Creative Control apparaît en apparence bien plus intéressant qu’il ne l’est en réalité. Présenté comme une œuvre de science-fiction, au sens qu’il se déroule dans un futur proche, où les technologies novatrices existent déjà, mais avec un design différent. En montrant une série de lunettes à réalité augmentée, qui ressemblent à de véritables lunettes de vue, et des ordinateurs et smartphones transparents, l’arnaque de la fausse anticipation se dessine. Que Benjamin Dickinson refuse de déployer une quelconque créativité pour décrire son univers, autrement qu’en choisissant un noir et blanc moyen, passe encore. Qu’il verse plutôt dans la comédie absurde (Dallas chez les hipsters ?) et allégorique, sur fond de dépendance technologique, en jouant sur la fascination et la frustration, pourquoi pas. Que le manque cruel de budget transparaisse dans ce film au financement participatif s’excuse, quoique. Mais qu’il dresse le (long) portrait d’un personnage sans saveur ni odeur et rate totalement son final s’avère totalement rédhibitoire.
David, ses amours, ses emmerdes
Dans un futur proche, qui ressemble très fort à notre réalité, David (Benjamin Dickinson himself) est une version actuelle d’Octave de 99 francs, sous-entendu un hipster drogué et égoïste, sous la pression de l’agence de publicité qui l’emploie. Son patron lui confie la promotion de nouvelles lunettes à réalité augmentée, « Augmenta », qui promettent un monde enrichi à nul autre pareil. Sa vie sentimentale commence à aller à va-l’eau, lorsque Juliette (Nora Zehetner), sa copine, professeur de yoga de son état, se met à le harceler pour partir vivre « à la campagne ». Ce personnage hystérique et caricatural s’illustre au travers des scènes autonomes, qui semblent en partie improvisées. Point positif de ce personnage, elle vit une expérience érotico-méditative avec un ours. Non, il ne s’agit pas d’un véritable ours, mais simplement d’un jeune colosse branchouille qui a perdu son rasoir depuis environ deux ans. Cette sous-intrigue complètement loufoque s’ouvre sur un second degré salvateur, à défaut de présenter un quelconque intérêt.
Si le Juliette–show irrite prodigieusement, ce n’est que le début, car David a également un meilleur ami, en la personne de Wim (Dan Gill). Ce dernier gagne sa vie en tant que photographe de mode, mais son véritable talent s’exprime à travers des photos d’art. La scène du vernissage de son exposition montre parfaitement l’étendue de la créativité du bonhomme, qui photographie ses chaussures, objets transgressifs s’il en est. Le week-end, Wim sort sa décapotable rutilante pour arpenter les rues de Brooklyn (mystérieusement dépourvues de bouchons), cigares à la main, dans un monde où le Lexomil se vapote. Transgressif, on vous dit. Le problème pour David est que son pote ne cesse de le choquer comme de le fasciner avec l’attitude qu’il adopte avec sa petite amie, Sophie (Alexia Rasmussen). Non content de la tromper régulièrement avec des mannequins, Wim envoie à David régulièrement des photos de sa belle dénudée. À force de voir Sophie à poil, il commence à fantasmer sur cette personne et crée un avatar virtuel de Sophie avec les lunettes « Augmenta » qu’on lui a confiées au boulot. Ainsi commence une véritable addiction à la réalité virtuelle, son refuge lorsque la réalité fait pâle figure.
Ennui virtuel
Constamment donneur de leçons, Creative Control va (enfin) attendre une distorsion de la réalité, aboutissement de l’addiction de David pour l’univers virtuel qu’il s’est façonné. Finalement très peu exposées, les fonctionnalités d’« Augmenta » n’ont pas l’impact nécessaire. Le climax ne pouvait donc se révéler que raté. Le film, qui doit beaucoup à Ex Machina et à Her, est une maladroite tentative de dépeindre les dangers et les illusions impossibles des nouvelles technologies, en usant de philosophie basique et de personnages particulièrement mal écrits.
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Creative Control
De Benjamin Dickinson
2016 / USA / 97 minutes
Avec Benjamin Dickinson, Nora Zehetner, Dan Gill
Sortie le 9 novembre 2016
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Crédits photos : Damned Distribution