit le coureur du labyrinthe), et empêche de réfléchir aux facilités de scénario et à la simplicité extrême d’une intrigue paradoxalement bien plus linéaire qu’un Fury Road basé sur ce même principe de fuite en avant.
Coureurs anonymes
Forcément, l’insistance mise sur les scènes d’action et les effets visuels signifie que le casting, moins exclusivement masculin qu’auparavant, ne peut pas faire des miracles avec les scènes intimistes qui lui sont réservées. O’Brien se taille la part du lion dans un rôle de leader un peu trop monolithique, tandis que sa belle acolyte Kaya Scodelario n’arrive toujours pas à marquer les esprits dans le rôle de Victoria. Plus immédiatement marquante est la nouvelle venue Brenda (Rosa Salazar, Divergente 2), qui arrive à mi-parcours et se montre tout aussi débrouillarde que son pendant masculin – en plus d’esquisser brièvement l’incontournable triangle amoureux. Le groupe de Thomas, lui, est réduit à des individualités guère passionnantes (ce sont essentiellement des suiveurs, traités comme tels par le montage).
La petite surprise réside enfin dans la panoplie de personnages adultes, bons, mauvais ou ambigus, qui vient épauler la revenante Patricia Clarkson. Nous éviterons de gâcher la surprise de la découverte, mais qu’ils soient des visages connus de la télévision ou du grand écran, chacun apporte un poids dramatique, et une intensité, qui contrastent efficacement avec la légèreté d’un script sans autre surprise que son (petit) twist final.
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Le Labyrinthe : La Terre Brûlée (Maze Runner : The Scorch Trials)
De Wes Ball
2015 / USA / 131 minutes
Avec Dylan O’Brien, Ki Hong-Lee, Kaya Scodelario
Sortie le 7 octobre 2015
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