Il vous a peut-être échappé que l’éternel adolescent blondinet qui incarne Iceman dans la saga X-Men multiplie les apparitions à la télévision, comme au cinéma. Cependant, une petite mise au point s’impose : non, l’acteur de X-Men ne joue pas dans le film Régression, d’Alejandro Amenàbar, aux côtés d’Emma Watson et d’Ethan Hawke. Mais pourtant ? Même bouille ronde et juvénile, même tête de post-adolescent ? Et pourtant ce n’est pas la même personne ! De Fringe à Smallville, en passant par The Following ou encore XIII : la série, vous avez probablement apprécié ce visage à plusieurs reprises à la télévision américaine, sans vous douter qu’il s’agissait en réalité… de deux acteurs ! Aaron et Shawn Ashmore, jumeaux d’une minute, trustent conjointement l’affiche depuis que leur maman les a emmenés à leur premier casting à l’âge de sept ans.
Comme un air de déjà-vu…
Aaron et Shawn sont nés en 1979, à Richmond en Colombie-Britannique. Pour l’anecdote, leur mère, Linda, a également une jumelle. Repérés par un agent dans leur pays, les deux enfants enchaînent les publicités. Un jour, Aaron décroche un rôle. Malade le matin même, il envoie son frère le remplacer. Dès lors, la carrière de Shawn semble avoir un léger temps d’avance.
[quote_left] »Le cinéma ne verrait-il dans les jumeaux rien d’autre qu’un amusant trompe-l’œil, bête de foire le temps d’une scène ? »[/quote_left]Les deux jeunes Canadiens ont déjà une belle carrière derrière eux. Remarqué à l’âge de 14 ans dans Guitarman, Shawn incarne brièvement Iceman en 2000 dans X-Men et puis prend une plus grande importance dans X-Men II, tout en décrochant un rôle régulier dans Fringe. Son frère fait également carrière de son côté. Aaron a enchaîné les rôles à la télévision, il a été notamment aperçu dans À la maison Blanche, Veronica Mars ou Nikita et de manière régulière dans Smallville, où il joue le rôle de Jimmie Olsen, le photographe du Daily Planet. Histoire de semer la confusion dans l’esprit du spectateur, les producteurs de la série n’ont pas pu résister à la tentation d’inviter Shawn dans quelques épisodes. Le cinéma semble enfin depuis un an lui tendre les bras (nous parlons d’Aaron, là !). En 2015, il était un détective privé dans Ballet Meurtrier du réalisateur canadien Michel Poulette et surtout un personnage important du thriller d’Amenàbar, Régression. Aujourd’hui, les deux jumeaux vivent ensemble, à Toronto, et aiment rappeler leurs minces différences en interview, à savoir quelques centimètres de plus pour Aaron, des coupe de cheveux et un goût pour les chaussures radicalement différents.
Au lycée, déjà, Aaron et Shawn ont joué de leur ressemblance. Pourtant, si les deux frères semblent avoir des aspirations de carrières similaires, la concurrence ne les a pas désunis. S’ils ont déjà partagé l’affiche, le jeu de miroir ne semble pas leur priorité. Pourtant, les jumeaux ont, de tout temps, joué de cette dualité qui fascine toujours autant le grand public. Pour un réalisateur ou un showrunner, un jumeau représente avant tout un atout de poids lorsqu’il s’agit de tourner avec des enfants, dont le temps de travail est limité par la loi. Lindsay et Sidney Greenbush incarnent d’ailleurs l’exemple parfait de ce phénomène : elles interprétaient la petite Carrie Ingalls dans La Petite Maison dans la Prairie. Madison et Miranda Carabello, entre autres exemples, ont tour à tour joué le même bébé dans la série Médium. Certains jumeaux ont aussi, pour leur carrière d’adultes, choisi de rester ensemble devant la caméra. Le duo comique Dan et Don Stanton a tenu des rôles cultes chez Joe Dante (ils sont savants dans Gremlins 2, ou les frères Warner dans Les Looney Tunes passent à l’action) et chez James Cmaeron (le policier qui fait face au T-1000, qui prend ses traits dans Terminator 2… c’est eux).
Jumeaux, oui, mais acteurs avant tout
Faute, peut-être, de réel intérêt porté à leurs qualités de jeu, les jumeaux-acteurs ne représentent pas une part significative du cinéma. Les statistiques sont formelles : il naît une paire de jumeaux toutes les 85 naissances. Le phénomène gémellologique est peu courant, mais offre de superbes possibilités cinématographiques aux metteurs en scène. Seulement voilà, leur absence sur les écrans montre bien qu’à l’exception de quelques cas de figure comme les frères Ashmore et, de manière anecdotique, les Stanton, les directeurs de casting rechignent à faire appel à eux. Il suffit de regarder la filmo des deux britanniques, James et Oliver Phelps, qui incarnaient Fred et George Weasley dans les huit Harry Potter, pour le comprendre. Engagés, comme eux, dès leur plus jeune âge, Daniel Radcliffe, Emma Watson et Rupert Grint réussissent aujourd’hui à se creuser un sillon dans le monde du cinéma. Depuis la fin de la saga, les jumeaux, eux, ont plus ou moins disparu des radars.
Le cinéma ne verrait-il dans les jumeaux rien d’autre qu’un amusant trompe-l’œil, une bête de foire le temps d’une scène. Ou pire, un simple gain de temps et d’argent nécessaire sur un tournage nécessitant des enfants ? Tout porte à le croire. Pire enfin, le cinéma cherche des moyens détournés de se passer de leur service, même lorsque le scénario les désigne avec évidence. La performance ahurissante de Tom Hardy dans Legend, qui incarne à lui seul deux frères gangsters, contribue radicalement à orienter le point de vue de ce biopic. Plutôt que de compliquer la tâche de son interprète, Brian Helgeland aurait simplement pu chercher des jumeaux-acteurs, comme l’avait fait le réalisateur Peter Medak qui avait adapté une première fois cette histoire dans Les Frères Kray. De fait, il existe bien plus de cas d’acteurs incarnant deux personnages par la grâce des effets spéciaux (comme Jeremy Irons dans Faux-Semblants, Jesse Eisenberg dans The Double, etc.), que de rôles réellement interprétés par des jumeaux.
Nous ne pouvons que constater qu’en 2016, il existe encore des inégalités sur les plateaux de tournage. Il reste aux « exceptions » Aaron et Shawn Ashmore à redoubler d’efforts pour prouver que leur dualité n’est pas un défaut, que leurs qualités d’interprétation ne se divisent pas par deux, mais qu’ils représentent, au contraire, de fantastiques miroirs de notre époque.
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